Flashscore : Vous avez débuté très jeune la boxe professionnelle, en novembre dernier, à seulement 19 ans. Mais avant, vous avez atteint la finale du tournoi WBC France.
Lenny Patrach : C'était pour la Greenbelt, en Élite amateur. Il s'agissait d'un tournoi sur trois jours, avec quart, demi et finale. En 1/4, j'ai rencontré un adversaire qui m'avait battu en finale de la Coupe de France et j'ai gagné aux points après un gros combat. Mon rival en demi-finale a déclaré forfait et je me suis retrouvé directement en finale contre Abdoulaye Touré. J'ai perdu aux points mais contre un boxeur de l'Equipe de France.
Votre première moitié de combat a été réussi néanmoins.
La boxe amateur, ce n'est pas un système qui me convient très bien. Je suis plutôt posé et je vais au front. En amateur, les touches fortes n'offrent pas de points en plus, c'est la prime à la domination "toucher sans se faire toucher". Abdoulaye a gagné parce que c'est un très bon boxeur.
Votre style est-il plus adapté à la boxe professionnelle ?
La boxe amateur et la boxe professionnelle sont deux sports complètement différents et c'est la deuxième qui me correspond. En trois reprises, tu n'as pas le temps, c'est explosif. Chez les pros, c'est plus posé, l'impact des touches est pris en compte et c'est ce qu'on recherche en priorité. Cela dit, je suis un boxeur qui ne s'économise pas et qui y va à fond d'entrée (rires).
Vous vous êtes fait remarquer lors de votre troisième combat avec un gros KO contre Joliver Allan Moungang Ndangang. On a vu que vous avez beaucoup travaillé pour y parvenir.
C'est un adversaire très petit pour un mi-lourd et je l'ai un peu sous-estimé, cela s'est vu au premier round. Jamais je n'ai affronté un tel gros frappeur. Franchement, il peut éteindre n'importe qui sur un coup. Il fallait que je monte bien les mains. En fait, mes coups passaient beaucoup au-dessus de sa tête et en plus, il bougeait et il esquivait très bien. Il était vraiment musclé et je savais qu'il allait se cramer. Moi aussi, je suis un frappeur donc petit à petit, j'ai effectué un travail de sape et, au troisième, je l'ai vraiment bien touché sur un bras arrière. Il n'a pas récupéré, il était sonné alors j'ai accéléré dans les trente dernières secondes pour finir le combat.
Vous affrontez Pedro Mafisi Cuca en demi-finale du challenge Bouttier. Comment vous êtes-vous préparé ?
Je ne me suis jamais entraîné aussi dur, deux fois par jour tous les jours. Ça a été une très grosse préparation. J'ai mis les gants avec de nombreux boxeurs, y compris à l'extérieur. On a travaillé tous les styles, avec des sparrings plus techniques, d'autres plus physiques et frappeurs.
Une victoire vous permettrait de monter dans les classements et, en France, la catégorie des mi-lourds est très relevée.
Pour le challenge Boutier, j'ai du mal à boxer car mon premier adversaire en 1/4 de finale a vu le KO contre Joliver et il a déclaré forfait. En demi-finale, le détenteur de la ceinture depuis trois mois a refusé de m'affronter alors qu'il était invaincu et classé 250e mondial. Dans l'autre poule, le temps limite pour faire le combat a été dépassé donc Pedro Mafisi Cuca a été repêché après un tirage au sort.
C'est une difficulté de trouver des adversaires, même dans le cadre d'une telle compétition ?
En France, quand il y a un frappeur en face, ils ne veulent pas boxer. C'est compliqué parce que les boxeurs français veulent des palmarès arrangés et tous rester invaincus, sans prendre de risques. Mais ce n'est pas comme ça qu'on avance.
Vous êtes Gitan : vous êtes héritier d'une grande tradition. Comment s'explique cette passion ?
