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Interview Flashscore - Leonardo Mosquea : "Le ring, c'est chez moi !"

Leonardo Mosquea
Leonardo Mosquea Flexcible Officiel

Champion d'Europe des lourds-légers, Leonardo Mosquea a laissé sa ceinture vacante pour disputer une demi-finale mondiale contre l'Argentin Iván García, le 12 juin prochain à Bron. En plein training camp à Varsovie, le natif de République dominicaine a pris le temps pour Flashscore de raconter sa découverte de la boxe en Guyane, son parcours et son plan de carrière déjà établi.

Flashscore : Vous affrontez Iván García le 12 juin, où en êtes-vous de votre préparation ?

Leonardo Mosquea : En ce moment, je suis à Varsonie en Pologne. Je travaille chez Michal Cieslak (champion d'Europe des lourds-légers en 2023 qui affrontera Jean Pascal le 28 juin prochain pour la ceinture WBC Interim World, ndlr). 

Vous boxerez à domicile, à Bron. Est-ce que cela change les choses pour vous ?

En vrai, non. Je suis un boxeur et ce qui compte pour moi, c'est le carré magique. Le ring, c'est chez moi ! 

Vous serez en lice pour le titre WBA Ibero-American. C'est possible parce que vous êtes né en République dominicaine ? 

En fait, il s'agit d'une demi-finale mondiale. Au départ, on voulait faire un WBA intercontinental mais l'adversaire ne correspondait pas. Alors on est passé par le titre Ibero-American, car j'ai la double nationalité dominicale. Mes parents sont domicinains et je suis arrivé en Guyane à 11 ans. Par la suite, je suis venu en métrôpole. 

Leonardo Mosquea a découvert la boxe en Guyane
Leonardo Mosquea a découvert la boxe en GuyaneLeHuitiemeArt

Vous avez boxé plusieurs fois à Cayenne ?

Oui, deux fois. D'abord, pour mon premier combat professionnel en 2019, ensuite mon championnat de France contre John Franck Mendy en mars 2023 (victoire à la 5e reprise, ndlr).

C'est comment la boxe en Guyane ? 

Il y a très peu de moyens. Dans les salles, il peut y avoir un seul sac pour 30 personnes et très peu sont équipées d'un vrai ring. Je crois qu'il doit y avoir un ou deux maximum. Le reste, c'est du bricolé, du fait maison : un poteau là, un mur ici, tu prends une corde et ça fait office de ring. C'était le cas là où j'ai commencé. Mais en Guyane, ce sont des vaillants ! Ils ont la dalle, quand ils veulent quelque chose, ils y vont vraiment. Cette année, il y a un champion de France junior qui est venu finir sa préparation chez moi, à Bron. On a vu la différence avec nos jeunes ici. Les Guyanais ont faim et ils veulent le prouver. 

2024 a été une grande année avec l'EBU Silver et l'EBU : comment jugez-vous votre progression, surtout que vous être jeune (31 ans) pour la catégorie ?

C'est vrai que je suis jeune mais je ne compte pas m'éterniser. Je me donne 2 ans et ensuite ciao ! Je reste modeste mais je trouve que c'est logique car si cela fait quelques années que je commence à briller, j'ai commencé la boxe en 2005, il y a 20 ans et j'ai beaucoup travaillé dans l'ombre. À cette époque, il y a une grande génération de boxeurs professionnels qui s'est arrêtée. De 2006 à 2010, il n'y a pas eu de grands galas de boxe. Pendant ce temps-la, j'étais à la salle tous les soirs et quand c'est reparti en 2011, j'étais prêt et j'ai choqué du monde, en Guyane comme en Amérique latine où j'ai pu faire des tournois et où j'étais le meilleur. En France, j'ai eu du mal avec l'acclimatation, j'étais tout le temps grippé. J'ai fait mes preuves quand même et j'ai pu rejoindre l'INSEP. Ma trajectoire me semble logique parce que le travail sans relâche autorise les résultats que j'ai aujourd'hui. 

La motivation et la régularité sont deux composantes qui sont difficiles à alier ? 

Beaucoup de jeunes étaient là quand j'ai commencé mais finalement, nous sommes seulement deux à avoir réussi dans la boxe. Ce ne sont que les plus courageux et les plus persévérants qui sont récompensés 20 ans plus tard. 

Vous évoquiez la génération qui s'est arrêtée vers 2005, il y avait notamment Jean-Marc Mormeck qui avait battu O'Neil Bell qui était du Guyana. 

C'était énorme ! J'avais suivi ça de Guyane. Mormeck, c'était mon boxeur phare. Avant de commencer la boxe, je n'avais jamais vu un combat parce que je suis de la campagne en République dominicaine et on ne regardait pas trop la télévision. Mais Mormeck, j'ai tout de suite accroché. J'ai eu l'occasion de le rencontrer en Guyane car il était venu parrainer un gala. On a pu discuter lors des championnats de France. Il a fait de grandes choses, il a mis la France sur la carte. 

Revenons à votre combat : vous regardez vos futurs adversaires ou c'est le travail de votre équipe ?

Non, je n'aime pas regarder mes futurs adversaires ou même la boxe tout court, sauf que tu as un Tyson Fury ou Canelo. En fait, je n'aime pas me faire une idée et que le boxeur la change le jour du combat. Je me dis que l'adversaire sera différent et que ce sera moi en face. Je veux imposer ma boxe, faire jouer mes points forts et que lui subisse ma boxe et pas l'inverse. Mon staff regarde, me dit s'il y a des coups où je dois me méfier. Moi, quand je monte dans le ring, j'ai la pression du combattant mais je viens surtout pour prendre du plaisir. 

