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Interview Flashscore - Mohamed Mimoune : "Les sparrings aux États-Unis, ils veulent t'arracher la tête !"

Mohamed Mimoune affronte Movladdin Biyarslanov le 6 février
Mohamed Mimoune affronte Movladdin Biyarslanov le 6 févrierJames Chance/Getty Images via AFP

À 37 ans, Mohamed Mimoune est un boxeur à la solide réputation dans le microcosme du Noble Art français. Promu par Roy Jones Jr, le Toulousain a rendez-vous avec Movladdin Biyarslanov le 6 février prochain pour la ceinture North American Boxing Federation des super-légers. Pour Flashscore, "The Problem" a raconté son parcours qu'il partage entre la France et le continent nord-américain.

Flashscore : Vous êtes en ce moment à Toulouse mais vous avez aussi vos habitudes en Floride. Comment un Toulousain se retrouve-t-il aux États-Unis ?

Mohamed Mimoune : (Rires) C'est le travail qui a payé. J'ai commencé ma carrière en France, j'ai fait la connaissance de Roy Jones Jr qui est devenu promoteur et m'a fait signer dans son écurie. Ça fait deux ans que je suis avec lui et je fais des aller-retours entre la France et les États-Unis. 

Ça fait quoi de rencontrer un tel monument de la boxe et qui, en plus, veut travailler avec vous ?

C'est incroyable, comme dans un rêve. Roy Jones Jr, je le voyais à la télé, c'est une légende ! C'est comme si un jeune footballeur signait avec Zinedine Zidane. 

Votre surnom est The Problem, comme Adrien Broner ?

Exactement ! C'est venu parce qu'on disait que c'était galère de m'affronter parce que je suis gaucher et que j'allais poser des problèmes. C'est vrai que je suis chiant à boxer (rires). Je suis mobile, j'ai un bon bras avant. Pour l'anecdote, en 2021, j'avais signé avec la même société de promotion que Broner mais après trois annulations de combats, je suis parti avec Roy. 

Vous avez beaucoup boxé à l'étranger mais un combat retient l'attention : celui contre Franck Petitjean à Dakar. Vous en gardez quel souvenir ?

C'était magnifique parce mon père est d'origine sénégalaise. J'ai vu toute ma famille, j'ai pu conserver ma ceinture mondiale IBO. C'est inoubliable et c'est le rêve de tout sportif de se produire dans son pays d'origine. 

Vous avez la particularité d'être descendu de catégorie alors que d'ordinaire, les boxeurs montent. Vous étiez champion d'Europe des welters et vous êtes à présent en super-léger ?

J'ai fait toute ma carrière en welter et je n'ai jamais fait un régime de ma vie, que ce soit en Équipe de France amateur ou pour une ceinture mondiale. J'ai été champion de France, champion de l'Union Européenne et champion d'Europe EBU en welter. Ça a été très dur pour faire le poids, je l'ai senti. Arrivé à un certain stade, ça devient très dur. Il y a des boxeurs qui font du cutting, après la pesée ils reprennent 7-8 kg. Moi, je passais de 66 à 67kg, et encore, alors que mon adversaire boxait à une voire deux catégories au-dessus de moi le jour du combat. Ça devenait dangereux. Alors j'ai fait un petit régime pour descendre en super-léger. Entre temps, j'ai eu une opportunité mondiale IBO et ça m'a encore plus motivé pour changer de catégorie. 

Votre dernier combat a été une victoire par KO contre McKenna, à Belfast, et avec la manière !

Ça a été une très grosse revanche pour moi parce que j'avais subi un très gros vol à Londres contre lui en 2020. Quatre ans après, j'ai enfin eu ma revanche. 

Dans votre célébration, il y avait un peu de Prince Naseem Hamed !

(Rires) En fait, lors de la présentation, il m'avait provoqué comme ça. Alors je lui ai rendu la monnaie de sa pièce !

Les boxeurs proposent souvent une double personnalité : très calme en temps normal avant de changer radicalement une fois dans le ring. C'est votre cas également ?

