Plus

Interview Flashscore - Gaëtan Ntambwe : "La boxe m'a rendu calme, elle m'a complètement changé"

Gaëtan Ntambwe en exclu' pour Flashscore.
Gaëtan Ntambwe en exclu' pour Flashscore.Profimedia
Gaëtan Ntambwe a commencé la boxe en cachette à un mois de ses 20 ans et, une décennie plus tard, il peut dresser un premier bilan de sa carrière, marquée par un titre de champion de France des mi-lourds mais aussi la déception de n'avoir pu disputer les JO. Pour Flashscore, le boxeur qui monte en lourd-léger se livre avec honnêteté et évoque les différentes amitiés qu'il a pu nouer grâce au Noble Art.

Flashscore : Vous étiez en mi-lourd mais vous avez décidé de monter en lourds-légers. Pour quelles raisons ?

Gaëtan Ntambwe : Depuis que je suis champion de France mi-lourd, en juin 2024, je n'ai pas boxé et ça devient compliqué. Personne n'est chaud pour m'affronter, même à l'international. Et puis, j'ai eu une grosse blessure, je ne dirai pas où (sourire). Je dois aussi faire de gros régimes car hors compétition, je peux monter à 105kg. Ça avait été le cas au moment où on m'a appelé pour disputer le titre national. Je ne peux plus me permettre de telles pertes de poids, ça me fragilise. Enfin, il y a une question d'opportunités. Quand on m'appelle à l'international, c'est en dernière minute et je suis trop lourd à chaque fois. En montant de catégorie, si ça se présente, je sais que je pourrai faire plus facilement le poids. En France, c'est difficile de monter sa carrière, il faut prendre des risques à l'étranger et à 80kg, ce n'est pas possible. 

Vous êtes devenu champion de France contre Guillaume Haye avec une carte quasi parfaite puisqu'un seul juge sur trois accorde un round à votre adversaire (100-90, 100-90, 99-91) : est-ce que vous nourissez un regret de devoir quitter la catégorie ?

Étant donné que mon poids de forme se situe à 87-88kg, je me sens mieux en mi-lourd qu'en lourd-léger. Mais je faisais des cuttings et les trois derniers ont été horribles, au point que je n'avais plus de force pour arriver au poids. Pour la suite, ça aurait été compliqué. 

Votre seule défaite a été contre Dylan Colin. À l'époque, la décision avait été très commentée. Vous avez regretté de ne pas en avoir assez fait ?

Ce n'est pas que je n'en ai pas assez fait mais, pour moi, je n'ai pas perdu. J'ai revu plusieurs fois le combat et en étant très gentil avec lui, sachant qu'il était détenteur de la ceinture, le maximum que je peux donner c'est cinq rounds chacun mais comme je l'ai fait tomber, j'ai un point de plus. Je me reproche d'avoir eu une attitude comme si c'était moi le champion alors que c'était à moi de le détrôner. Ce qui m'énerve le plus, ce n'est pas la décision mais mon combat. Je sais que je pouvais faire beaucoup mieux. 

G. Ntambwe sur l'orientation de sa carrière
G. Ntambwe sur l'orientation de sa carrièreProfimedia / Stats Perform

C'était une revanche sur vous-même d'avoir remporté le titre par la suite ?

Cette défaite m'a permis de changer beaucoup de choses, d'avancer, d'évoluer, Quand on dit que quand on perd on apprend, c'est réel. Je suis resté longtemps en disant que je m'étais fait voler mais au bout de moment, je me suis dit qu'il fallait que je me remette en question. Si tu te fais voler, c'est que tu as offert l'opportunité. Ça m'a aidé à progresser. 

Vous avez ensuite affronté le Colombien Edwin Riascos, il ressemblait à un personnage de série ! 

Après ma défaite contre Dylan, je n'étais pas bien mentalement et il fallait que je rebondisse très vite. J'ai accepté ce combat alors que je ne devais pas l'affronter au départ. Il vient un peu en dernière minute, il a 13 combats, 13 victoires, 12 KO, champion de Colombie. Mon entourage me l'a déconseillé mais j'avais faim. Même en conférence de presse, on me demandait si j'avais peur mais moi je dis toujours que c'est bien de frapper mais si tu ne touches pas, ça ne sert à rien. En fait, il n'était pas aussi bon, il a truqué le combat, avec beaucoup d'accrochages et il a été disqualifié. 

