Flashscore : Chez les Coupé, la boxe est une affaire de famille ?
Seydi Coupé : Mes 4 grands frères ont fait de la boxe, certains à haut niveau, notamment Djibril qui était en Équipe de France et qui a obtenu une médaille aux championnats d'Europe. Il était numéro 2 français en 2012, juste derrière Tony Yoka. Bryan a aussi fait une médaille européenne en junior avant d'arrêter.
On a du mal à le croire aujourd'hui mais, au départ, vous ne compreniez pas l'intérêt de la boxe ?
C'est ça (rires). Au début, je ne comprenais pas le concept de taper sur quelqu'un mais, en testant, j'y ai pris goût (rires).
Vous étiez champion de France amateur, vous auriez pu disputer les JO mais vous vous sentiez plus attiré par la boxe professionnelle ?
Ce n'est pas que je ne m'y sentais plus à ma place parce que j'ai été champion de France et j'étais déjà en Équipe de France mais ma situation n'était pas confortable pour la performance. À cette époque, je n'avais pas d'argent qui rentrait car en Équipe de France, on n'est pas payé tous les mois. L'année avant les JO, en fonction des résultats, il y a eu un complément mais ce n'était pas tenable, je devais travailler à côté. J'ai ressenti le besoin de passer à autre chose et ça a été un pari payant.

Vous êtes à 12-0, votre dernier combat contre Thomas Faure, qui est une référence en France, a été expéditif pour la ceinture EBU Silver des mi-lourds. Vous montez vite dans les classements ?
C'est grâce aux bons choix de mon coach qui est aussi mon manager. Il connaît les rouages et il me permet de progresser en choisissant de bons adversaires.
C'était un rendez-vous attendu et un cap à franchir ?
Thomas est ancré dans le paysage, triple champion de France, champion de l'Union Européenne. C'est du très haut niveau. On a pu faire un gros travail d'observation et ça a payé.
Ce combat confirme à la fois votre surnom de "Matraqueur" mais aussi votre réputation de boxeur à voir ?
C'est ce qui se dit dans le Nord, ma région. Les gens sont contents parce qu'ils savent qu'avec moi, ils auront droit à du spectacle, de beaux échanges et de beaux KO (rires).
Nordine Oubaali nous a dit que les boxeurs du Nord sont assidus parce qu'il fait froid et qu'on est mieux dans la salle. Vous souscrivez ?
Exactement (rires) ! Pour l'anecdote, quand je suis allé boxer à Marseille, on m'a dit que, quand il fait beau, on va plus à la plage et moins à la salle. Dans le Nord, c'est aussi une échappatoire, on rêve d'une vie meilleure.
Gaëtan Ntambwe nous a confié que le seul adversaire qu'il refuserait d'affronter c'est vous, car vous êtes de grands amis. Vous vous connaissez parfaitement, au point qu'un combat entre vous ne serait pas intéressant pour le public ?
Je m'entends très bien avec Gaëtan, sur comme en dehors du ring. On est le seul sparring de l'autre car il n'y a pas beaucoup de choix dans la région. Pour l'EBU Silver, ça a été compliqué et il a été mon seul sparring. Il n'y aura pas d'affrontement entre nous deux.
Quand on voit la densité française des mi-lourds aux lourds, on a du mal à imaginer la difficulté pour trouver des sparrings de qualité.
Il n'y a pas énormément de monde malgré tout et c'est plus simple de trouver à un poids inférieur. Dans le Nord, il y a quelques boxeurs pros mais c'est impossible de tourner avec eux. On fait avec. En décembre, je suis parti à Dubaï pour mettre les gants et ça a payé. J'ai croisé Badou Jack notamment.
Pas mal !
Surtout que ça s'est très bien passé, il était très content et il m'a assuré qu'il m'appellera pour son prochain combat.
Être validé par Badou Jack, ça a de quoi mettre en confiance.
C'est le champion du monde WBC des lourds-légers. C'est quelqu'un et ça fait plaisir de travailler avec une personne aussi humble, qui me reconnaît à ma juste valeur.

La difficulté en France, ce n'est pas la reconnaissance des pairs mais la reconnaissance médiatique ?
C'est un tout : les boxeurs doivent aussi savoir se mettre en avant pour plaire aux media. C'est compliqué mais j'essaie de me vendre, je suis suivi par la Voix du Nord et des radios locales. Je commence à avoir une petite renommée dans ma région.
À l'heure actuelle, la ceinture EBU est détenue par un autre Français : Leonardo Mosquea. Peut-on assister à un duel franco-français pour le titre européen ?
C'est une possibilité mais je crois que Leonardo ira sur une finale mondiale plutôt que sur une défense. On dit souvent que le public et les diffuseurs veulent des combats franco-français mais, finalement, ils ne sont pas si intéressés que ça. Peu importe les nationalités, l'important c'est le spectacle proposé au public.
