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Interview Flashscore - Joris Chotard (Montpellier) : "On aime le club, même si les supporters ne nous croient pas"

Joris Chotard
Joris ChotardProfimedia
Formé à Montpellier, Joris Chotard achève sa 6e et probablement dernière saison avec la Paillade. Amer mais lucide de la situation dans laquelle est son club, il s'est longuement ouvert à Flashscore pour revenir sur ses derniers mois qui avaient si bien commencé avec une médaille olympique avant qu'une succession de blessures ne le freinent, lui qui est la clef de voûte au milieu de l'équipe héraultaise.

Flashscore : La saison de Montpellier est plus que difficile pourtant la votre avait très bien débuté avec une médaille d'argent olympique à domicile. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Joris Chotard : C'était une expérience incroyable, j'ai eu la chance d'être dans la bonne catégorie d'âge, d'avoir pu jouer (6 matches, ndlr) et de faire un beau parcours. On sait que le football n'est pas une priorité aux JO, qu'on était critiqué parce qu'il y avait des problèmes avec des joueurs qui n'étaient pas libérés, et que c'est un sport qui passe au second plan. Mais le fait d'être en France nous a fait ressentir un engouement énorme, les stades étaient pleins, il y avait une ferveur qui nous a aidés sur pas mal de matches, comme contre l'Argentine et l'Egypte. Avec le groupe qu'on avait et le jeu qu'on est arrivé en mettre en place, tout était extraordinaire.  

En 2026, Didier Deschamps quittera les Bleus et Thierry Henry fait partie de la liste des successeurs potentiels. Comment a-t-il été comme sélectionneur des Espoirs ?

C'est lui, avec son staff, qui a fait que le groupe a aussi bien vécu. Il y avait ce mélange de décontraction et de proximité avec les joueurs mais, en même temps, on savait qu'il n'avait pas besoin de crier pour recadrer ou faire redescendre tout le monde. Il a ce charisme naturel qui fait qu'il ne hausse pas le ton pour mettre les choses au clair. Il a une parole qui porte dans le vestiaire et c'est l'un des facteurs qui fait qu'on est allé aussi loin. 

Joris Chotard a disputé les JO de Paris
Joris Chotard a disputé les JO de ParisCedric Lecocq / KMSP via AFP / Stats Perform

Beaucoup de joueurs changent de poste au cours de leur formation ou pendant leur carrière mais vous, vous êtes un 6 par vocation. Ça se traduit comment ?

Depuis tout petit, j'ai toujours eu cette volonté de défendre, d'aider la défense. Quand j'étais petit, je jouais les gros matches au poste de défenseur central. J'ai toujours eu une attirance pour le poste de 6. Couper les actions, soulager la défense, récupérer des ballons et relancer proprement, ça m'a toujours plu. C'est là où je suis le plus à l'aise. 

Gennaro Gattuso a dit que les matches qu'ils préféraient étaient ceux joués dans le froid, sur un terrain dur car c'est là que le milieu défensif se révèle le mieux : vous validez ?

Le "trop" froid, ce n'est pas très agréable car chaque contact est amplifié ou quand on prend un ballon dans la cuisse ou dans l'oreille. Chaque match bourbier est un moment où les joueurs plus défensifs, plus "charbonneurs" sont davantage mis en valeur. C'est là où on s'exprime le plus. 

Vous êtes un fan de Sergio Busquets, la quintessence du numéro 6. En quoi vous inspire-t-il ? 

J'ai découvert le football à l'époque du grand Barça, c'est à ce moment-là que je prenais conscience de beaucoup de choses sur le terrain, de l'importance des placements. En général, quand on voit des 6 comme Busquets ou, dans un autre style, N'Golo Kanté qui a une grande projection balle au pied, on se rend compte que ce rôle a beaucoup évolué, avec des box-to-box qui viennent participer au jeu offensif. C'est intéressant car ça diversifie les registres dans lesquels on évolue. 

Vous avez été proche du Sporting CP en 2023, puis de Wolfsburg en 2024 : est-ce que ces championnats vous attirent par rapport à votre rôle ou vous verriez-vous ailleurs, par exemple en Liga que vous avez beaucoup regardé ?

C'est différent de voir ces championnats à la télévision et d'y jouer réellement. Je l'ai vu lors de matches amicaux contre des équipes espagnoles ou allemandes, ce n'est pas du tout pareil. En Espagne, il y a plus de fougue, de technique, de rapidité alors qu'en Allemagne, c'est plus carré, plus tactique. Ça dépend surtout du projet de chaque équipe, mais effectivement, il y a des différences d'intensité, d'impact. 

Quand le Sporting CP était proche de vous recruter, l'entraîneur était Ruben Amorim, lui-même ancien milieu défensif. Être demandé par un technicien qui connaît ce travail de 6, c'est plus valorisant que si c'était un ancien défenseur ou attaquant ?

Bien sûr car si c'est quelqu'un qui connaît le poste, je pense que ça donne un peu plus d'importance à la proposition ou à l'intérêt car ça veut dire qu'il aime ce qu'on fait et qu'il veut voir sur le terrain avec son équipe. 

À présent, il faut bien évoquer votre saison individuelle et collective avec Montpellier. Pour vous, ça a mal commencé dès le début avec une blessure qui vous a conditionné pour la suite. Vous avez vécu le contre-coup des JO ?

