Flashscore : Vous êtes installé sur la Riviera depuis plusieurs années, vous n'avez pas arrêté votre carrière mais vous avez diversifié votre activité dans la boxe ?
Hassan N'Dam : Je continue de m'entraîner avec mon coach Jean-Marc Toesca et je donne des cours à des boxeurs amateurs. J'ai passé plusieurs formations d'entraîneur-encadreur, j'ai un Diplôme d'Enseignement Supérieur délivré par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Je peux diriger une équipe nationale et je suis d'ailleurs appelé pour ça un peu partout, notamment au Cameroun, mon pays de naissance.
Quels sont vos projets dans le ring ?
Je suis dans la préparation de plusieurs choses, notamment un gros événement au Cameroun en 2026. Je suis sur le point de signer un contrat pour 4 combats. C'est en discussion avec mon entraîneur et un promoteur étranger car tous les combats seront à l'étranger.
Ce n'est pas la première fois que vous avez un promoteur étranger, cela avait été le cas après votre combat contre Peter Quillin à Brooklyn.
Je suis parti aux États-Unis avant de revenir en France avec Sébastien Acariès, tout en restant à Miami. Quand je suis venu à Monaco, il y a eu des problèmes judiciaires avec lui. Je n'ai plus eu de promoteur mais j'ai travaillé avec un manager anglais, Charlie Sims, avec qui on a fait le Madison Square Garden et 4 championnats du monde. On a arrêté de travailler ensemble, il est en recherche de jeunes profils. C'est ça le côté ingrat du sport (rires). Quand on est champion, on est avec vous mais quand on passe un certain âge, en termes de performance, on commence à chercher de nouveaux boxeurs. C'est normal.
Vous vous êtes mis au MMA ces dernières années. Des combats étaient prévus ?
Je l'ai envisagé et je m'y suis consacré pendant un an. J'avais même un peu abandonné la boxe car c'était un acquis. J'avais besoin d'apprendre le sol, la technique de lutte, comment me relever rapidement pour boxer. J'ai signé pour le premier Ares, avec le MMA Factory et on avait commencé à travailler ensemble. Ça se passait bien avec Aldric Cassata qui est également le coach de Manon Fiorot, j'étais en train de gravir les échelons en ju-jitsu mais j'ai eu des blessures, notamment un déboîtement de l'épaule. Je me suis remis à la boxe mais j'avais des récidives. Alors je me suis fait opérer et j'en ai profité pour me faire mettre un implant au niveau du scaphoïde gauche. Ça m'a demandé trois ans pour bien me remettre. Je me suis remis à fond depuis septembre.
Christ Esabe a remporté sa ceinture EBU Silver avec une épaule déboîtée dès le 2e round...
(Il coupe) Et j'ai aussi vu qu'il avait eu un problème avec son biceps, comme ce que j'avais eu contre Fulgencio Zuñiga !
Précisément, personne ne sait mieux que vous ce qu'a pu traverser Christ.
Quand j'ai vu le combat de Christ, je me suis dit qu'il fallait beaucoup de mental pour pouvoir se dire que le combat n'était pas fini. Contre Zuñiga (le 16 avril 2014, ndlr), ça m'était arrivé au 5e round et j'avais gagné avec une seule main. Je n'avais que le bras droit. Je peux boxer avec un bras gauche, mais avec le bras droit, c'est uniquement en contre. Il avait bien fallu que je lance ce bras gauche. J'ai senti la douleur mais l'adrénaline m'avait fait passer outre. Il y a des boxeurs qui perdent toute leur détermination quand ça leur arrive et Christ a surmonté tout ça. Je le félicite. C'est un grand champion, ce petit ! Ce qu'il arrive à faire à son âge, avoir cette capacité pour développer cet état d'esprit sans rien lâcher, c'est très fort.
Retrouvez l'interview-débrief de Christ Esabe ici
Et puis Zuñiga était un gros frappeur !
