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Interview Flashscore - Pierre-Hubert Dibombé : "Pour viser le niveau mondial, il faut s'exiler"

Pierre-Hubert Dibombé.
Pierre-Hubert Dibombé.Instagram
Quand Flashscore a appelé Pierre-Hubert Dibombé pour réaliser cette interview, il venait d'arriver aux États-Unis pour achever sa préparation contre Lester Martínez, annoncé comme étant le prochain adversaire de Christian Mbilli. Las, le Guatémaltèque a déclaré forfait en raison de fortes migraines persistantes. C'est donc partie remise pour le Nantais qui a participé à la première réunion de Dana White dans le Noble Art.

Flashscore : Vous êtes actuellement dans la catégorie de super-moyens mais vous avez remporté des titres en mi-lourds. 

Pierre-Hubert Dibombé : toutes mes ceintures, que ce soit championnat de France, WBA Intercontinental, Union Européenne, ont été conquises en mi-lourds car Shamil Ismailov, qui fait partie du même club que moi, boxait en super-moyens. Tant que ça reste au niveau européen et qu'on ne va pas vers les Anglais, ça tient en mi-lourds. Au niveau international, il y a beaucoup de cutting, les mecs sont balèzes. Ma vraie catégorie, c'est super-moyen même si je suis un peu petit. 

Vous mesurez 1.76m et c'est vrai qu'il y a des super-moyens qui mesurent parfois 10 ou 15 centimètres de plus. 

Oui, il y a des moyens et des super-moyens qui mesurent largement plus qu'1.80m, comme Diego Pacheco qui dépasse le mètre 90 (1.93m et 2.03 d'allonge, ndlr).

C'est vrai que vous faisiez des footings lestés au lycée pour perdre du poids ? 

(rires) Avant de commencer la boxe, j'ai fait du taewkwondo à partir de 7 ans. J'adorais les films de Bruce Lee, avec des shaolins. Je m'entraînais beaucoup mais je me suis blessé au genou. Je me suis mis à la boxe vers 15 ans. Quand j'allais au lycée, je me levais à 4h30-5h du matin pour m'entraîner, ensuite j'allais en cours, je retournais m'entraîner entre midi et deux et le soir j'allais 2-3 heures à la salle. Même à 33 ans, j'ai toujours été motivé par le travail. 

Quand on vient d'un sport où on utilise les jambes, est-ce que ça sert dans la boxe, notamment dans l'utilisation de la distance ou du direct ? 

On peut penser que le taekwondo et la boxe sont antagonistes mais là où ça m'a servi, c'est pour la vivacité, le sens du combat, le contre. J'ai remarqué qu'il y a beaucoup de taekwondoïste qui sont assez bons en boxe. Dès que je suis arrivé à la boxe, je savais déjà boxer pour un débutant. 

Vous êtes de Nantes, une ville qui brille dans le monde dans la boxe. Est-ce qu'il y a des traditions dans les catégories ou dans la manière de boxer ? 

Dans la région des Pays-de-Loire, il y a La Baule et Saint-Nazaire avec pas mal de pros. On est un peu moins à Nantes, même s'il y a du MMA. 

La catégorie des super-moyens est très relevée en France. Faut-il s'exiler pour monter dans les classements plutôt que d'attendre des combats franco-français ?

Christian Mbilli est le meilleur exemple de ce qu'il faut faire pour évoluer, en tous cas au niveau mondial. Outre lui, il y a Kevin Sadjo que j'aurais aimé boxer, Moreno Fendero qui a suivi l'exemple de Christian au Canada. 

L'entourage fait souvent la différence
L'entourage fait souvent la différenceInstagram Pierre-Hubert Dibombé - Stats Perform

Vous restez sur deux défaites mais qui sont très polémiques avec un arrêt après un choc de tête et une décision qui a même surpris le coin de votre adversaire.

Contre Ali Akhmedov à Dublin, j'étais vraiment dégoûté parce que je pensais qu'il serait plus dur que ça et ça a été un combat plus facile qu'annoncé, toutes proportions gardées. Le combat contre Bektemir Melikuziev, je m'attendais à cette décision. J'étais arrivé 4 jours avant, avec le jet lag. Malgré la défaite, c'est une bonne expérience, je ne regrette pas. Mais contre Akhmedov,  je l'ai mauvaise mais je sais que c'est le jeu. Je n'ai pas d'autre choix que de faire ça. 

