Flashscore : Les Pyrénées arrivent très tôt et l’on se doute que les choix étaient restreints sur le sujet, alors que le départ de Barcelone et de Catalogne rappelle celui d’Italie en 2024 avec des étapes piégeuses. Néanmoins, peut-on se dire que vous laissez la chance aux audacieux qui ne jouent pas le général pour prendre le jaune dans les Pyrénées ?
Thierry Gouvenou : Clairement, oui. Dans les Pyrénées, on a essayé de ne pas faire trop dur. On a envie de garder un peu de suspense si c’est encore possible. C’est pas facile en ce moment (rires) ! L’arrivée à Gavarnie tombe bien parce que le final est à 3-4% et il n’y a, normalement, pas de quoi faire de trop gros écarts.
Compliqué de garder le suspense avec Tadej Pogacar !
Il est surtout revanchard. Il a besoin de ça. Il l’était après la claque reçue en contre-la-montre à Combloux. Cette année ça a commencé à Hautacam dès le pied du col, on sentait bien que ça venait de l’humiliation subie (ndlr : en 2022). Mais ce trait de caractère risque de baisser après avoir quasiment tout gagné.
Pour l’édition 2025, vous avez redessiné les arrivées à Rouen mais surtout à Toulouse à la suite de recommandations de locaux. Le pari était incontestablement réussi mais laissez-vous ouverte la porte à de nouvelles suggestions ?
Oui mais sur 2026 c’était moins problématique parce qu’à la limite, il fallait plus faire attention de ne pas faire trop dur. En 2025, quand on passe 10 jours en plaine, c’est sûr qu’il faut aller chercher des difficultés. Cette fois-ci ce n’est pas le cas car on est directement dans les difficultés à Barcelone. C’était moins contraignant cette année d’aller chercher des choses atypiques sur le parcours.
Je me dis à chaque fois que c’est le grand départ qui donne le tempo du tracé du Tour. Quand on part dans le sud, d’Italie, de Bilbao, de Barcelone ou de Nice pour parler un peu de France, c’est la garantie que la première semaine ne va pas être trop soporifique.
Les cyclos et organisateurs de courses locales n’ont eu de cesse de rappeler qu’il existait d’autres raidards que la Planche des Belles Filles dans les Vosges. Inédit en 2026, le col du Haag sort-il de votre chapeau ?
C’était quelque chose que l’on m’avait déjà proposé il y a au moins une dizaine d’années ! J’étais allé voir mais c’était un champ de mines (sic). Et il y a deux ans, la communauté de communes de la Vallée de Saint-Amarin nous a informés d’un projet de véloroute et donc, d’un goudronnage. On leur a dit : "dès que ce sera fait, on reviendra très vite avec le Tour". C’était déjà prêt lors de la dernière arrivée au Markstein mais ça allait se jouer à quelques mois et on ne voulait pas prendre le risque sans savoir si les travaux allaient être finis. Par contre, ce n’est pas une demande du Tour de France de refaire le goudron du Haag.
C’est bien de le préciser…
Oui parce qu’on entend "c’est le Tour de France qui fait les travaux". Ce n’est pas vrai. Nous, on prend les routes telles qu’elles sont. C’est rare que l’on demande des travaux à la collectivité, à part si la collectivité veut un endroit précis.
Lors de la dernière édition, vous vous êtes montré critique sur le comportement des équipes de sprinteurs lors des étapes dites de transition, menaçant une baisse drastique de ces étapes de plat à l’avenir. Avez-vous des erreurs du passé en tête ?
Je n’ai pas dit que je ne voulais plus d’étapes pour les sprinteurs, j’ai dit que je voulais rééquilibrer les choses. On peut penser qu’il y aura cinq sprints garantis en 2026, peut-être six avec Voiron, même si rien n’est sûr. L’idée, c’était d’éviter ce qu’on avait fait en 2024 où l’on en avait huit ou neuf. La tendance risque de se confirmer comme ça puisque les équipes sont tellement professionnalisées de nos jours que si c’est propice à un sprint, il ne se passe plus rien.
Dans l’idée, le show Van Der Poel - Rickaert en direction de Châteauroux reste un fait rare.
C’était une folie mais ça aurait très bien pu être une étape monotone aussi.
Il y a des choix destinés aux sprinteurs. L’étape entre le circuit de Magny-Cours et Châlon-sur-Saône aurait très bien pu passer par le Morvan et offrir un scénario explosif dans un massif intermédiaire qui avait été le théâtre d’une grande étape entre Vierzon et Le Creusot en 2021. Pourquoi ce choix ?
