Flashscore : Vous n'avez que 33 ans mais on dirait que vous avez toujours été là car vous avez eu de grands résultats très tôt.
Dylan Rocher : J'ai voulu faire comme mes parents et mes grands-parents. J'ai jeté mes premières boules à 5 ans, puis accompagné mon père dans les compétitions. Très vite, j'ai joué chez les seniors, j'ai gagné quelques tournois qui m'ont fait connaître et j'ai intégré toutes les Équipes de France. Le grand boom dans ma carrière, c'est ma première Nationales des Arcs à 10 ans. Et puis il y a aussi eu ma première Marseillaise en 2010. J'étais plus âgé mais médiatiquement ça a compté que j'étais le plus jeune vainqueur de l'épreuve.
À 25 ans, vous étiez déjà une star de la discipline. Votre trajectoire a été exceptionnelle.
C'est clair que quand je regarde en arrière, avec 4 victoires à la Marseillaise, je n'aurais jamais espéré ça. Maintenant, je veux être le plus régulier possible, titiller les records. Je suis fier de ce qui a été accompli et je veux imiter Philippe Quintais, Philippe Suchaud et Henri Lacroix qui durent depuis plus de 30 ans.
Quand vous arrivez en Équipe de France senior, vous avez été impressionné par ces trois légendes ?
Ça c'est fait naturellement parce que mon père avait été champion du monde avec Bruno Le Boursicaud. Mais c'est vrai que ça faisait bizarre parce que je les voyais à la télé, notamment au Trophée Canal+. Il y a une petite appréhension mais j'ai vite été intégré. On a créé des liens forts, avec beaucoup de respect. Je suis ravi d'avoir gagné ça.
Vous jouez régulièrement avec Diego Rizzi, champion du monde en 2024 à Dijon avec l'Italie. On voit que la pétanque s'internationalise et que le niveau augmente d'année en année.
Aujourd'hui, il n'y a plus de petits pays. Aux Mondiaux à Dijon, on a vu que la Chine a fait de très gros progrès alors qu'il y a quelques années, la France n'était pas inquiétée. Il n'y avait pas de science du jeu dans beaucoup de pays mais ils se sont entraînés, ils ont pris des coaches français. Aux championnats du monde ou au championnat d'Europe, rien n'est facile. L'Italie est devenue très difficile à battre, elle a acquis beaucoup de confiance. Dans le futur, ce sera dur pour la France de régner comme elle l'a fait par le passé.
La pétanque, c'est un sport né à La Ciotat pratiqué partout dans le monde mais qui a manqué le coche pour les JO à Paris. C'est un acte manqué ?
On pensait être choisi parce la pétanque c'est français et populaire mais le dossier a été mal défendu. Je crois qu'on a laissé passer notre chance, sauf si les JO sont organisés dans un pays asiatique. Honnêtement, je n'ai pas de grandes espérances.
Ce dimanche débute le Mondial à pétanque la Marseillaise, le plus grand tournoi au monde et une institution. Et c'est la seule épreuve où une triplette qui n'a jamais joué de sa vie peut vous affronter !
C'est là tout le charme de la Marseillaise. Même si vous n'êtes pas licencié, vous pouvez jouer contre le champion du monde. Cette année, il y aura encore plus de 4700 équipes. C'est comme la Coupe de France de football. C'est un des jeux les plus populaires dans le monde, tout le monde a une paire de boules dans le coffre. Tout le monde a essayé, ça ne demande pas d'installation, on peut jouer partout. La Marseillaise, c'est spécial, avec le public partout dans les allées du Parc Borély. J'ai envie de dire que c'est à l'ancienne, à la Pagnol dans un sens.
Comment se forme une triplette ? Les équipes évoluent très régulièrement, on peut s'y perdre.
On a plus d'affinités avec certains dans le jeu ou en dehors mais, en général, il y a le club avec un contrat et c'est lui qui établit combien on doit faire de compétitions dans l'année. À côté de ça, il y a la fédération qui nous envoie dans certaines compétitions avec l'Équipe de France. En dehors de ça, on joue avec qui on veut. Ça dépend des affinités et c'est souvent avec ce feeling qu'on fait les meilleures équipes. J'ai toujours choisi en fonction du poste mais je joue souvent avec des équipes équilibrées et avec des copains.
En 2014, vous aviez été au coeur d'un imbroglio lié à un aspect totalement hors du terrain.
Pendant 3 ou 4 ans, je n'ai pas pu disputer la Marseillaise pour une histoire de sponsors. Le mien m'a demandé de ne pas jouer. C'est dommage car j'avais fait le doublé 2012-2013 et on n'a pas pu faire le triplé. Avec le recul, ce n'est pas normal que des sponsors se mettent en travers des joueurs.
Vous êtes une légende vivante du tir, comment atteignez-vous de tels pourcentages de réussite ?
C'est instinctif, pas besoin de me concentrer, je rentre dans le cercle, je tire. Il faut être bien dans la tête, solide mentalement. C'est beaucoup de compétitions et de travail pour que ça devienne naturel.
Vous vivez de la pétanque, votre épouse est-elle même joueuse. Est-ce que vous en avez parfois assez des boules ?
Lucie a disputé quelques championnats de France, on s'est qualifié pour le tournoi mixte. Elle rejoue depuis 3-4 ans, on partage la même passion. C'est que parfois, je sature. La pétanque pour moi, c'est toute l'année, tous les weekends. J'ai aussi des séminaires en semaine. Ça fait 80.000 km de déplacement chaque année. Je fais des initiations, des démonstrations, des petits concours. Je vais aussi en école de pétanque. Il y a de la demande. Ça a bien pris et je gagne mieux ma vie grâce à tout ça.
Avec qui allez-vous jouer cette année à la Marseillaise ?
Avec Stéphane Robineau et Mickaël Bonetto. On a une belle équipe. J'aurais pu jouer avec Diego Rizzi mais il n'a pas pu être là. Mon équipementier Eldera m'a proposé de jouer avec Mickaël et c'est vrai qu'elle est pas mal cette équipe !
Lors des dernières éditions, on a vu l'éclosion de Joseph "Tyson" Molina, lui aussi tireur d'élite. Comment voyez-vous la suite pour lui ?
Tyson est issu d'une famille de pétanqueurs, je connais bien sa famille. Quand je jouais avec Antoine Dubois, il me tenait la main quand on disputait la Marseillaise. Il a un peu la même trajectoire que moi, champion de France sénior de bonne heure, il a déjà deux Marseillaises, il est très bon et très régulier depuis plusieurs années. Il est très fort.
Médiatiquement, la pétanque innove mais il reste toujours cette image de loisir de joueurs bedonnants et amateurs de boissons anisées.
On a encore du mal à gommer cette image vieillissante, avec le pastis. Mais je vois l'évolution, notamment avec la chaîne L'Equipe, les réseaux sociaux depuis le Covid .Il y a des web TV sur YouTube, ça marche bien. L'image change, on est reconnu comme un vrai sport, pas uniquement comme un loisir. À titre personnel, je suis régulièrement reconnu en dehors des terrains, j'ai beaucoup de sollicitations, j'ai fait C à vous, les 12 coups de midi, j'ai aussi sorti un livre. Il y a un bel engouement, ça avance bien. Mais en ce qui concerne les compétitions, il faudrait des catégories, avec des montées et des descentes, des tournois bien organisés, avec des prize money, de belles tribunes, la télévision. C'est ce qui nous manque.