Mon père a toujours fait des sports de combat et la famille Patrach est aussi connue pour boxer. En fait, nous les Gitans, on a toujours été bagarreurs. On est connu pour ça, on aime aussi les combats de coqs. On aime la bagarre et on aime tous la boxe. Après, je n'ai pas une tête de boxeur, je ne fais pas peur (rires). On me voit gentil, je n'ai que 19 ans, alors certains me sous-estiment un peu pour ça.
Vos origines ont-elles pu être un problème pour vous mettre sur une carte ?
Maintenant, on commence à me connaître mais, au début, c'est sûr qu'il y a eu des doutes parce qu'il y a plein de clichés sur nous. Mais moi, franchement, ça va, on m'aime bien (sourire). Je sais que dans la rue, les gens sont toujours un peu craintifs mais l'époque a changé, ce n'est plus comme avant.

En France, la boxe amateur est souvent un chemin commun, devenir pro aussi jeune ce n'est pas forcément très usuel ?
J'ai toujours voulu être professionnel. On m'a proposé d'intégrer l'INSEP et l'Equipe de France à Paris mais j'ai refusé. J'en avais marre de la boxe amateur et je n'ai d'ailleurs jamais voulu faire une grosse carrière amateur. J'ai pris tout ce que je pouvais prendre mais dès que j'ai pu passer pro, je l'ai fait. La transition boxe amateur-boxe pro peut être très difficile en plus, on me l'a souvent dit. Si j'avais eu des objectifs en boxe amateur, j'y serais allé car c'était la meilleure solution.
Quels sont objectifs au-delà de votre combat de samedi ?
Je veux être champion de France à 20 ans. Il faut faire les choses tôt. Cette année, j'aurais dû avoir 7 combats mais deux sont tombés à l'eau pour des questions d'organisation des galas. De toute façon, pour avancer, il faut saisir toutes les opportunités, quitte à perdre. Il faut savoir tenter sa chance. Regardez Bruno Surace, il est devenu millionnaire sur un combat et il a vu de nombreuses perspectives s'ouvrir. C'était un coup de poker mais il a réussi. Il était invaincu, il y est allé pour gagner et Jaime Munguía, c'est un gros frappeur que même Canelo Álvarez n'a pas réussi à mettre KO. Et Bruno, lui, l'a fait.
Champion de France, c'est un accomplissement énorme, mais on sent que vous voyez plus loin.
C'est une première étape. Je voudrais être au minimum champion d'Europe. Je sais qu'un jour ou l'autre, je serai champion de France et si ce n'est pas cette année, ce sera l'année prochaine. Après, je voudrais avoir l'EBU Silver puis l'EBU. Et si je peux disputer un championnat du monde, je ferai tout. Mais d'abord, mon but c'est la ceinture européenne.
Vu la densité, notamment chez les jeunes, il y a de beaux combats à organiser en mi-lourds
C'est vrai qu'on est nombreux dans la catégorie mais, franchement, aucun ne me fait peur. Même Franck Zimmer, le tenant du titre, ça ne me ferait pas peur l'affronter d'ici l'année prochaine. Dès que je peux disputer le championnat de France, je le fais.
Vous êtes Narbonnais, mais vous avez fait le choix de vous entraîner à Béziers : c'était prévu ?
À Narbonne, il y a un bon club de boxe mais je crois que je suis monté au maximum de ce que je pouvais avec lui. J'ai préféré aller à Béziers parce que le club Marcel-Cerdan est réputé, il y a de très bons boxeurs et de très bons entraîneurs. Je suis très bien entouré pour réussir ma carrière. Je m'entraîne avec Rudy Ruiz et en seulement 3 mois, j'ai vraiment amélioré mon niveau. C'est un encadrement professionnel, c'est le mieux du mieux, à la fois pour les entraînements mais aussi pour les sparrings, la préparation physique, la récupération. On me donne les combats au bon moment, ce n'est pas du n'importe quoi. Je suis déjà prêt pour disputer un 8-rounds et même un 10 mais on verra ça en temps voulu avec mon entraîneur.