Il y avait moyen de faire quelque chose de beaucoup plus difficile mais il faut aussi rester raisonnable. En 21 jours, on ne peut pas faire 21 jours durs. Il faut laisser souffler les coureurs et laisser les opportunités aux sprinteurs pour aller chercher une étape car après, ils n’auront plus grand chose à se mettre sous la dent.
Absence de long contre-la-montre, dénivelé indécent lors de l’avant dernière étape… Qu’avez-vous à répondre à Jan Bakelants, interrogé dans Het Laatste Nieuws, qui affirmait que le parcours aurait été différent si Remco Evenepoel avait été Français ?
On a longtemps fait des chronos à 25 kilomètres. L’an passé on en a mis huit de plus et je n’ai pas l’impression qu’il ait gagné plus de temps sur 33 que sur 25. Est-ce que ça changerait quelque chose de mettre 50 kilomètres ? Je ne suis pas sûr.
Les anciens coureurs doivent comprendre la réalité : en ce moment, il y a un coureur qui est au-dessus de tout le monde. Qu’on lui donne des pavés, des monts des Flandres, du vent, des cols longs, courts, il est bien partout.
Existe-t-il des craintes éventuelles autour des premières étapes en Espagne et notamment le CLM par équipes lorsque l’on se remémore la Vuelta et un CLM équivalent ?
Il y a un peu moins de tension sur le côté politique peut-être mais sur le côté sportif, on a surtout une équipe qui va complètement changer d’identité et ça devrait satisfaire ceux qui étaient contre cette équipe.
Vous êtes devenu directeur de course en 2014 et cette année marquait le grand départ du Yorkshire. L’engouement avait été total. Qu’allez-vous sortir de votre chapeau dans les trois pays visités en trois jours outre-Manche ? Vous êtes déjà tourné vers ce départ ?
Ah oui ! Je suis déjà allé une fois sur le terrain et cette semaine, je pars reconnaître les trois premières étapes pour une annonce en janvier.
Peut-on s’attendre à des choses explosives ?
C’est pas aussi marqué que le Yorkshire mais la grande différence avec 2014, ce sont les coureurs ! La moindre côte et ils en profitent au maximum maintenant. C’était pas le cas avant lors de la domination de la Sky. Donc je suis assez confiant sur ce que j’ai vu.
Avec le Luxembourg sur les starting-blocks pour 2028 alors que la Tchéquie avait également annoncé son intérêt, l’ambition de la Slovénie pour 2029 et les annonces phares d’Israël, jusqu’où le Tour de France peut-il aller pour ses grands départs ?
Ce ne sont pas des limites écrites. Mais il ne faut pas aller plus loin que trois jours à l’étranger. Aujourd’hui, peut-être que cela changera dans quelques années, mais on ne mettra jamais les coureurs dans un gros décalage horaire au début d’un Grand Tour. Une heure, deux maximum. L’important est de ne pas faire de longs voyages en avion.
Sur le plan personnel et votre carrière. Vous n’aviez évidemment pas le même profil mais c’était comment de concourir face à Miguel Indurain sur le Tour ? Sa domination était-elle aussi décelable qu’à la télévision ?
L’impression générale que j’avais de Miguel Indurain ? C’était quelqu’un d’extrêmement tranquille. Il avait beau avoir le maillot jaune, il était capable de passer une bonne partie du Tour de France accompagné de seulement un équipier à côté de lui. Il traînait au milieu du peloton… Si ça se tendait, il était capable de passer à côté d’un coureur sans le mettre en difficulté parce qu’il sentait que le gars était dans le dur. Il faisait un écart pour ne pas gêner le coureur dans le dur !
Seigneur !
Il dégageait à la fois une puissance et une tranquillité incroyable. Ça me fait bien rire aujourd’hui quand je vois les leaders ou même pseudo-leaders avoir besoin de sept équipiers devant eux ! Miguel traversait les plaines avec un équipier devant lui et quand ça roulait vite en bordure, il s’écartait et il remontait devant. C’était pas le même cyclisme.
Une fois le tracé dévoilé, à quoi ressemblent vos semaines ? Cap sur les prochaines éditions et les autres courses ASO ? Vous partez donc aujourd'hui pour l’Écosse.
J’ai beaucoup de réunions d’associations. Je suis président du ROCC (rassemblement des organisateurs de courses cyclistes), je suis à l’AIOCC, j’ai des séminaires World Tour. Beaucoup de réunions et en interne, on travaille sur les aspects logistiques du Tour avec la sécurisation et plein d’autres choses. Enfin, on avance tous les quinze jours sur l’étude de deux étapes du Tour, pour les télés, la logistique, la sécurité et les relations publiques.
