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Interview Flashscore - Estelle Mossely : "Tout ce côté négatif ne viendrait-il pas simplement de la fédération ?"

Estelle Mossely
Estelle MosselyAurélien Meunier/Getty Images via AFP
Après une conciliation non concluante avec le CNOSF, la liste d'Estelle Mossely n'a toujours pas le droit de se présenter à la présidence de la Fédération Française de Boxe. Depuis Hambourg où elle participait au congrès de la WBC et à l'occasion duquel elle a rencontré Boris van der Vorst, fondateur du World Boxing, la championne olympique espère désormais que le tribunal administratif de Bobigny lui donnera gain de cause ce jeudi, alors que le scrutin aura lieu le 14 décembre.

Flashscore : Avant toute chose, où en est votre candidature à quelques jours de l'élection et alors que vous avez déposé un référé au tribunal administratif de Bobigny ?

Estelle Mossely : il n'y a pas eu de conciliation avec le CNOSF. À mon grand étonnement, le verdict qui nous a été envoyé n'avait pas la même tendance que l'on avait eu. On a eu une proposition du conciliateur qui avait beaucoup de mal avec une campagne qui se déroulait avec une seule liste. Mais la partie opposée, c'est-à-dire la fédération représentée par son avocat et sa secrétaire générale n'avait pas pouvoir pour accepter cette conciliation qui nous avait été toute de suite acceptée. On est parti chacun de notre côté à attendre l'avis du CNOSF qui a retenu le fait que Mariam Sidibé n'était pas licenciée. 

Une lecture stricto-sensu des statuts a donc été privilégiée ? 

La problématique est qu'on nous dit que Mariam n'était pas licenciée car elle avait un ATP (Autre Type de Participation, ndlr). Or c'est une licence. Avant, la licence volontaire existait mais les statuts ont changé en 2024 et elle a disparu. Un nouveau terme l'a remplacée : l'ATP, qui ne reprend pas la notion de "volontaire". En prenant cette licence, elle s'est un peu faite avoir et, en fait, elle n'a pas souscrit à une licence. Elle a souscrit à un ATP et c'est bien là tout le problème. Si le CNOSF considère qu'elle n'était pas licenciée, nous, nous considérons qu'il y a une escroquerie sur ce qui a été vendu car l'ATP volontaire n'existe pas dans les statuts malheureusement. 

Cela ressemble à un acte manqué de votre part alors que vous étiez dans une position de challengeuse et forcément attendue au tournant ?

Je n'ai aucun regret sur les choix de ma liste. J'aurais pu aller plus dans le détail, à la ligne près, dans le juridique. Mais finalement, c'est juste mettre en lumière quelque chose qui existe au sein de la fédération, un manque de clarté et de lisibilité, sur ce qu'on peut faire ou pas, sur ce à quoi on adhère ou pas, sur les règles qui sont tournées en fonction de ce qui nous arrange ou pas. Ma campagne et ma démarche sont saines, elles sont pour les boxeurs car je suis une boxeuse qui s'est construite grâce à cette discipline vectrice de valeurs. C'est vrai qu'on est passé à côté de ça. J'ai validé la liste car j'avais en face de moi une boxeuse qui avait pratiqué et qui m'avait dit qu'elle avait souscrit à une licence volontaire et que, d'un point de vue juridique, ce n'était ni dans les statuts ni dans les réglements. Je me suis dit que c'était un certain type de licence, une licence de plus. C'est une complication dans le processus mais c'est une manière de révéler les problématiques du système. On parle de choses qui ne sont pas celles qu'on pense, qu'on utilise quand ça arrange, pour semer un peu de confusion.

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On a beaucoup parlé de cette invalidation mais quasiment pas de Mariam Sidibé qui s'est retrouvée au centre.