Vous l'avez quasiment sorti du ring, il a glissé derrière les cordes ! 

(Rires) Ça m'énervait d'être accroché, je l'ai poussé mais je ne pensais pas qu'il irait aussi loin ! Je crois qu'il était surtout fatigué, il s'est laissé aller sans se retenir. 

Ce sont de bons combats, notamment par rapport à la gestion de son sang-froid et de la frustration ?

En pro, ce n'est pas comme en amateur, il y a beaucoup de truquages, de vice et il faut savoir le faire ou le gérer pour affronter un boxeur comme ça. J'ai appris de nouvelles choses. 

Vous avez commencé la boxe après votre majorité, à 19 ans, mais en cachette de vos parents. Vous craigniez leur réaction ?

(Rires) J'ai toujours été un bagarreur, je me battais tout le temps. J'étais attiré par la boxe mais mes parents avaient peur que je m'en serve dans la rue et ils me l'ont interdit. Mon rêve était de devenir footballeur professionnel mais j'ai vite compris que je n'avais pas le niveau, je ne vais pas mentir (sourire). Donc oui, j'ai commencé en cachette et quand je rentrais avec un cocard, mes parents pensaient que je m'étais encore battu dehors. Mais en fait, la boxe m'a rendu calme, elle m'a complètement changé et je n'ai plus eu besoin de me battre. Je suis devenu champion régional et mon oncle est venu tout content à la maison avec le journal local et il a demandé à mon père pourquoi il ne lui avait rien dit !

Après 4 ans de pratique, vous êtes entré en Equipe de France. C'est atypique d'arriver à ce niveau aussi vite et aussi tard à la fois ? 

C'est même moins de 4 ans parce que j'avais 19 ans au départ mais j'étais très proche de fêter mes 20 ans en fait. À 23 ans, j'ai remporté la ceinture Montana contre un Ouzbek qui était numéro 1 en mi-lourd. Mariano González (le coach de l'Equipe de France, ndlr) m'a appelé pour venir en stage. J'ai fait un combat d'entraînement mais une décision à la fin contre un Néerlandais et j'ai gagné. Une semaine après, j'ai affronté Julio César de la Cruz en WSB alors que personne ne voulait le faire et j'ai encore gagné. Tout est parti de là. 

Vous n'avez pas participé aux JO. Ça vous reste en travers de la gorge ou est-ce que vous le considérez comme une étape dans votre cheminement vers la boxe pro ?

C'est ma plus grande déception. Il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées comme si ce n'était pas fait pour moi. Il y avait beaucoup de places au départ et je m'étais dit que si je ne me qualifiais pas, je n'étais pas fait pour ça. Mais entre temps, il y a eu la suspension de l'IBA par le CIO et les championnats d'Europe et du monde n'étaient plus qualificatifs. Il n'y avait plus qu'un seul tournoi et j'ai fait n'importe quoi en perdant comme un gars que j'avais battu une semaine avant. Il me restait encore un tournoi mais il y a eu le Covid, ça a été annulé. Le sort s'est acharné. 

Vous êtes très proche de Mathieu Bauderlique. Il représente quoi dans votre carrière et votre vie ? 

Mathieu m'a appris la boxe. Il a un très haut niveau mais il reste très humble. Je venais de commencer la boxe, je préparais le championnat régional et lui venait d'être sacré champion du monde APB et de décrocher sa qualif' aux JO. Je lui ai envoyé un message sur les réseaux sociaux pour mettre les gants avec lui. Il a accepté et ne pas plus jamais lâché. Il m'a toujours donné des conseils, il m'a entraîné même quand il était en compétition et il m'entraîne toujours. 

Et ce n'est jamais mauvais de s'entraîner contre un gaucher d'un tel niveau !

C'est vraiment chiant un gaucher, mais j'ai pris l'habitude car je ne mettais les gants qu'avec lui. 