Sofiane Khati boxe souvent à l'étranger et nous disait que le KO est souvent la seule solution pour gagner. 

C'est soit ça soit dominer très largement pour forcer la décision des arbitres. C'est vraiment compliqué. En boxe, le secret, c'est d'avoir un bon staff, une bonne écurie de promotion, un bon management. Sans ça, tu peux être Floyd Mayweather ou Mike Tyson, tu ne peux pas avancer. 

Justement, vous avez boxé dans des soirées organisées par Tom Loeffler, Oscar de la Hoya, Eddie Hearns. C'est une belle carte de visite. 

À Dublin, j'étais en co-main event pour la réunion de Dana White. Au Barklays Center, j'étais le 2e combat de la carte, il y avait Mike Tyson, Bernard Hopkins, Antonio Tarver, Roy Jones Jr, c'était incroyable ! 

Dana White s'est lancé dans la boxe précisément lors de cette réunion à Dublin, votre combat était accessible via le pass UFC. 

Oui, c'était sa première réunion et il a d'ailleurs parlé de mon combat à la réunion de l'UFC. Il a dit qu'il y avait eu un vol, tout comme le combat qui précédait. 

Akhmedov a beaucoup souffert sur vos crochets du gauche, vous l'avez senti ?

Il a aussi du mal avec mon jab. Je l'ai touché au 2e round et après, il n'a plus trop osé se découvrir. Ce n'était pas un combat très dur. 

Les coups les plus impressionnants viennent surtout du bras arrière mais tout le travail du bras avant est quasiment scientifique, surtout quand on est plus petit que l'adversaire. 

On n'envoie jamais le bras arrière sans préparation, sinon on se fait contrer ou c'est esquivé. On prépare avec le bras avant et ensuite on met le bras arrière pour faire mal avec plus d'amplitude. C'est tout l'intérêt du jab, c'est un des coups les plus importants de la boxe, pour juger de la distance, feinter, casser le rythme de l'adversaire. 

Il y a une grande tradition de la sweet science en France, notamment issue de la boxe olympique. C'est la construction de la carrière qui fait défaut, pas la formation. 

En France, on est bon techniquement. J'ai l'habitude de mettre les gants en Angleterre et on se rend compte que les Anglais ne sont pas aussi forts que ça. Or la gestion de carrière n'a rien à voir. Mentalement, ils gèrent mieux la compétition peut-être. Intrinsèquement, ils ne sont pas meilleurs pourtant. 

Comment les Britanniques organisent-ils leurs sparrings ? 

Ils ont beaucoup de monde, avec de nombreuses salles et boxeurs. À Londres, j'ai mis les gants avec John "Gorilla" Ryder et Liam "Beefy" Smith. Il y a beaucoup de très bons boxeurs là-bas. 

Vous avez croisé avec Mbilli également ? 

J'ai passé 3 semaines au Canada quand il a préparé son combat contre Derevanchenko. J'ai l'habitude de sparrer avec lui parce qu'il est de Pornic et on mettait les gants à Saint-Nazaire. Pendant le Covid, il est venu à Nantes pendant 3 semaines. Christian, il te met en condition, il met beaucoup de pression. J'aime beaucoup boxer avec lui. 

Est-ce que les Français font un complexe d'infériorité par rapport à leurs capacités ? 

Notre problème, c'est la médiatisation alors qu'on a beaucoup de talents.

Vous avez boxé dans de belles salles en France mais aussi à l'étranger. Est-ce que l'ambiance vous galvanise ou peut vous contracter ? 

Je me sens assez bien à l'étranger, que ce soit dans les vestiaires ou dans le ring. Le Barcklays Center aurait pu être intimidant car c'est une salle de 20000 places mais cela n'a pas été le cas. Pareil à la 3Arena de Dublin. Ce sont de belles expériences. Mais je ne fais plus attention à l'ambiance quand je suis dans mon combat. Dans le ring, je suis totalement focus. 

Vous avez signé chez Pro Box Promotions, c'était une obligation ? 

En France, on évolue bien au niveau national et européen. Mais pour aller au-dessus, il faut aller voir ailleurs. C'était peut-être le cas du temps des Acariès mais maintenant c'est compliqué. Pour viser le niveau mondial, il faut s'exiler. En plus en termes de diffusion et de médiatisation, le MMA prend le dessus. 

Mais malgré tout Dana White investit dans le Noble Art. C'est un motif d'espoir ?

La boxe restera toujours la boxe !