Flashscore : Quand avez-vous débuté la boxe ?
Romane Moulai : assez tard, en 2017. Avant, je faisais de la gymnastique, j'ai été championne de France. À l'époque, mon père était boxeur mais il a dû arrêter quand il a été opéré du coeur: Un jour, il m'a amené à la salle et depuis, je n'ai jamais arrêté. Dès le début, j'avais l'ambition d'aller vers le haut niveau, les JO, les championnats du monde alors que j'étais encore débutante.
Vous êtes de Marseille mais vous êtes montée à la capitale comme on dit ?
Je suis venue à Paris pour réaliser mes rêves car je n'arrivais plus à progresser, à avoir une vision. Alors j'ai pris mes bagages, j'ai quitté ma famille pour changer d'environnement et d'entraîneur. Mon coach est Kassa Baradji et tout ce passe très bien. J'ai fait 5 combats professionnels pour autant de victoires et je viens d'être désignée meilleure boxeuse du tournoi de Boras en Suède que j'ai remporté.
Est-ce qu'il y a plus d'émulation à Paris en termes de salles et de sparrings ?
Ce n'est pas tellement ça, c'est surtout une opportunité. J'ai un coup de foudre professionnel avec Kassa. Il m'a fait la leçon et je me suis dit que dès le mois de septembre, j'irai le rejoindre. Je n'avais même pas d'appartement mais je me suis dit que même si ça ne marchait pas, je pouvais toujours rentrer à Marseille. J'ai tout fait pour que ça fonctionne. Quand j'ai quelque chose en tête, je le fais à fond.
Qu'avez-vous ressenti de différent quand vous preniez la leçon avec lui ?
J'avais un très bon coach à Marseille mais il m'avait déjà apporté toute sa vision, on se connaissait par coeur et il prenait sa retraite en plus. Kassa m'a débloqué les niveaux (sourire). Au-delà de la leçon, j'ai compris sa vision de la boxe et c'est ça qui m'a plu.
Votre passé de gymnaste vous a-t-il aidé, notamment en termes de jeu de jambes et d'esquive ?
Ça m'a aidé et desservi à la fois car la boxe est un sport fluide alors qu'en gym, on est toujours tendu et rigide. Mais ça m'a apporté dans la souplesse, la persévérance et le mental de la compétition.
Vous disputez des combats amateurs et professionnels : quelles sont les différences entre les deux disciplines ?
Ce sont deux mondes totalement différents, je ne sais pas si on s'en rend compte. Dans le haut niveau amateur, on ne choisit pas ses adversaires, ce sont des tournois où il faut faire le poids pendant 10 jours alors que j'ai les professionnels, on fait le poids la veille et on connaît notre adversaire. En amateurs, on se prépare pour un tournoi mais pas un adversaire en particulier.
Vous avez changé de catégorie ?
Je fais 50kg, je suis montée à 54 pour le tournoi de qualification olympique et je suis redescendue à 50 pour mes premiers combats professionnels.
Vous êtes plus à l'aise à 50kg ?
Cela dépend des opportunités qui se présentent mais à 50kg, c'est plus rapide et je suis plutôt petite (1.59m) avec une grande allonge donc j'ai plus de qualité en 50 qui est ma catégorie de base. Je n'ai pas besoin de faire un gros régime pour faire 50kg, et je pense même faire des combats à 48kg.
C'est une force de pouvoir faire le poids sans recourir démesurément au cutting ?
Chez les amateurs, on ne peut pas en faire parce qu'il faut rester au poids, alors que chez les pros, on peut se le permettre parce qu'après la pesée on a tout le lendemain pour récupérer.
Avec 5 combats professionnels, vous êtes déjà classée 14e mondiale par Boxrec des mouches. Des opportunités vont rapidement se créer ?
Pas mal de monde m'a déjà demandé de boxer, j'ai quelques dates qui ne sont pas encore définitivement fixées et puis j'ai toujours les tournois amateur. Il faudra mettre tout ça en place pour boxer un maximum.
Vous conservez l'objectif des JO en 2028 ?
Oui et je veux rester dans les deux disciplines. J'aime le côté show chez les professionnels et en plus ça tape, ce qui est ma force. Chez les amateurs, j'apprécie le côté tournoi, défi. J'ai deux projets qui se réunissent : je veux être la meilleure !
Qu'est-ce qu'il vous a manqué pour participer aux JO de Paris ?
J'étais à ça d'y parvenir... C'était le combat pour la qualification et, selon moi, il m'a peut-être manqué le premier round car j'ai eu du mal à entrer dans le combat. C'est l'avis de plusieurs personnes aussi : je ne perds pas. À la fin du combat, je me dis que c'est pour nous parce que je gagne le 2e et on a en a fait assez dans le 3e. Ça reste un combat serré mais on ne voyait pas comment perdre le 3e. Ça ne se reproduira pas la prochaine fois, c'est une certitude.
Il y a plusieurs exemples de boxeuses et boxeurs qui ont cumulé les deux., Estelle Mossely, Maïva Hamadouche, Mathieu Bauderlique, Sofiane Oumiha notamment, est-ce que vous n'avez la crainte de trop en faire ?
C'est une grosse charge de travail mais il faut bien gérer le temps. Quand je me préparerai pour un tournoi amateur, il faudra que je prenne le rythme amateur comme j'ai pu le faire à Boras et quand quand je me préparerai pour un combat pro, ce sera en dehors des dates amateur. Rien n'est impossible.
Chez les professionnels, vous avez combattu 5 fois, c'est une très bonne entrée en matière, quel est votre objectif en 2025 ?
Nous avons deux prochaines dates qui ne sont pas encore fixées mais les objectifs sont le championnat d'Europe qui ne sera pas contre une Française et le championnat du monde qui viendront très prochainement.
Vous utilisez beaucoup vos réseaux sociaux : cette mise en avant est-elle naturelle pour vous ou est-ce simplement une partie de votre travail pour gagner en notoriété ?
Je kiffe ce monde des réseaux sociaux ! Cet essor permet de se construire, c'est un vrai outil. Je n'ai pas forcément le temps de toujours m'en occuper, c'est pour ça que j'ai une équipe autour de moi. Les réseaux sociaux, ça me permet de monter.
Au niveau du sponsoring ?
Exactement, ça permet de financer les préparations, le matériel. En France, on n'a pas forcément beaucoup de sparrings donc il faut partir aux États-Unis et ça a un coût, entre le logement, le voyage, l'alimentation. C'est avec ça que je pourrai devenir championne du monde et championne olympique.
La boxe marseillaise a la cote en ce moment, avec Bruno Surace. Vous vous connaissez ?
Bruno venait s'entraîner dans mon club, ça fait plaisir de voir qu'il réussit. Il va inspirer beaucoup de monde car il a prouvé que rien n'est impossible. Sa victoire est un beau message.
Myriam Lamare a suivi un itinéraire inverse au votre puisqu'elle est de la région parisienne mais elle a fait carrière à Marseille. C'est un nom qui résonne en vous ?
Évidemment, Myriam a été mon modèle car elle était dans mon club et mon entraîneur m'a raconté beaucoup d'anecdotes sur elle pour me motiver. C'est un exemple, elle me donne des conseils, on s'appelle souvent au téléphone.