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Interview Flashscore - Emma Gongora : "Brown a dit que ce serait le combat le plus dur de ma vie : ce sera le plus dur de la sienne"

Emma Gongora
Emma GongoraInstagram Emma Gongora / Flashscore

À la veille de la pesée de son championnat du monde WBC des plumes contre Tiara Brown, Emma Gongora s'est entretenue avec Flashscore pour raconter sa préparation, son arrivée à Houston et ses doutes avant d'obtenir cette chance mondiale.

Flashscore : Vous êtes venue très tôt à Houston pour vous acclimater ? 

J'ai eu le temps de prendre mes marques et de continuer à m'entraîner. L'aspect nutrition m'inquiétait aussi, j'ai voulu que ce soit bien réglé. Je sais où faire mes courses, j'ai ma petite balance, je suis les plans de mon nutritionniste. 

Vous avez fait un sparring ? 

Oui mais c'était pour rester en activité, ce n'était pas dur, avec un gars de la salle où j'allais. C'était un travail très intelligent. 

Milan Prat est basé à Houston : vous l'avez croisé ?

Je suis allée dans son club, on est en contact grâce à Carré Cordé, mon entreprise de matériel de boxe, et quand j'ai su que j'allais boxer à Houston, il m'a proposé de venir dans son club. Il a géré, parce que c'est très agréable d'arriver dans une salle où on sait pourquoi tu es là, comment tu dois t'entraîner. 

Comment vous sentez-vous avant la pesée ? Vous êtes au poids ?

Oui ! Aujourd'hui c'est relax, même si ça va tirer un petit peu parce que c'est long et je me contente d'un litre d'eau alors que j'étais à 6 litres depuis le début de la semaine. Le poids est descendu régulièrement, j'étais tellement focus sur le combat que je ne voulais rien laisser au hasard avec mon nutritionniste. Vendredi, j'ai la pesée à 11 heures puis j'ai deux heures de media avant d'avoir quartier libre jusqu'au combat.

Vous avez eu des pré-pesées ?

Oui et d'ailleurs je crois que la promotion l'avait oublié alors que la WBC demande des pré-pesées 30, 15 et 7 jours avant le combat. Il fallait que je sois en dessous de 130 livres et j'étais largement en dessous. 

Comment s'alimente-t-on après une pesée ? 

Petit à petit, d'abord en buvant des électrolytes, du sodium, des sels minéraux. Ensuite, on prend des féculents, des glucides et trois-quatre heures après la pesée, on peut faire un vrai repas.

Tiara Brown a détrôné Skye Nicolson devant son public en Australie. C'est sa première défense, elle est à domicile : c'est l'exploit ou rien pour la renverser ?

Elle a fait l'exploit, c'est maintenant à moi de le faire. Pour son combat en Australie, la WBC a démontré que les juges étaient objectifs et qu'il était possible de gagner à l'extérieur. J'ai toutes les armes pour gagner. On dit que Brown est une puncheuse mais elle n'a jamais gagné sur un coup. Techniquement, je suis au-dessus et je me construis un coeur depuis des mois. Je n'ai pas attendu ce combat pour être prête. J'étais déjà sur ma lancée quand on m'a appelé. Elle a dit que ce serait le combat le plus dur de ma vie mais en fait, ce sera le plus dur de la sienne. Elle n'a jamais affronté une fille qui sait encaisser pour aller au bout des 10 rounds. Skye, c'est du très haut niveau mais elle n'est pas tanquée pour rendre les coups. Je sais à quoi m'attendre, mais elle, je ne sais pas comment elle me voit. 

Anne-Sophie Mathis a battu Holly Holm aux États-Unis, en arrivant bien avant le combat, elle a gagné et est devenue Hall of Famer. Le chemin est tout tracé !

Ça m'inspire un peu (rires). Vous avez utilisé le terme d'exploit, mais je sens que je suis vraiment à ma place. Je n'ai rien à envier à personne parce que ce championnat du monde, c'est mon niveau et je dois le prouver samedi. J'ai insisté pour venir plus tôt alors que ce n'était prévu et que l'organisation était réticente...alors qu'elle devait me payer les billets d'avion quoi qu'il arrive. Mais s'il faut payer pour venir avant, pas de souci : l'investissement sur soi est à faire maintenant. C'est la plus grande richesse. 

Vous deviez défendre votre ceinture WBA Gold en mai mais la réunion a été annulée. Vous l'avez vécu comment ?

2025 a été compliqué et j'ai failli baisser les bras. J'ai eu mon titre WBA Gold en décembre 2024, je devais la remettre en jeu en mai. Avant ça, je voulais faire un petit combat pour avoir du rythme, je suis partie mettre les gants deux semaines au Canada et je suis partie en Espagne pour préparer Nina Menkes qui est championne du monde IBF. J'ai senti que ça ne se ferait pas et je me suis demandée ce que j'allais faire parce qu'on m'a dit que le combat aurait finalement lieu en septembre. Je me suis demandée si je devais boxer avant cet été et comme rien n'arrivait... J'avais déjà une idée, avec un contact français à Miami pour me trouver un combat histoire de me faire connaître. Je n'étais pas très bien, j'ai reçu cette offre pour le championnat du monde. Improbable !

Vous étiez donc classée WBC ?

Quand j'ai fait ma ceinture WBC francophone en 2023, je suis entrée dans leur top 15. Là, je suis 14e et Brown s'est dit qu'elle allait prendre la petite Française plutôt que la numéro 2. Je suis allée au congrès WBA à Madrid, je suis revenue pleine de désillusion. J'étais numéro 1 de la fédération derrière l'Espagnole Jennifer Miranda, je voulais prendre le micro pour dire à elle et son équipe qu'on devait s'affronter. Ça n'a mené à rien. En fait, Amanda Serrano a décidé après 3 ans d'inactivité chez les plumes, de redescendre d'une catégorie après avoir perdu trois fois contre Katie Taylor... mais en conservant ses ceintures. Ce n'est pas correct d'attendre parce qu'elle a bloqué deux catégories. 

Comment avez-vous fait pour ne pas vous démobiliser physiquement et mentalement, ne pas craquer au niveau du poids ? 

C'est le pire sentiment. Comme je n'ai pas de promoteur, je ne savais pas si j'aurais un nouveau combat. Je me suis dit que ça allait arriver, une sorte de croyance (sourire). Quand j'ai reçu la demande, j'avais dit à mon père qui est aussi mon manager qu'on devait envoyer un message à l'équipe de Brown pour me vendre. Pour ce qui est des entraînements, je me suis conditionnée, je devais le faire, je suis une combattante, je ne me suis pas laissée le choix. Je voulais rester à un haut rythme même sans date. Pour la nourriture, je mangeais équilibré et je pouvais m'accorder un petit craquage sans conséquence. Mais c'est surtout mentalement que c'est dur. Financièrement, je m'en sors grâce à des sponsors qui me sont fidèles depuis de très nombreuses années et avec Carré Cordé. 

Si vous gagnez, vous seriez la seule championne du monde en France, femmes et hommes confondus.

Je sais que c'est pour une ceinture mais j'essaie de ne pas y penser. Je me dis que c'est d'abord un combat et que je dois le gagner, indépendamment du titre en jeu. Il y est mais je ne me le répète parce que ce serait se mettre une pression inutile. C'est d'abord gagner le combat.