Comment analysez-vous votre boxe ? 

C'est vrai que j'aime bien rentrer dedans et je peux être très offensif. Mais je suis aussi très polyvalent, dans le sens où je peux boxer relâché, sur les jambes. Tout dépend de ce qui m'arrange. Je peux essayer de détruire mais je sais aussi être dans la gestion, toucher sans être touché. J'écoute mon coin et les consignes (sourire). 

Celles de votre coach Laurent Faubel ?

Laurent vient de la boxe française, il a d'ailleurs été champion du monde avant de finir sa carrière en anglaise. Il est la personne emblématique de la Bron Boxing Academy, c'est le magicien de la salle (sourire). 

Avoir différents plans, c'est essentiel ?

Oui, il faut savoir être complet pour être opérationnel sur tous les fronts. Avoir un style varié c'est important mais ce n'est pas à la portée de tout le monde. Depuis 20 ans, j'ai rencontré beaucoup de monde et ça m'a permis de savoir quand changer de style pendant le combat. 

C'est un héritage de l'INSEP ? 

Oui mais je ne garde pas une super expérience de l'INSEP, dans le sens où on veut mettre tous les boxeurs dans le même moule. Aujourd'hui en Equipe de France, tout le monde a le même style "français à la cubaine". En arrivant, j'avais un style offensif mais j'étais varié. J'ai essayé de changer, ça ne plaisait pas toujours à mes entraîneurs mais sur le ring, ça s'avérait toujours payant. C'était un gros point de divergence. 

Vous vous êtes entraîné avec Gaëtan Ntambwe la semaine dernière ? 

Oui, il est venu à Bron pour une grosse semaine de sparring. Il était déjà venu pour la préparation du titre EBU contre Cheavon Clarke. Gaëtan est un très, très bon boxeur, on se connaissait des rangs amateurs. Il a un excellent parcours et on a bien travaillé.

Vous avez évoqué Christian Mbilli partage maintenant son temps entre Montréal et Dubai parce qu'il est sensible au froid. Un coup de froid suffit pour casser la dynamique d'une préparation ? 

J'ai lu que Christian avait dit ça, je me suis : "tiens, je ne suis pas le seul" (sourire). Même avec un rhume, tu ressens la fatigue, ton corps lutte contre la maladie, tu as moins de jus, moins d'énergie pour performer sur le ring. Mais maintenant, j'habite à Bron et je me suis fait aux températures. C'était surtout avant que j'étais sujet aux grippes, quand je venais pour trois semaines. Là, mon corps était vraiment choqué. 

Seydi Coupé était notre invité la semaine dernière. Il est le champion EBU Silver : il va aller chercher le titre EBU que vous laissez vacant ?

Seydi arrive juste après moi au niveau chronologique. Quand j'ai laissé le titre national vacant, c'est lui qui l'a pris. Pareil avec l'EBU Silver et j'espère qu'il fera aussi pour l'EBU. Il ne devrait pas tarder à disputer ce championnat d'Europe. Si un jour on s'affronte, ce serait pour un championnat du monde franco-français. Ce serait beau non ? Reste à savoir si en France, il y a quelqu'un de prêt à investir pour un événement de cette taille. Mais d'abord, je pense à mon combat le 12 juin avant d'envisager quoi que ce soit ensuite. 

Le champion du monde WBA est le Mexicain Gilberto Ramírez, ce serait une belle affiche. 

Il affronte Yuniel Dorticos cet été et même s'il est un peu âgé, il a encore de beaux restes. 

On peut rêver de vous voir à Las Vegas ou à New York pour un championnat du monde d'ici la fin de l'année ? 

Fin 2025 ou 2026 max, je pense vraiment que j'aurai une ceinture mondiale autour de la taille. 

Vous vous donnez vraiment deux ans avant d'arrêter ? 

J'ai commencé à 11 ans, je suis passé par la Guyane, Paris, Rennes, Lyon. J'ai beaucoup bougé depuis assez jeune. Allez, on peut pousser jusqu'à 35 ans si vraiment je suis champion du monde avec un combat par an. Mais sinon à 33 ans, je pense raccrocher, pour transmettre mon savoir aux plus jeunes, ce que je fais déjà d'ailleurs, y compris en boxe loisir. Je continuerai encore un peu après ma carrière mais pas trop longtemps. Après, j'aimerais profiter en famille sans avoir à rentrer chez soi tous les soirs à 22 heures. Je vois Laurent qui court dans tous les sens, y compris les weekends. Je veux transmettre puis couper les ponts avec la boxe. On peut me trouver égoïste mais ce serait encore plus égoïste de ne pas penser à ma famille. Tout est programmé (rires). 

Elhem Mekhaled est de Lyon, elle aura aussi une demi-finale mondiale en juin. Il y a beaucoup de grands boxeurs dans la région. 

J'ai pu rencontrer Elhem, elle est très sympa et vraiment force à elle pour son combat à venir ! Lyon, c'est une ville de boxe, il y a eu de grands boxeurs comme Hacine Cherifi, Dylan Charrat, les frères Tiozzo. Il y a aussi du beau monde à Bourgoin-Jallieu avec Yanis Mehah et Jordan Rodriguez que j'ai connu en Équipe de France. 

À Bron, il y a une petite concurrence sportive avec Karim Benzema !

(Rires) Non, non, pas du tout ! Il n'y a pas de concurrence, Benzema est bien au-dessus. Restons modeste !