Du talent mais pas assez d'argent
Du talent mais pas assez d'argentProfimedia / Stats Perform

Chez les lourds-légers, il y a une grande densité en France avec un champion d'Europe, Leonardo Mosquea, et un champion EBU Silver, Seydi Coupé, qui vient de battre Thomas Faure. Quelles sont vos ambitions ?

Le championnat de France lourd-léger ne m'intéresse pas. Si on me le propose, je le ferai mais ce n'est pas ce que je recherche. Je voudrais faire l'EBU Silver. J'ai préparé Seydi pour son combat contre Thomas. On ne devrait pas s'affronter parce qu'on est de très bons amis, des coéquipiers, on s'entraîne souvent ensemble. J'ai aussi préparé Leonardo pour son championnat d'Europe et s'il faut se rencontrer, on se rencontrera. Je devais affronter Thomas, son entourage avait accepté mais il est finalement monté de catégorie. Je voudrais l'affronter pour pouvoir me classer et ensuite disputer l'EBU Silver. 

Est-ce qu'il faut des combats franco-français pour attirer les diffuseurs ? 

Ce n'est pas forcément ce qu'il y a de mieux. Si on m'appelle pour affronter un lourd-léger français, ça va plus hyper la France que si j'affronte un gros nom international qui n'est pas français. Dans ma carrière, ce qui serait le plus avantageux, c'est boxer un étranger. Mais je ne suis pas réticent pour affronter un Français, au contraire. On se connaît tous, on est quasiment tous passé par l'INSEP. Mon but est d'atteindre le plus haut niveau, pas de rester uniquement en France. 

Il faut prendre des risques et aller à l'étranger pour se faire un nom et avoir de nouvelles opportunités ? 

Plus ça va et plus je me dis que c'est la seule solution. En France, il y a vraiment du talent et j'ai fait beaucoup de stages dans le monde entier en pro comme en amateur. Mais les télés ne suivent pas et malheureusement, si on veut atteindre le haut niveau, la plupart du temps, il faut créer la surprise comme Sofiane Khati ou Bruno Surace. Dans d'autres pays, ce sont les télés qui payent pour que tu organises. En France, il y a Canal+ et RMC mais ce n'est pas avec tous les boxeurs. Il faut une grosse tête d'affiche comme Tony Yoka, Souleymane Cissokho ou Bakary Samaké. Le reste du temps, c'est à toi de payer la production de la diffusion. Il faut trouver de l'argent pour l'organisation et payer les boxeurs et, en plus, tu ajoutes plus de 30.000€ pour espérer diffuser ! 

Et sans argent pour les boxeurs, difficile d'avoir une préparation optimale...

Seydi Coupé est le seul avec qui je mets les gants et vice versa. Il y a du monde mais certains ne veulent pas parce qu'ils sont susceptibles de s'affronter un jour. Je ne suis pas dans cette mentalité là, ça me vient sûrement de l'INSEP où on s'affronte tous et ceux que tu côtoies en stage international, tu les retrouves en tournoi. Quand le staff de Leonardo m'a appelé avant son combat contre Cheavon Clarke que je connais très bien, je leur ai dit que j'étais en mi-lourd et que je n'avais pas la même boxe que Cheavon. Mais personne ne voulait mettre les gants avec lui ! En revanche, Clarke s'est préparé avec des sparrings qui avaient le style de Leonardo, c'était carré. Leonardo a gagné, c'est dire le combat qu'il a réalisé. 

La variété des profils affrontés en boxe olympique favorise-t-elle une meilleure progression chez les pros ? 

Cette expérience-là, tu ne l'auras nulle par ailleurs. Tous les pays ont un style et dans un tournoi d'une semaine, tu peux boxer 4 ou 5 fois et à chaque fois dans un registre différent. Tu peux affronter un boxeur moins fort que toi mais avec un style qui te dérange et il faut t'adapter très vite. Ça te sert énormément en pro. On dit souvent "boxe amateur" mais ça dénigre le niveau. Mes combats les plus durs ont été en boxe olympique. 

Vous avez mis les gants avec Caleb Plant à Las Vegas, vous pouvez nous raconter l'envers du décor de cette rencontre ? 

