Flashscore : Le plateau était très relevé à Macau avec sept champions de F4 régionale sur les 20 pilotes sélectionnés par la FIA. Avec un top 10 annoncé en objectif avant la course (à Ouest-France), un tel succès était-il inespéré ?
Jules Roussel : J’avais dit top 10 car je ne savais pas trop à quoi m’attendre et je ne voulais pas non plus me mettre des objectifs trop hauts et être déçu après. Mais je savais qu’on avait la technique et qu’on avait bossé pour pouvoir jouer quelque chose. Après, je n’avais jamais roulé avec les autres et c’étaient les meilleurs du monde dans la catégorie F4, donc c’était difficile de savoir.
Vous vous êtes montré très incisif pour prendre la tête sur le départ puis d’une sérénité remarquable, notamment au moment de défendre votre position sur la première relance de Safety Car. Puis Rayan Caretti vous a surpris avec un dépassement solide. Dans quel état d’esprit vous vous trouviez une fois derrière lui ?
C’était un peu frustrant au début mais il fallait garder son calme et mettre la pression pour le pousser à faire une erreur. Je ne pouvais doubler qu’au bout de la ligne droite mais même en ressortant mieux que lui du dernier virage, sur le deuxième qui se passait presque à fond, je prenais l’air sale et j’étais obligé de lâcher. Je devais trouver la bonne distance pour être devant lui avant le frein.
Oui car ce premier virage est un entonnoir…
C’est un très gros freinage et il se referme. C’est impossible de tenter extérieur, la seule solution c’est soit de freiner très tard ou alors, de passer avant. Il fallait bien calculer son coup, j’ai essayé une fois, deux fois, mais comme il lâchait les freins et me bloquait, je pouvais pas. À trois tours de la fin, je suis encore mieux ressorti de lui du dernier virage et avec l’aspiration, j’ai essayé de ne pas lâcher sur le virage presque à fond et j’ai tenu. Je me suis mis devant et j’ai bloqué comme il l’avait fait avant pour tourner en tête.
Ce duel a dû vous rappeler des batailles sur le championnat de France F4…
Honnêtement, c’était comme refaire une course de F4 France avec (Rintaro) Sato et Caretti ! Ça montre le niveau de la F4 France cette année et niveau bagarre, c’était compliqué de lutter contre eux.
Les monoplaces suivent évidemment les mêmes réglementations FIA mais vous avez passé la saison en championnat de France F4 sur une Ligier JS F422 (nouvelle appellation de la Mygale M21) et plusieurs de vos concurrents roulaient, eux, en championnat domestique, sur Tatuus. La FIA avait sélectionné les JS F422 pour ce premier Grand Prix F4 de Macao. Est-ce que cela a pu offrir un avantage ?
Il faudrait plutôt demander à ceux qui roulaient avec les Tatuus (sic). Je pense qu’ils se sont adaptés assez vite et ce n’est jamais la voiture qui pose problème mais la technique que l’on a avec elle.
Cela reste une F4...
C’est aussi à eux de s’adapter à la voiture. La plus grosse différence est sur l’embrayage, au niveau des départs. Mais on pouvait le voir sur les data. Comme je partais plus loin sur la course qualificative, les concurrents n’ont pas forcément regardé nos data sur le départ ! De notre côté, on a vu qu’il fallait trouver un entre-deux entre eux, qui avaient l'habitude de mettre à fond sur la Tatuus et nous, qui mettions peu (NDLR : sur le débrayage). C’est là-dessus que la différence s’est faite pour bien sortir.
C’était la première fois que la Coupe du monde F4 de Macau avait lieu, au cœur d’un programme riche et d’une étape qui s’est avérée historique dans l’avènement de jeunes pilotes. Et bien que vous soyez le premier pilote à inscrire son nom au palmarès de cette course support, il vient tout de même s’accoler à ceux d’autres pilotes titrés à Macau : Senna, les frères Schumacher, Coulthard, Patrese… C’est une émotion particulière ou la suite des choses ?
C’est une chance énorme, déjà, sur le palmarès. J’étais bien sur la fin de saison de F4 France malgré le manque de chance sur les trois derniers meetings. Sur le papier, les résultats auraient déjà pu être meilleurs. Du coup, finir sur une réunion aussi mythique et inscrire mon nom à côté de ceux-là, c’est quand même incroyable. Maintenant, si je gagne Macau, que je ne fais rien après et que mon parcours ne suit pas, ça n’a aucune valeur !
On imagine que vous avez désormais l’envie de vous aligner sur le Grand Prix l’année prochaine, au volant d’une Formule Régionale ? Et prendre la suite de Théophile Naël, vainqueur quelques heures après vous !
Avoir déjà roulé sur ce circuit est génial. L’expérience prise en comparaison à ceux qui arrivent en FRECA (NDLR : qui devient la FREC sous statut FIA en 2026) sans avoir roulé ici donne encore plus envie de passer au niveau au-dessus. J’espère avoir la chance de le faire dans la catégorie supérieure l’année prochaine et prendre autant de plaisir dans une monoplace avec encore plus d’aéro et de puissance.
La question fatidique : c’est quoi le programme pour 2026 ?
On a reçu des opportunités de plusieurs teams avec cette performance à Macau. Par contre, on recherche encore des partenaires pour une grosse partie du budget parce que cela reste des montants énormes. Et c’est là où cela peut bloquer alors que plusieurs équipes veulent que je roule. L’intérêt en FREC fait plaisir et reste l’objectif.
Les pistes sont donc pour la FREC ?
J’ai des pistes et si l’on parvient à trouver une partie du budget, on le fera, c’est sûr. Après il faut trouver un sponsor titre.
Vous vous fixez une date limite pour répondre à ces sollicitations et apporter le budget ?
Les montants sont tellement élevés que les équipes sont elles aussi en galère. Il manque souvent leur troisième pilote. Les dernières équipes qui signent ont déjà un ou deux pilotes "payants", et elles veulent généralement un pilote qui a déjà performé pour le dernier baquet. Pour cette raison, elles poussent au maximum les deadlines, dans la mesure du possible.
La deadline, c’est quand ça ne sera plus possible mais le problème, c’est que la saison démarre tôt, rien qu’à la mi-janvier pour le championnat FREC au Moyen-Orient.
Les arguments en piste sont là, quid de la visibilité ?
On a eu beaucoup de visibilité après Macau. C’est grâce à cela qu’on aura une plus grande chance de tomber sur quelqu’un qui a les moyens et l’envie d’aider au projet.
Avez-vous été approché pour un programme junior ou dans une académie ?
Non, mais je pense que tout le monde regarde. Ça a sûrement fait parler mais on n’a pas eu de retour. Ceci dit, je pense que la course a eu lieu tard dans l’année et que leur budget n’est évidemment pas illimité car ils prennent pas mal de pilotes. Je pense aussi que les filières ne peuvent pas se concentrer sur tous les détails : qui a une bonne technique au niveau du frein, qui est bon sur les départs, qui peut progresser sur un point précis…
C’est une supposition mais je pense qu’ils regardent surtout les résultats. Sur la fin de saison, je me suis fait sortir une ou deux fois, j’ai eu des pannes, mon nom n’a pas été devant. Du coup, on peut se dire que je sors de nulle part à Macau. Mais je sais que la performance est là depuis le début de saison et que ça finit juste par payer.
Un peu de culture de l’instant ?
Toujours une question de timing !
