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Interview Flashscore - Lancelot de La Chapelle : "J'ai prouvé que j'avais ma place au Grand Prix"

Lancelot de La Chapelle
Lancelot de La Chapelle Instagram - Flashscore
À 27 ans, Lancelot de la Chapelle est un boxeur qui progresse à grande vitesse. Qualifié pour les 1/4 de finale du Grand Prix WBC à Riyad dans la catégorie des poids moyens le 13 août prochain, le Normand sort d'un terrible KO infligé au Mexicain Isaac Torres. Pour Flashscore, il évoque sa carrière mais aussi sa passion pour le cinéma et la santé mentale des sportifs de haut niveau.

Flashscore : Commençons par le plus évident. Vous avez un prénom qu'on n'oublie pas !

Lancelot de la Chapelle : Mes parents voulaient quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Ils ont hésité et, heureusement, ils ont choisi Lancelot parce que ça a failli être Attila. Déjà que Lancelot, ce n'est pas facile à porter, je vous laisse imaginer Attila (rires). 

Nous avons pu parler avec votre compatriote normand Baptiste Cheval qui a pu souffrir de son nom de famille mais cela lui a valu le surnom de "Centaure". Vous, c'est le "Dark Knight" et vous êtes même entré dans la KinderArena de Rouen sur un cheval noir en finale de la Coupe de France !

J'ai demandé si c'était possible et j'ai reçu l'autorisation. Il fallait encore trouver un cheval adapté pour le show mais mes parents sont dans ce milieu, ça s'est fait en quelques coups de fil. 

L'image est prépondérante pour les boxeurs et on voit sur vos réseaux sociaux que vous y prenez grand soin, avec une qualité professionnelle indéniable. C'est un moteur d'engagement pour les fans et les promoteurs incontournable ?

C'est important aujourd'hui de transmettre notre image. J'essaie d'être dans un juste milieu, avec des choses plus personnelles mais pas trop parce que je veux garder ma vie privée secrète, des contenus qui peuvent faire rire, des posts professionnels, mais aussi des publications avec d'autres projets notamment liés au cinéma.

Le cinéma, c'est pour devenir acteur ou être derrière la caméra ?

Les deux. J'ai fait déjà plusieurs courts-métrages. J'ai réalisé le dernier qui a été sélectionné dans trois festivals et remporté le prix Napoléon sur les Champs-Élysées. C'est cool pour un premier essai. Un ami étudie le cinéma et on a développé plusieurs projets ensemble. 

C'est iconoclaste dans le milieu de la boxe ?

J'ai souvent entendu des boxeurs dire que le cinéma les tentait. Ce milieu-là est très difficile et si on ne provoque pas les choses, rien ne viendra. J'ai un projet en cours de montage, un autre en quête de financement par la région et qui est d'ailleurs une histoire de boxe. 

Il est très difficile de faire un mauvais film de boxe, c'est toujours épique et le spectateur veut connaître la fin. 

La boxe, ça marche toujours au cinéma, les deux mondes coïncident bien, ça fait toujours de bonnes histoires. 

La boxe, un sport à part
La boxe, un sport à partInstagram L.de la Chapelle - Stats Perform

Revenons à la vraie boxe. Votre premier combat a été contre Pierre Rosadini qui est récemment devenu champion de France. Vous n'avez pas commencé par la facilité. 

Pierre Rosadini est un bon boxeur et je commence d'emblée contre lui à Grenoble, dans la ville de mon promoteur Gérard Teysseron. Ça a été très intéressant pour un début, il fallait rester vigilant car il frappait fort. Ça s'était bien passé. 

Vous avez aussi affronté Kevin Lesa, le fameux soir de votre entrée à cheval. De belles références lui aussi. 

Ah oui, c'est un bon frappeur, il n'est pas simple à gérer. Au départ, Kevin est un mi-lourd, pas un super-moyens donc il fallait faire attention jusqu'au bout. 

Vous avez remporté puis défendu victorieusement la ceinture WBC Francophone au Canada contre Brandon Brewer. Est-ce que cela a marqué un point de bascule dans votre carrière car on sait la difficulté de gagner à l'étranger ? 

Ça s'est fait au hasard, on m'a contacté sur Facebook pour me demander si la ceinture m'intéressait. Je regarde contre qui, je pense que je peux gagner donc j'accepte. Je gagne par KO à la 9e le premier, et la revanche aux points. 