Je n'avais encore jamais affronté un boxeur qui frappait aussi fort dans tous ses coups, même sur un direct du gauche de préparation. C'était un marteau qui vous arrivez ! Alors imaginez quand il était campé sur ses jambes et qu'il voulait appuyer ! Il fallait que je le déstabilise en bougeant. C'était un moment à gérer mais, avec la technique, j'y suis arrivé et je l'ai largement battu.

Votre père était champion d'Afrique des lourds, il vous a transmis le gène de la boxe. Avec vous, Carlos Takam, Christian Mbilli, Kevin Sadjo entre autres, cela fait beaucoup de Franco-Camerounais qui performent à très haut niveau. C'est quoi votre secret ?
Il y a quelque chose au Cameroun qu'on appelle le "hemley". C'est le coeur de lion, la détermination. Quand on vient d'un pays comme le Cameroun, où on n'a pas eu toutes ces facilités de travail pour pouvoir vivre, on développe automatiquement cette sensation de devoir nous battre pour nous en sortir. Quand on arrive en Europe ou aux États-Unis, on a accès à ces infrastructures donc, quand on les a, on a déjà réussi. Alors on prend plaisir car on a des qualités intrinsèques et on a tout ce qui faut pour performer. Si on avait tout ça au Cameroun, on ne perdrait pas autant de talents en chemin.
Vous avez fait les JO avec Carlos Takam et tous les deux avaient le point commun d'être tout le temps à l'entraînement. Quand il avait affronté Tony Yoka, si les fans connaissaient sa valeur, le grand public l'a découvert et n'était pas prêt à le voir aussi bien préparé.
Je suis tout le temps à l'entraînement, c'est une hygiène de vie. Si je ne m'entraîne pas trois ou quatre fois par semaine, je suis malade. C'est comme lorsque je fais la prière le matin, je ressens la paix intérieure. Quand on est boxeur, on peut être appelé à n'importe quel moment. Je ne refuse aucun combat mais pour ça, je dois être prêt et m'en donner les moyens. Si le grand public a été étonné par Carlos, je ne l'ai pas été. J'avais boxé à Las Vegas, il était venu me voir puisqu'il vit là-bas, et je lui avais parlé des rumeurs concernant un combat avec Tony Yoka. Rien n'était encore fait. J'étais sûr qu'il serait appelé mais on devait espérer que Carlos ne soit pas prêt. Mais il n'y avait pas de risque, il s'entraîne tous les jours (rires) ! Carlos a été sous-estimé mais il ne faut surtout pas faire ça avec lui. Quand on voit son combat contre Anthony Joshua alors qu'il est appelé même pas 10 jours avant... On est des professionnels Monsieur !
Et comment ne pas évoquer Francis Ngannou qui a surpris tout le monde contre Tyson Fury, à commencer par le Gypsy King lui-même ? Quand on se souvient que Conor McGregor n'avait pas existé contre Floyd Mayweather en anglaise, la performance est d'autant plus remarquable.
Envoyer Fury au tapis à la 4e reprise, c'est déjà une victoire. Faire 12 reprises contre Fury, c'est déjà une victoire. Surtout quand on ne vient pas de ce monde-là. Francis a commencé par la boxe avant de faire du MMA mais il n'avait aucun repère avec le ring. Ce qu'il a fait est énorme et c'est inspirant pour d'autres combattants, à l'image de Cédric Doumbè qui a défié des boxeurs français. Il a provoqué Cédric Vitu qui a riposté. C'est marrant, ça apporte du mouvement ! Pour en revenir à Francis, ce qu'il a réalisé en MMA comme en boxe, et vu tout son parcours de vie, c'est exceptionnel.
Il a eu beaucoup de courage en quittant l'UFC.
Francis est un visionnaire, il voit plus loin que le sport. Il sait d'où il vient, tout ce qu'il a fait pour avoir cette place. Il a compris qu'en se battant pour ce sport, pas uniquement pour lui mais pour tous les autres, les choses changeront. S'il avait été suivi par d'autres, beaucoup de choses auraient changé dans l'UFC.