C'était à la salle Top Rank. J'ai d'abord mis les gants avec un mec de l'Est et j'ai gagné facilement. L'entraîneur de Caleb est venu me voir pour me dire qu'il aimait bien ma boxe et qu'il avait une surprise pour moi. Et la surprise, c'était Plant ! Il m'a demandé si j'étais chaud... Évidemment ! Toute la semaine, il m'a charrié. J'ai signé un contrat avec Caleb pour ne pas en parler mais ça a été parce qu'il voulait que je reste. Mais je suis retourné en France parce qu'il y avait le tournoi de qualification pour les JO de Paris. C'est un regret parce Plant m'a appelé pour préparer son combat contre David Benavidez et un directeur de Top Rank voulait que je reste m'entraîner avec eux. J'ai voulu tenter ma chance pour les JO mais j'aurais dû tenter le coup aux États-Unis. 

C'est la frustration des JO de Tokyo qui a été le plus fort ? 

Au départ, je ne voulais pas y aller mais ils ont fait une liste avec les meilleurs Français et ceux qui finiraient numéros 1 iraient aux qualifs. J'ai pris l'avion mais je n'aurais peut-être pas dû. C'est la vie, c'est du passé. 

On dirait toujours que les Français sont cotés partout sauf chez eux, c'est une remarque constante de la part des boxeurs. 

Je mets les gants très régulièrement avec Joshua Buatsi et Ben Whittaker que je connais depuis l'Équipe de France. On nous appelle partout, les coaches sont contents de nos mises de gant, mais on voit les autres décoller alors que toi, ça ne bouge pas. Quand je suis parti à Vegas avec Victor Yoka, il m'avait prévenu sur le fait qu'on est meilleur techniquement mais qu'on manque d'infrastructures. Je me suis dit qu'il s'enflammait un peu mais j'étais choqué, il avait raison. Mais Victor m'a aussi dit que si on revenait dans deux-trois ans, les mecs que tu as dominé auront plus progressé car tout est carré et fait pour que la carrière progresse. 

Revenons à la mise de gants avec Caleb Plant : vous avez été surpris de signer un contrat ? 

Je ne pensais pas être payé. Normalement, tu es payé mais, à Vegas, tout le monde met les gants ensemble. Donc à la fin, je vais voir sa femme qui avait filmé pour récupérer la vidéo. Je ne voulais pas la publier mais la garder pour moi. Elle m'a dit que ce n'était pas possible, elle a sorti un contrat et l'argent pour me dire que je ne devais pas en parler. 

Vous avez une particularité : vous portez la barbe, y compris en combat. Pendant longtemps, l'usage était de se raser, souvent pour des motifs sanitaires. Depuis environ dix ans, on voit de plus en plus de boxeurs barbus, vous avez eu des contre-indications ou des consignes ? 

Cette règle vient des amateurs alors que c'est autorisé en pro. Chez Tyson Fury et chez d'autres, ça peut venir d'une habitude conservée chez les pros. Buatsi laisse pousser en préparation mais il se rase pour le combat. Les boxeurs ont beaucoup de rituels mais je n'aime pas ne pas avoir de barbe. Il n'y a que les anciens comme mon coach qui disent qu'il faut raser (sourire). Moi, je ne vois pas à quoi ça sert. J'avais demandé en amateur et on m'avais répondu que c'était par rapport aux coupures. Mais on se coupe surtout à l'arcade et on ne rase pas les sourcils. C'est très rare de se couper au niveau de la joue. 

On dit aussi qu'avoir des cheveux trop longs peu influencer les juges quand on prend un coup dont la perception est amplifiée par le mouvement. 

Il y a trois juges, placés à des endroits différents et en fonction de l'angle, tu ne vois pas le même coup. Un juge peut croire que tu l'as pris alors que tu l'as bloqué. 

Vous avez un combat en prévision ?

Je n'ai rien de prévu encore mais je suis en préparation, au cas où on m'appelle en dernière minute. C'est la différence avec les Américains et les Anglais qui savent quand ils vont boxer, quand se reposer, quand se préparer, quand mettre plus d'intensité. Nous les Français devons être à 100% toute l'année. C'est pour ça que j'ai décidé de changer de catégorie, parce que je peux être prêt tout au long de l'année.