La moindre chose qu'ils ont pu récupérer, ils s'en sont servis pour retirer ma liste de la campagne, sans même faire attention à la personne à qui ils se sont attaqués. Mariam Sidibé est championne de France et vient d'accoucher il y a une quinzaine de jours. Je l'en félicite car moi qui suis maman de 2 enfants et qui a eu le premier après sa médaille d'or olympique, je me suis sentie un peu seule dans ce système car on voyait ça comme une fin de carrière. C'est ce que je dénonce : on accepte de charger une personne qu'on n'essaie de ne plus considérer comme une pratiquante, comme si elle n'avait rien apporté à cette discipline, tout ça pour invalider une liste car on a un peu trop peur. Moi je n'ai pas peur de tout ce que je dis. Ma campagne est légitime et j'aurais aimé parler d'autres choses. Malheureusement, l'opposition a décidé de nous amener sur un terrain qui n'est absolument pas le reflet de notre sport en France. Rien que pour ça, ce n'est pas plus mal que cela se passe ainsi. Juridiquement, je ne vais rien lâcher, je vais aller au bout et je fais confiance en la justice et aux démarches honnêtes comme la mienne. Dans quelques jours, on aura le dénouement et j'espère qu'il sera positif pour enfin parler de boxe. 

Ne regrettez-vous pas d'avoir pêché par naïveté ? 

Ce n'est pas de la naïveté, car je savais dans quoi je m'engageais. Mais une chose m'a échappé. Je suis allée deux fois à la fédération pour déposer ma liste. J'y suis allée avant la date butoir du 14 novembre pour qu'on puisse la vérifier, au cas où il y aurait un problème et me laisser un délai. C'était le 12 novembre. Je ne s'y suis pas allée plus tôt car j'avais la crainte qu'on la récupère aussitôt car absolument rien ne nous protège contre son dévoilement, comme des scellés par exemple. Je l'ai très vite constaté : ma liste a été divulguée dans L'Equipe quelques heures après. La commission se réunissant le 15, on n'a pas droit à l'erreur et je ne le savais pas avant d'aller déposer ma liste la première fois. Je l'ai donc déposée le 14. Par ailleurs, j'ai mis toutes les ressources que je pouvais à disposition de cette campagne. Il ne s'agit plus de naïveté.

À quelles ressources faites-vous allusion ?

Je me suis déplacée dans les clubs par mes propres moyens, avec une vie de famille, il ne faut pas l'oublier. Lorsque j'ai décidé de mener campagne, j'ai envoyé un courrier à la fédération car je n'y ai peut-être jamais travaillé mais je sais comment se passe la politique. Parfois, c'est le cas dans d'autres fédérations, on reçoit une petite enveloppe pour ceux qui veulent faire campagne. J'en ai donc fait la demande, pour savoir s'il y avait un budget alloué dans le cadre de ma campagne. On m'a répondu que non et je l'ai acté. Pour autant, il y a des outils facilitants pour le candidat sortant qui bénéficie de certaines choses avant les autres. Par exemple, Dominique Nato a eu accès à ma liste. C'est vérifié car il a appelé plusieurs personnes pour savoir pourquoi elles étaient sur ma liste ou pas. C'est donc bien qu'il avait les informations avant les autres. Aujourd'hui, il communique via le site officiel de la FFB, sur des éléments que la Commission de Surveillance des Opérations Électorales (CSOE) a pris en compte dans la validation de sa liste. Il y a trois points dans l'invalidation de ma liste et deux sont hors-sujets, notamment le fait que j'ai eu une société de promotion dont je ne suis plus présidente. La CSOE le sait. Pourtant, je n'étais pas obligée de le faire. Mais comme je veux que ma campagne réussisse, j'ai pris mes précautions. Or la CSOE l'a ajouté dans les motifs d'invalidation et même communiqué autour de ça via la FFB, ce que je trouve incroyable car elle a donné de fausses informations. Et maintenant, la FFB communique sur une seule liste, un seul candidat. La CSOE n'est pas impartiale et je continue à le dire. Le candidat sortant jouit de moyens qui ne sont pas personnels alors que moi, c'est un financement personnel.

Précisément sur le financement de votre campagne, il ne vous aura pas échappé qu'il y a eu de nombreuses rumeurs faisant état d'une aide émanant de l'IBA dont vous êtes l'ambassadrice. Avez-vous craint que ce lien avec le président russe Umar Kremlev fasse peur au CNOSF ? 