Quand on revient au début de votre carrière, on voit que vous avez beaucoup combattu dans deux salles mythiques : La Palestre au Cannet et le Cirque d'Hiver à Paris. On a l'impression que ces endroits ont été désertés. C'est une allégorie de la boxe actuellement en France ?
Des gens ont brisé la boxe, donné une image où les combats sont déjà gagnés d'avance et fait fuir le public et les télés. Ce qu'il faut, ce sont des combats franco-français attirants. Comme tous, j'ai choisi mes adversaires pour développer ma carrière, car il fallait que j'apprenne mon métier, savoir comment gérer 4 rounds, puis 6, avant de franchir un cap à 8, 10 et 12 pour atteindre le haut niveau. C'est comme à l'école, il faut des devoirs et des examens. Le combat c'est l'examen. À un moment, il n'y a plus le choix, il faut affronter les champions pour devenir un champion. Or la promotion de la boxe en France a été tuée par les promoteurs eux-mêmes et certains boxeurs qui refusent des combats difficiles pour ne pas casser leur palmarès. Quand je suis arrivé en 2004, la boxe était presque morte mais il y a eu le Grand Tournoi qui a permis de retrouver de l'engouement. C'est comme ça que j'ai pu devenir champion du monde. Aujourd'hui, il faut de nouvelles personnes pour redorer l'image de la boxe, comme Kevin Sadjo.
Vous évoquez le Grand Tournoi que vous avez remporté chez les moyens en 2008. C'était de la qualité pour les boxeurs, le public et les télés ?
Le Grand Tournoi a été une révélation et un renouveau pour moi. Je suis devenu un homme. Je ne parlerais pas des 4 années précédentes, entre 2004 et 2008, qui ont été un enfer. On voit juste le boxeur devenir un champion mais on ne voit par ce qu'il a passé entre temps, toutes les difficultés. Je dormais dehors. Quand j'ai disputé le Grand Tournoi, j'ai eu un appartement (ému). Après, j'ai eu un contrat d'éducateur dans ma ville. Mon enthousiasme a décuplé, j'ai signé avec un promoteur et disputé un championnat du monde deux ans plus tard. Tout part de ce Grand Tournoi, comme boxeur et comme homme. C'est l'élément déclencheur.
Vous touchez le Graal contre Max Bursak, le 4 mai 2015. Le chemin a dû vous sembler long ?
Bursak, c'était un adversaire dur ! J'ai effectué une préparation de 9 mois parce qu'au départ, je devais affronter Gennady Golovkin pour le titre WBA régulier. Moi j'étais champion WBA interim et Felix Sturm était le Super champion WBA. Je voulais affronter Sturm, Golovkin aussi. Or c'était difficile d'avoir trois champions WBA dans la même catégorie. Donc on devait s'affronter pour défier Sturm, ce qui est logique. Mais dans les négociations, Golovkin n'a pas voulu me rencontrer. Je suis donc allé à la WBO. Le champion WBO, Dmitry Pirog, est parti en maladie donc on m'a soumis Bursak, présenté comme le champion intérim. Finalement, je bats Bursack et je deviens champion WBO car Pirog a été destitué.
Vous effectuez votre défense à Brooklyn contre Peter Quillin, le 20 octobre 2012. Vous avez des regrets par rapport au combat ?
Je n'ai pas de regret sur comment le combat s'est déroulé mais sur comment le combat a été négocié. Initialement, il n'était pas question de faire ce combat aussi tôt. J'avais une dérogation mais on m'a imposé Quillin qui n'était même pas numéro 3. Il y a eu quelque chose entre Sébastien Acariès et Oscar de la Hoya... En fin de compte, je me suis retrouvé dans le ring pour une somme que je n'ai même pas touché. Ça a créé des embrouilles judiciaires, résolues plus tard par un autre contrat... qui a également été baffoué !

Vous vous êtes relancé et avec la manière. On se souvient notamment de votre victoire sur Curtins Stevens, le 10 janvier 2014.