En termes d'organisation, ça donne quoi le Canada ? Est-ce que vous avez craint le traquenard ?

Il y a deux moitiés. La première, ça s'est bien passé. J'ai été formidablement reçu. Le Canada reste un de mes pays préférés, j'ai adoré le peuple, les paysages, la manière de fonctionner. L'organisation, les officiels, tout s'était très bien passé. En revanche, la deuxième s'est très mal passée, en tous cas au niveau boxe. Personne n'est venu me chercher à l'aéroport, on a été traité comme des chiens, si bien que j'ai boycotté la conférence de presse pour protester. Brewer est devenu fou furieux, il m'a poussé à la pesée. Comme il organisait sa propre soirée, il a mis la pression sur son équipe. 

Il a mal encaissé la défaite par KO ? 

Il y a carrément eu un reportage à la télévision canadienne où il expliquait ne plus en dormir et qu'il voulait me défoncer pour la revanche. On avait fait un beau combat pourtant, mais ensuite il m'insulte, il a droit à une revanche et je le bats à nouveau. Bien fait pour sa gueule ! 

La colère est mauvaise conseillère...

Surtout, il a été dans le ring à l'opposé de ce qu'il avait montré à la pesée. Il n'a fait que fuir, commis des fautes et pourri le combat. 

En 2024, vous avez boxé 4 fois (3 victoires, un nul), vous êtes devenu champion de France. Une année charnière qui vous a amené au Grand Prix cette année ? 

De fin 2013 à fin 2024, j'ai remporté 4 ceintures ! En 2025, j'ai décidé de changer de catégorie et de descendre en moyens. Je suis déclassé et rien ne vient. Avec Gérard, on ne savait pas vers quoi se lancer. J'étais en vacances dans le Sud chez un sponsor et il m'appelle pour me parler du Grand Prix et m'incite à m'inscrire. Je vois les conditions : c'est 15 combats maximum, j'en ai 17; il faut avoir moins de 26 ans, j'en ai 26. Je ne rentrais pas dans les clous mais je m'inscris quand même et je suis pré-sélectionné au CV, avec mon palmarès amateur et pro. Les deux ceintures WBC Francophone et les deux titres de champion de France m'ont vraiment bien servi. 

Vous avez récemment croisé avec Sofiane Khati qui nous disait qu'il fallait toujours saisir les opportunités, quitte à perdre, parce que ce sont les risques qui permettent d'avancer. 

Complètement. Pour gagner, il faut apprendre à perdre et en France personne ne veut prendre de risques. Évidemment, une carrière ça se gère, on fait un sport dangereux et il faut faire les choses dans l'ordre mais, à un moment, il faut prendre un risque. Il faut aussi s'écouter : on m'a proposé un combat au Canada, j'ai vu des vidéos de mon adversaire, je me suis senti capable. J'aurais vu un tueur à gages, je n'y serais pas allé. 

Le fait de redescendre en moyen, c'est pour le Grand Prix mais aussi par rapport à la concurrence en super-moyens en France ?

Je serais un menteur de dire l'inverse ! J'ai de la frappe mais par rapport aux super-moyens, je ne le suis pas. Je le suis beaucoup plus en moyen et ça change tout. Je le vois en sparring, en combat. Quand je mets les gants avec un mec à 72, 73, 74kg, l'impact n'est pas du tout le même. Je me suis dit que c'était plus judicieux de descendre, sachant que la catégorie des 76kg est hyper bouchée. Gérard m'a conforté dans mon choix mais, pour faire le poids, c'est beaucoup plus dur. 

Yoni Valverde a dû descendre en plumes pour le Grand Prix et il nous a confirmé cette épreuve du régime. 

Ce n'est pas facile d'être au poids, là je ne le suis pas par exemple (rires). Notre sport est très compliqué et ça crée des problèmes psychologiques. Quand je ne suis pas en prépa ou après un combat, je mange à en mourir parce que je sais qu'après je vais manquer. C'est un cercle vicieux parce que je me dis qu'après ce sera la galère mais, dans le même temps, j'ai 10 jours et je ne veux pas me priver. C'est très dur de gérer ça. 

Outre les sports de combat, il y a d'autres disciplines comme le cyclisme ou le saut à skis dans lesquelles le poids est aussi une obsession qui peut provoquer des troubles anorexiques et boulimiques. 