J'avais à coeur de revenir vite pour aider l'équipe. J'ai joué les deux premiers matches mais, malheureusement, je me suis blessé au troisième. Est-ce que j'ai repris trop tôt ? Est-ce que je me suis mal préparé ? On ne le saura jamais. J'aurais pu prendre une semaine de plus. Quand je ne peux pas aider l'équipe, je suis dégoûté. Je suis revenu et je me suis à nouveau blessé trois matches après. Dans un tel cas, on a plus de mal à revenir physiquement et mentalement, c'est plus délicat. Quand on est blessé, on est décalé par rapport au groupe, on est à part, parce qu'on doit suivre des soins avec le kiné et on est en dehors de la vie de l'équipe. 

Joris Chotard sur la saison de Montpellier
Joris Chotard sur la saison de MontpellierSylvain THOMAS / AFP / Stats Perform

Vous êtes un enfant de la Paillade, c'est votre 6e saison professionnelle. Pour vous plus que pour un autre, cette saison est difficile ?

C'est très compliqué. On essaie de trouver des solutions mais en vain. On a l'impression que rien de veut marcher. On a essayé avec une défense à 5, une défense à 4. Et puis on sent que les supporters ne sont plus avec nous. 

Pourtant, on a vu une évolution collective entre le match contre Saint-Étienne (match arrêté à 2-0 après des incidents dans les tribunes, avant que le résultat ne soit entériné mercredi, ndlr) et celui à Auxerre (défaite 1-0). La frustration ressort à nouveau mais, pour ce match de la dernière chance contre Le Havre, vous vous dites que vous avez les capacités pour gagner ?

Il faut avoir cet état d'esprit. Comme l'a dit Jean-Louis Gasset, si on avait mis les mêmes ingrédients contre Auxerre, notamment en première période, on aurait pu mieux faire lors des matches précédents. Quand on voit qu'on peut mieux faire, on a toujours des regrets. Quand on n'arrive pas à faire trois passes d'affilée, quand la moindre occasion contre nous fait but, on ne peut plus rien y faire et il n'y a pas à en à avoir. Il y a pas mal de moments dans la saison où on a réalisé des matches intéressants, où on a été capable pendant 45, 60, 70 minutes d'être concentré et appliqué mais on a eu des sautes de concentration et de relâchement... À certains moments, on arrive à faire des choses intéressantes mais c'est trop irrégulier et même quand on est bien, on n'arrive pas à conclure par un but qui nous ferait basculer dans un état d'esprit positif. 

C'est ce qui s'est passé contre Auxerre où on a vu votre manque de réussite quand vous frappez sur le poteau et que l'AJA, qui est en confiance, marque en fin de match avec une combinaison simple mais très bien exécutée. 

On l'a vécu par le passé. Il y a des matches où on n'avait que 20% de possession mais on savait que quand on aurait une frappe, on allait cadrer et marquer. On était sûr de nos forces, costauds derrière, rigoureux, un peu à l'image d'Auxerre le weekend dernier. Sur une action anodine, ils se sont retrouvés face au but et ont marqué. Il y a eu mon poteau mais aussi quelques situations où ça va dans leur sens et qui nous sont défavorables, comme depuis le début de la saison. 

À titre personnel, votre tir sur le poteau démontre que vous élargissez votre palette, avec la volonté d'aller finir les actions. C'est un axe de progression, surtout dans un tel contexte avec une ligne offensive décimée par le mercato ?

Je l'avais fait en fin de saison dernière, avec 4 ou 5 passes décisives. C'est une chose que je voudrais améliorer de manière plus régulière mais ça dépend aussi de la tournure du match. Quand on est à l'aise dans le jeu, moins en danger, on se trouve mieux et on se permet d'aller plus vers l'avant. C'est la physionomie de la rencontre, le style de l'adversaire qui conduit à ça. 

C'est votre retour à la Mosson après que le match contre Saint-Étienne a été arrêté. Avez-vous un message à l'adresse des ultras et de vos supporters en règle générale ? 

On les comprend dans le fond, mais sur la forme, ils n'ont pas besoin de faire ça. On aime le club, même si les supporters ne nous croient pas. Ça nous fait chier d'être dans cette situation. On aimerait être tranquillement sauvé, à la 10e place et finir la saison relâché. Je sais que c'est très compliqué de nous croire mais on a envie de se sauver, même si personne ne croit en nous. Ce n'est pas en nous insultant, en mettant le feu ou en se battant avec les CRS que ça va changer les choses. On sait que ça ne concerne pas tout le monde mais c'est dommage d'en arriver là. On a conscience des choses. C'est une saison de merde et ça pénalisera encore plus le club de faire des choses comme ça. On n'a plus le droit à l'erreur, un match nul ne nous va pas. 

Vous êtes mieux placé que quiconque pour savoir que la Paillade représente bien plus qu'un simple club de football. 

C'est une identité qu'on perd actuellement. C'est un club construit par une famille qui n'a pas lâché depuis 50 ans. C'est une mentalité différente, tout ce qui a été construit est l'oeuvre de 5 ou 6 personnes qui forment une famille. On est dégoûté de représenter l'équipe qui peut envoyer le club en Ligue 2 et le mettre en grande difficulté. On aurait aimé faire de bons matches et continué de représenter tout ça, mais tout est très compliqué. On est forcément déçu d'en être là. 

Vous êtes jeune malgré votre expérience : comment pensez-vous analyser cette saison pour la suite de votre carrière ?

J'aurais évidemment préféré éviter ça et faire une belle saison sur la dynamique des 4 ou 5 dernières années où on s'est maintenu, même avec des périodes difficiles à gérer, avec plusieurs points d'avance. Mentalement, ce n'est pas nouveau car on a eu des moments compliqués aussi mais sur une telle durée, c'est nouveau. C'est une saison à oublier mais il faut aussi en apprendre, l'analyser pour ne pas le reproduire dans le futur.