Chez vous à Roubaix, des réunions de qualité sont organisées à la salle Watremez. La difficulté, c'est de faire venir des non-initiés ?
C'est pour ça que les dirigeants utilisent des méthodes de communication proches du MMA, avec des vidéos, du storytelling pour susciter la curiosité. Ça fonctionne car la salle est pleine à chaque fois. On a besoin de faire rêver le public et il y a de beaux galas organisés partout en France. Ce n'est pas juste un ring dans un gymnase.
Ce n'est pas naturel pour tous les sportifs de se mettre en avant, vous vous forcez un peu pour vous exposer ?
Ce n'est pas simple mais je me prête au jeu et finalement je trouve ça assez cool... quand les media nous ouvrent leurs portes. Ce que fait Bakary Samaké, très à l'américaine, c'est la voie à suivre. En plus, il assure dans le ring.
Vous avez boxé trois fois en 2024, vous avez combattu en avril : allez-vous rester sur ce rythme soutenu ?
Pour le moment, aucune décision n'a été prise et on étudie toutes les possibilités. Il y a un combat pour le titre EBU si c'est possible, sachant que les 3 premiers du ranking sont plus intéressés par une chance mondiale. On a une connexion avec la WBC, je devrais être classé dans le Top 40. A priori, il pourrait y avoir un combat à la rentrée, entre septembre et novembre. Pour le moment, place au repos !
Vous avez fait le choix de passer pro avant les JO de Tokyo, à l'image de Moreno Fendero avant ceux de Paris. Votre boxe est davantage calibrée pour les pros ?
Ce style me réussissait en boxe olympique mais il n'était pas optimal au plus haut niveau. Ça fait 3 ans que je suis passé pro et la progression a été assez rapide. Je prends comme ça vient. Au départ, les combats se sont enchaînés, j'ai eu la chance d'affronter Fabrice Lewis Menayame qui venait de remporter la Coupe de France et ça m'a permis de monter dans les classements. On prend ce qu'il y a prendre.
Justement : un challenge à l'étranger pour une ceinture, ça se prend ?
Tout se prend dans la boxe car ça peut se compliquer du jour au lendemain. On ne refuse rien, on a déjà eu des propositions, même avec l'EBU Silver. Ça n'a pas pu se faire pour des raisons externes malheureusement.
Vous vous définissez comme un boxeur capable d'avancer mais aussi de savoir reculer. C'est un héritage de l'apprentissage de Luis Mariano González, votre coach en Équipe de France, et de l'obligation en tournois de s'adapter très vite à de nombreux adversaires tout en restant au poids ?
Au niveau international, on apprend à gérer le poids et surtout, on peut boxer tous les jours comme des sparrings de haut niveau et ça m'a vraiment permis de progresser. En pro, c'est vraiment différent. Le combat contre Thomas Faure, je l'attendais depuis août dernier. C'est difficile mais on retrouve vite des sensations.
L'entraînement avant un combat est rarement linéaire, vous arrivez à gérer votre motivation ?
Il y a des coups de moins bien parfois mais ce qui fait la différence, c'est que je sais que je dois m'entraîner, que j'en ai envie ou pas. J'y vais et je me donne à fond. Je n'ai pas forcément de difficulté pour faire le poids, j'ai appris sur comment gérer mon corps et je n'éprouve pas de difficulté par rapport à ça. Après, quand on a deux entraînements par jour, on en chie (rires). Il y a des moments de doute mais je suis bien entouré et je suis vite remis sur les rails.
Vous savez abrégé les combats mais, s'il faut aller en 12 rounds, vous vous sentez capables d'aller à la décision si besoin ?
Je travaille pour avoir les 12, c'était le cas contre Thomas Faure. La préparation physique est très bien gérée, quoi qu'il arrive.
C'est une force de savoir terminer un combat sans arrière-pensée si on n'y parvient pas ?
C'est sûr qu'il faut faire attention. Il ne faut pas trop donner et savoir quand l'adversaire est vraiment touché. Face à Thomas Faure par exemple, je l'ai touché mais l'ouverture s'est faite sur un contre, donc il n'y avait pas une trop grosse débauche d'énergie de toutes façons.
Votre victoire contre Tony Salam (KO4) vous a-t-elle aidé psychologiquement par rapport à vos aptitudes de puncheur à haut niveau ?
Ça a été plus dur qu'il n'y paraît mais ça s'est bien passé. Ce n'est pas sur les combats en eux-mêmes que ça se joue mais lors des entraînements. J'ai mis les gants avec Ryad Mehry quand il a affronté Tony Yoka, avec Joshua Buatsi, avec des boxeurs belges réputés. Quand je suis face à eux, je rivalise, je fais de bonnes performances et ça me donne confiance en moi.