Dans la vie de tous les jours, je suis très calme, tranquille mais arrivé dans le ring, je change totalement. Le temps du combat, il n'y a aucun respect, plus rien. Mais après la cloche, on se fait l'accolade. C'est ça la beauté de ce sport. 

Vous êtes gaucher, vos deux derniers adversaires ont été des gauchers et vous affrontez ce weekend un gaucher. C'est très rare ?

Ça me change et j'ai désormais l'habitude car il y a des gauchers dans mon club. Maintenant, j'aime affronter des gauchers. Avant, je détestais ça parce que je n'arrivais pas à passer mes enchaînements. Movladdin

Biyarslanov aussi est un gaucher, mon troisième d'affilée. 

Il a un gros palmarès, invaincu en 17 combats avec 15 KO.

C'est un très bon boxeur mais, à mon niveau, je n'affronte que des bons boxeurs. Et je suis prêt. 

Dans cette réunion organisée par Eye Of The Tiger, vous serez trois Français avec Moreno Fendero et David Spilmont. Vous serez le main event ?

Exactement. Ça fait longtemps que je connais Eye Of The Tiger, j'avais été invité pour participer à un camp d'entraînement avec Yves Ulysse Jr. C'était en 2018. J'ai aussi assisté à un gala. 

Yves Ulysse Jr était à ce moment-là le détenteur de la ceinture North American Boxing Federation des super-légers que vous convoitez le 6 février ?

C'est ça et il a aussi eu la ceinture WBA Gold. C'est un très bon boxeur. Globalement, ça tourne bien au Canada en ce moment. 

Mohamed Mimoune avec la ceinture EBU des welters remportée à Manchester contre Sam Eggington en 2017
Mohamed Mimoune avec la ceinture EBU des welters remportée à Manchester contre Sam Eggington en 2017Alex Livesey/Getty Images via AFP

On a l'impression que les boxeurs français sont plus cotés à l'étranger ? 

Ce n'est pas propre à la boxe mais au sport français tout entier. La France n'est pas un pays de sport, il faut dire ce qui est. En plus, pour la boxe, il n'y a plus de diffuseur, plus de promoteur. C'est très compliqué. Le seul promoteur qui avait relancé la boxe, c'était Malamine Koné avec MK Events, aux alentours de 2016 et j'avais signé avec lui. Il organisait de beaux combats entre Français. Ça c'était une belle époque pour voir la boxe se relancer. Maintenant, il n'y a que des petites réunions du samedi soir. Pourtant, il y a de quoi faire. Mais quand le promoteur veut s'en mettre plus dans les poches qu'autre chose, c'est compliqué. Il faut être réglo, tout le monde doit manger. Moi j'ai fait des championnats de France pour zéro euro ! En Angleterre, aux États-Unis, les TV et les promoteurs payent. Ça n'a rien à voir. Depuis 2018, en France, c'est fini. 

Vous êtes un boxeur réputé pour les connaisseurs mais la notoriété n'atteint pas le grand public, même avec une grande performance. Vous le vivez comme une injustice ?

Ça c'est clair et net, nous n'avons aucune reconnaissance. Prenez l'exemple de Nordine Oubaali, qui a été champion du monde WBC des coqs, un exploit historique réalisé au MGM Grand de Las Vegas (contre Rau'shee Warren par décision unanime en 2019. Il a défendu victorieusement deux fois son titre avant de le perdre contre Nonito Donaire en 2021, ndlr). Personne ne l'avait réalisé avant lui. On en a parlé ? 

Aux États-Unis il y a aussi une économie pour les boxeurs hors période de combat en étant sparring. Ça vous permet de gagner votre vie et de vous entraîner avec les meilleurs ? 

J'ai la chance d'être avec Roy Jones Jr, d'avoir des sponsors et Pro-Box TV qui est mon co-promoteur et qui organise des galas 3 ou 4 fois par mois. Je peux suivre leurs camps d'entraînement, ce sont eux qui prennent tout en charge. Les seules choses qu'on peut envier aux Américains, c'est la qualité de leurs sparrings et leur mental de la gagne. Les sparrings là-bas, ça ne rigole pas, ils veulent t'arracher la tête !