C'était juste après ma blessure contre Zuñiga qui m'éloigne pendant 6 mois. Je me posais la question sur la suite, sur ce que je deviendrais si jamais ma carrière devait s'arrêter. C'est là que j'ai commencé à préparer l'après-carrière. J'ai alors commencé ma formation, en 2014, et je suis allé jusqu'au DES en 2024. Je me suis perfectionné pour devenir entraîneur de haut niveau. Si j'avais attendu la fin de ma carrière, j'aurais perdu énormément de temps. À propos de Stevens, c'était un très, très bon puncheur. Pendant la conférence de presse, il m'avait dit que ce que si je m'étais relevé face à Quillin, ce ne serait pas le cas contre lui. C'était du trash talking mais j'avais tellement confiance dans le travail réalisé avec Mouss Ouicher, mon coach de l'époque... Je savais que face à un petit gabarit comme celui-là, personne ne pouvait me battre. J'étais même prêt à affronter Golovkin car j'étais convaincu qu'avec ma technique, j'avais de quoi le battre, notamment pour le mettre à distance.
Il y avait un petit ring, cela vous désavantageait par rapport à votre style de boxe.
Et c'est mon promoteur qui organise le combat ! Même si vous êtes champion, vous êtes surtout un Français contre un Américain. Mon promoteur américain m'a mis un petit ring, contre mes atouts. C'est là que je me suis dit que je serai toujours un étranger aux États-Unis. J'avais les qualités pour gagner de toutes façons mais j'ai mis 3 rounds à trouver mes repères. Ensuite, j'ai fait un récital et je l'ai même envoyé au tapis à la 8e.
Cette sensation d'être un étranger se confirme contre David Lemieux : vous auriez pu combattre à Paris ?
Oui et ce combat (le 20 juin 2015, ndlr) s'est très mal passé car tout, dès le départ, n'était pas bien réglé. Lors des négociations à l'amiable, il y avait déjà une belle somme. Or des gens de mon camp ont cru qu'il y en aurait beaucoup plus en allant aux enchères. Or De La Hoya est venu avec deux chèques : celui de la négociation à l'amiable et celui quand ils ont vu qu'il n'y avait pas de promoteur avec moi. Il a donc eu l'exclusivité et fait tout ce qu'il a voulu. Malgré tout, j'avais assuré mes arrières en demandant dans mon contrat un grand ring car je connaissais la force des bras de Lemieux. Ça ne m'a pas été accordé. En fait, je suis allé vérifier et ils avaient mis un petit ring. Alors ils remontent un grand ring devant moi... Et le lendemain, ils ont remis un petit ring ! Ils l'ont fait trois fois ! Finalement, dès le premier round, j'ai pris des coups. Je me suis dit que je pouvais faire comme contre Stevens mais j'avais besoin de mes repères. Du premier au sixième, je suis à 30% de mes capacités. Comme contre Quillin, je me suis réveillé après la mi-combat.
Vous redevenez champion du monde, cette fois avec la WBA, contre Ryota Murata, champion olympique, au Japon (par décision partagée, le 20 mai 2017) mais votre victoire a été contestée au point qu'on vous a privé de l'entièreté de votre bonheur.
C'était frustrant car j'avais l'impression d'avoir gagné sans avoir gagné, simplement parce que je suis allé au tapis au 4e round. Mais quand je revois le combat, et je l'ai même fait revoir par plusieurs professionnels, j'ai gagné quasiment tous les rounds. J'étais tout le temps en déplacement alors que lui se contentait d'un gauche-droite qui passait au mieux sur la garde ou en bout de course. Je défendais et je ripostais et je sortais. Je ne suis jamais resté en place pendant 12 rounds. Je bougeais et je frappais. Ça a un goût amer car dès le lendemain, j'apprends en interview, de la bouche même du journaliste, que le président de la WBA est contre ma victoire. Mais il y a deux juges qui me donnent vainqueur (110-117, 115-112, 116-111) !
Votre victoire a contrarié du monde on dirait !