Comme j'ai la double nationalité belge et que l'Equipe de France m'a toujours snobé, j'ai pu constater que tout le monde se bouffe le cerveau avec ça. On se pèse au lever, après avoir mangé, après avoir fait nos besoins, on est obnubilé par la balance et ça crée de vrais problèmes psychologiques. 

C'est un sujet tabou ? 

En tous cas, on n'en parle pas beaucoup. Et ce n'est pas étonnant si de nombreux boxeurs, une fois retraités, deviennent énormes. C'est normal. On le voit aussi chez les jockeys. Une fois qu'ils peuvent relâcher, ils n'hésitent pas. 

Les vertus du sport sont souvent mises en avant mais le haut niveau et le loisir sont deux mondes totalement différents. 

Le sport professionnel n'est pas bon pour la santé. On en fait beaucoup trop, on fait beaucoup trop de séances, on tire beaucoup trop sur notre corps. On le sait. En plus, il s'agit d'un sport de combat, le cerveau est impacté directement aussi. Ce n'est pas sain. On crée du sain parce qu'on mange bien, qu'on dort bien, qu'on a de bons horaires de vie. Mais en soi, le sport de haut niveau, ce n'est pas bon pour le corps. 

Quand on évoque votre parcours, on se dit que nous n'avez pas le physique de l'emploi pour faire de la boxe. C'est une remarque qu'on vous fait souvent ? 

On me dit qu'on me verrait plus dans le tennis (rires). Moi aussi parfois, surtout que j'adore ça ! Ça aurait peut-être été moins dur. 

Pourquoi la boxe alors ? 

Je suis un faux passionné. Je regarde les grands combats, je suis l'actualité mais je ne vais pas être comme mon coach qui ne fait que ça. Je l'appelle le zinzin de la boxe (rires). La boxe, c'est venu en raison de mon caractère. J'étais pénible quand j'étais petit et mon père qui avait fait de la boxe m'a inscrit. Au début, je n'aimais pas ça mais comme j'avais un petit don et des facilités, j'ai commencé à apprécier. 

Dans un mois, vous disputerez votre 1/4 de finale du Grand Prix. Vous avez débuté par une décision partagée avant d'infliger un KO terrible à Isaac Torres

Les commentateurs de DAZN ont dit : "il a battu le croque-mitaines", ça m'a trop fait rire ! Cela dit, Boxrec nous mettait à 50-50. Je savais que c'était un mec dangereux et comme patience est mère de vertu, j'ai attendu la seconde d'inattention qu'il a eue pour lui mettre un coup de fusil. 

Quand vous le sonnez, on a des sentiments ambivalents : on sait que vous allez gagner mais l'arbitre met plus d'une minute à arrêter le combat. 

Oui, il a pris beaucoup de coups et il a mis du temps à revenir. Il a été mis sous oxygène sur le ring puis dans la maison médicale. On ne le voit pas à l'écran mais l'arbitre nous sépare, il se parle à lui-même. Il n'était plus là. Ce qui est le plus dangereux, ce n'est pas le coup qui te sonne, ce sont les coups que tu prends ensuite. 

On évoquait le tabou de l'alimentation. Il y a aussi un autre tabou, cette fois-ci propre à la boxe : l'obligation de terminer l'adversaire. Psychologiquement, même dans le feu de l'action, on se dit que ça va devenir dangereux ?

Au départ, je me suis dit "il est touché, il faut que je termine". Mais quand j'ai vu qu'il prenait vraiment beaucoup de coups, il y a un moment où je me suis demandé pourquoi il n'était pas arrêté. 

Êtes-vous devenu le "croque-mitaines" du tournoi ? 

Je me rends compte que j'ai mes chances pour arriver en finale et je vais tout faire pour y parvenir. Est-ce que je suis premier favori, deuxième, troisième, je n'en sais rien mais tout ce que je sais, c'est que j'ai prouvé que j'avais ma place. 

Johnson Suffo nous a parlé des conditions météorologiques, où on passe de quasiment 50 degrés dehors à 20 degrés à l'intérieur avec la climatisation à fond. 

Je ne mets pas la clim' dans la chambre, sinon il fait trop froid et ce n'est pas agréable. Dehors, c'est une horreur. Quand tu sors, un souffle t'aspire, les mains gonflent, tu dégoulines. Parfois, je critique ma Normandie parce qu'il pleut mais ce n'est pas si désagréable finalement (rires).