Je ne l'ai absolument pas craint mais, oui, j'ai entendu les rumeurs. Est-ce que ce sont des techniques de campagne du camp adverse ? Ce serait incroyable. On sait que j'ai un budget plus élevé que certains athlètes : j'ai des partenaires, des marques qui me suivent, je fais des conférences. Mes ressources ne sont pas uniquement liées à ma pratique et même par rapport à celle-ci, elles sont plus élevées que pour d'autres boxeuses féminines. Pourquoi ? Parce que je suis championne olympique et que ça n'arrive pas par hasard. Dire que j'aurais un financement de la part de l'IBA, c'est un manque de respect profond pour l'athlète que je suis et tout ce que j'ai pu faire. Je le prends comme une attaque personnelle car j'ai apporté beaucoup à cette discipline. Ça a été très compliqué pour moi de revenir après Rio car j'étais dans un système que la fédération ne maîtrisait pas, laissée à mon propre sort. C'était bien car j'ai pu revenir par moi-même et je suis arrivée à le gérer avec ma vie de maman en parallèle. Ce n'est valorisé à aucun moment. Or quand j'essaie de faire autre chose et que je mène un combat différent qui gêne peut-être politiquement des gens déjà en place, j'ai droit à des attaques personnelles. C'est vraiment dommage car on sort du cadre sportif. 

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Vous avez 32 ans, c'est très jeune pour devenir présidente d'une fédération, surtout quand vous cumulez avec une carrière professionnelle. Cette première incursion, même frustrante, est-elle une manière de poser les jalons pour la prochaine mandature ? 

Rien n'est terminé ! On va déjà attendre la réponse du tribunal administratif de Bobigny dans le cadre du référé que j'ai déposé. Mais c'est vrai que c'était une première manière de m'impliquer différemment et ça ne s'arrêtera pas là. Les semaines que j'ai passées à travers toute la France m'ont permis de retrouver des personnes que j'ai croisées sur mon chemin dès le plus jeune âge et d'en connaître de nouvelles. Ça me fait plaisir d'avoir des échanges passionnés autour de la boxe et ça me motive pour m'engager pleinement au sein de ma discipline. C'est clairement le début de quelque chose et ça va rythmer mes prochaines années. 

Vous venez de rencontrer Boris van der Vorst, le président fondateur de la World Boxing qui pourrait sanctionner la boxe olympique dès 2025. Cette entrevue démontre-t-elle que pour lui comme pour le CIO votre candidature a un véritable impact même avec cette invalidation ? 

C'est parce que ce que je dis est une vérité, ce ne sont pas des rumeurs ou des outils pour faire campagne. Une chose indispensable, c'est la pratique même. Vingt ans du plus petit au plus haut niveau, aussi bien chez les olympiques que les professionnels, m'ont permis de faire un réseau médiatico-politico-sportif. C'est une réalité et c'est une des raisons pour lesquelles je suis au congrès WBC. J'ai une influence sur ma discipline. Si l'étiquette de l'IBA me colle, c'est parce qu'après mon titre olympique, j'ai été amenée à intervenir sur des événements de l'IBA et que j'ai continué après Rio à alimenter ce réseau car j'ai toujours eu une envie d'évolution comme boxeuse, promotrice et maintenant au sein des instances. C'est indispensable de le faire, ces connexions sont réelles et si j'aime parler, j'aime agir encore plus. 

Le 14 décembre, il n'y aura pas uniquement le vote pour la présidence de la FFB mais aussi le vote pour rejoindre World Boxing. Ce scrutin simultané semble-t-il idoine ? 

Le moment n'est pas bien choisi. Il n'y a pas urgence de se décider tout de suite. Le CIO a conforté ce que je dis car il a décidé de repousser son choix à mars 2025. C'est ce que j'avais estimé quand j'ai échangé avec Yann Cucherat qui vient de prendre la tête de l'ANS. Cela n'aurait eu aucun impact d'attendre car cela sème le trouble dans la campagne où on ne parle pas de nos programmes. Sur le papier, je ne suis plus candidate mais je continue d'échanger avec les boxeurs et les clubs, je m'efforce de parler du programme. Je ne veux pas lâcher car il y a de plus en plus d'intérêt pour cette campagne, une volonté de leur laisser la parole. On aurait enfin pu être exemplaire avec deux listes et on révèle encore une image négative de la boxe. Est-ce que tout ce côté négatif ne viendrait-il pas simplement de la fédération ? Je commence fortement à y croire.