Je l'ai mal pris mais je suis un boxeur. S'il faut les poser sur le ring, je les pose et j'ai accordé une revanche. Elle s'est très mal passée car j'ai eu des blessures. En vacances, je me casse la cheville après un accident de jet-ski. Je mets une attelle pour me préparer mais mon coach Pedro Díaz contacte la WBA pour expliquer que je ne suis pas en état. En plus, l'ouragan Irma a dévasté notre camp d'entraînement. La WBA répond que si je ne boxe pas, je suis destitué car la réunion était organisée et le promoteur voulait cette revanche. Mentalement, je n'étais pas prêt. Je ne sais pas quand, mais on a dû m'injecter quelque chose dans ma nourriture ou mon eau car dès le premier round, je ne me suis pas senti bien. Je n'avais plus rien, l'impression d'être vidé, de pas avoir de force dans les bras. Je n'arrivais pas à bouger. Au 3e, je prends beaucoup de coups, je suis même une victime. Je retourne m'assoir et je dis au coach que je vais arrêter. Mais je vois en face que Murata respire profondément car il a déjà tout donné. Alors j'y retourne, pour essayer de faire des choses. Mais au 7e, je réalise que je ne peux même plus esquiver un direct du gauche. J'en vois un arriver et je le prends plein front, moi qui suis fan des esquives, des retraits. Puis un deuxième, un troisième. Je suis sauvé par le gong et je dis au coach de m'enlever les gants. J'ai eu cette lucidité là. Ce n'était pas une mauvaise expérience mais c'était illogique.
Votre philosophie est de toucher sans être touché mais ça ne vous a pas empêcher d'affronter Martin Murray (le 22 décembre 2018 à Manchester pour la ceinture WBC Silver des moyens), qui est aux antipodes de ça.
Murray avait tenu 11 rounds contre Golovkin en 2015. Au départ, j'avais un accord de principe pour boxer à Riyad contre Chris Eubank Jr. Je venais d'arriver à Monaco et Jean-Marc Toesca m'avait convaincu par son discours. J'avais perdu ma ceinture et je n'avais pas eu mon argent, 150.000€ détournés par Sébastien Acariès. Je devais me reconstruire, je traversais une période de dépression. Jean-Marc m'a dit qu'il voulait travailler avec moi, que s'il ne pouvait pas m'apprendre la boxe, il pouvait en revanche m'apprendre le combat. J'ai été intrigué. Le combat, c'est aussi l'accrochage. Pour moi qui étais un boxeur propre, un accrochage salissait le combat. Il m'a dit qu'en accrochant je pouvais toucher l'adversaire et aussi parce que j'en ai le droit. J'ai appris à boxer avec les épaules, à bumper mes adversaires, à faire des choses que je ne faisais pas jusqu'alors.
Murray, c'est le plus beau combat de ma carrière, car j'ai tout maîtrisé du bout de doigts, tant dans mon déplacement qui n'était pas excessif que dans le choix de mes coups. L'uppercut du droit a été essentiel, il fallait que je l'endorme pour le passer à tous les coups, et c'est ce qui s'est passé. Pendant la préparation, on s'est découvert avec Jean-Marc. Et quand on a annoncé le combat contre Murray, personne n'a cru en moi, on m'avait enterré une nouvelle fois. Au 7e, j'étais tellement bien préparé, quand je reviens m'assoir, j'ai fais une blague à mon entraîneur. Je lui ai dit que je pouvais faire 15 rounds et lui m'a répondu "tu n'en feras que 12 !". Et on s'est mis à rire ! Si j'avais été un puncheur, j'aurais pu descendre Murray ce soir-là.
Est-ce qu'a posteriori, vous regrettez de ne pas avoir rencontré Jean-Marc Toesca plus tôt, au regard des combats contre Quillin et Lemieux ?
Un mix des deux, ç'aurait été très bien. Mais il ne faut pas refaire le passé. À cette époque, je ne savais même pas qu'il existait ! J'ai maintenant une boxe plus complète et efficace, mais je ne regrette pas ce qui s'est passé dans ma carrière.
Vous avez affronté Callum Smith en super-moyens. Il vient de battre Joshua Buatsi en mi-lourds : avez-vous été surpris de sa victoire alors qu'il n'était pas forcément donné gagnant ?
Non, parce que Callum est un frappeur. Je l'ai pris dès le premier round, j'ai compris. L'avantage que j'ai, c'est que, quand je prends un coup sur une partie sensible, je tombe, je ne tiens pas. Sans ça, je n'aurais pas eu une grosse carrière. Je suis guerrier mais si j'avais eu un menton très dur, si j'avais fait le forcing, j'aurais eu des séquelles au cerveau. Les coups, ce n'est pas de la nourriture ! Pour moi, la victoire de Callum relevait de l'évidence. Il est très intelligent. Avant de le boxer, j'avais sparré avec lui quand il devait affronter George Groves. À l'entraînement, Callum est très tactique. Il met une stratégie en place et il ne fait que ce qu'on lui dit de faire. C'est pour ça que je me suis senti trop facile à l'entraînement ! Ce n'était pas ma catégorie mais je me suis dit que je pouvais le boxer. Avec ce que je lui avais fait, je me disais que ce n'était pas possible qu'il soit champion du monde ! Mais il avait son adversaire en ligne de mire et moi, je devais lui poser la difficulté pour qu'il puisse mettre sa stratégie en place contre Groves, ce qu'il a fait à la perfection contre Groves. Et quand il m'a rencontré, il avait sa stratégie contre moi et en trois rounds la messe était dite. Ce n'était pas ma catégorie et en plus, il a du plomb dans les mains !
Votre dernier adversaire en date est Janibek Alimkhanuly (TKO8 en 2021 à Las Vegas) qui affronte le 5 avril Anauel Ngamissengue. Que gardez-vous de votre combat avec lui ?
Quand on m'a contacté, c'était un no-name, un boxeur qui avait besoin de faire sa place et j'étais une sorte de test à passer pour lui afin de voir l'étape supérieure (10-0 en 2021, ndlr). À ce moment-là, j'ai déjà deux récidives avec mon épaule donc je boxe dans la retenue. J'ai découvert un boxeur compliqué à affronter car il est gaucher et car il a une vitesse et une intelligence incroyables. Il pourrait être le prochain Golovkin. Le problème, c'est qu'il n'est pas Américain. Golovkin a été très entouré alors que le promoteur de Janibek n'a pas l'air de le mettre suffisamment en valeur. Il a du talent et il n'a pas battu n'importe qui. Il demande à affronter de grands boxeurs mais on ne le lui accorde pas parce qu'il n'est pas assez bankable. Si je peux donner un conseil à Anauel, c'est de ne jamais reculer. Janibek est très bon et facile quand c'est lui qui engage et qui mène le combat. Dans ces conditions, il est très dangereux. Lorsque je mettais un peu de pression, même si je ne l'ai pas fait beaucoup, il perdait ses moyens parce qu'il ne trouvait pas ses repères. Il faut toujours être vers lui, ne pas le laisser diriger le combat. Anauel pourra s'accrocher travailler en avançant. Il faut lui mettre la pression, lever les bras et l'empêcher de boxer. Sinon, ce sera très difficile de le battre.
Vous avez disputé les JO et la boxe sera bien présente en 2028 à Los Angeles. Ça reste la meilleure porte d'entrée vers le monde professionnel ?
La boxe olympique, c'est l'apprentissage des principes, toucher sans se faire toucher. C'est la boxe intelligence. On voit que tous les boxeurs qui ont été champion olympique avant de passer pro, c'est la classe de la boxe : Floyd Mayweather, Roy Jones, Oleksandr Usyk, Mohammed Ali, Vasyl Lomachenko et plein d'autres encore. Quand on passe professionnel, on présente toujours quelque chose de propre. La boxe, ce n'est pas une bagarre, c'est un noble art.