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Interview Flashscore - Daniel Blenda dos Santos : " Aller au charbon pour défendre ma ceinture européenne"

Daniel Blenda dos Santos affrontera Shakan Pitters le 7 février
Daniel Blenda dos Santos affrontera Shakan Pitters le 7 févrierProfimedia
Le 7 février à Sheffield, Daniel Blenda dos Santos défendra son titre européen des mi-lourds contre Shakan Pitters. De retour de Londres pour promouvoir le combat, le colosse a évoqué pour Flashscore sa carrière qui monte en flèche depuis plusieurs années, et sa volonté de retrouver Joshua Buatsi, le seul adversaire à l'avoir battu devenu depuis champion du monde WBO par interim.

Flashscore : vous revenez d'un media day à Londres, comment cela s'est-il passé ? 

Daniel Blenda dos Santos : franchement, c'était nickel. C'est un petit peu de promo, rien de spécial mais la qualité est bonne. C'est un pays de la boxe, ils aiment ça, c'est dans leurs gênes. Les Anglais aiment tous les sports mais au niveau de la boxe, ils sont aux petits soins. On sent qu'on est respecté, comme un sportif de haut niveau. Pour eux, ça a de la valeur d'avoir quelqu'un qui vient pour proposer un bon show, encore plus quand tu as des titres. Il y a un vrai fossé avec la France. 

Vous étiez accompagné d'Yvan Mendy qui est dans le même club que vous, à Pont-Sainte-Maxence ?

Oui et il sera dans mon coin pour le combat. Ça a déjà été le cas mais là, c'est pour une grosse échéance. Alors on est parti ensemble. Il sait exactement ce que c'est, l'importance que ça a. Il a boxé plusieurs fois en Angleterre et pas n'importe où : Wembley, Tottenham, O2 Arena. Il connaît ces soirées-là, c'est une force. 

Vous avez eu une vie labyrinthique et votre carrière a débuté tard. Comment décrivez-vous votre parcours pugilistique ?

Au départ, ça a été galère et j'ai mis du temps car je n'étais jamais bien classé. Mais quand j'ai eu une opportunité, j'ai su la saisir. J'ai été champion de France, j'ai enchaîné avec la ceinture Union Européenne en Allemagne puis avec la ceinture EBU de champion d'Europe. Et maintenant je vais la défendre. Ça s'est accéléré. On y arrive quand même (sourire). 

Vous êtes licencié à Pont-Sainte-Maxence qui organise de nombreux galas : c'est un avantage de s'entraîner et de boxer au même endroit ? 

La ville est petite mais le club a du poids au niveau national et international. C'est une chance pour moi d'être arrivé ici, car il y avait déjà beaucoup de champions. Je me suis imprégné de leur expérience pour ma carrière. 

Champion de France à domicile en dominant de bout en bout : ça vous a transformé mentalement ? 

Pour tout boxeur, être champion de France est une étape importante. Je l'attendais depuis longtemps. C'était le bon moment, et à la maison en plus. D'abord, tu te dis que tu veux garder la ceinture mais tu rêves aussi de la suite. C'était mon cas. Je devais défendre mon titre mais mon adversaire s'est blessé et, juste après, on m'a proposé de disputer la ceinture Union Européenne. 

Vous êtes allé à Chemnitz pour affronter Tom Dzemski et même s'il y a une carte "maison" (114-114), deux juges vous mettent nettement vainqueur (117-111), vous avez largement dominé. 

Mon adversaire était vraiment bon, il était champion d'Allemagne, bon défensivement. Il boxait devant son public et l'ambiance était contre moi. J'ai su puiser en moi pour faire le combat qu'il fallait. Je me suis dit que même si on me volait, je savais que j'avais le combat. J'en étais sûr. Même à l'étranger, quand tu fais le boulot, ça paye. 

Vous allez défendre votre titre européen en Angleterre, une nouvelle fois en territoire ennemi !

C'est clair ! On sait comme est le public anglais, il aime vraiment la boxe et ses boxeurs. Mais une fois qu'on est dans le ring, l'objectif est de gagner. À la fin, le public sera avec moi parce que je serai le vainqueur.

Vous avez été très convaincant pour devenir champion d'Europe contre Thomas Faure, un boxeur réputé. Cela vous a démontré quoi quant à votre progression ?

C'est une concrétisation parce que pour tout boxeur français, le titre européen représente une très grande étape d'une carrière. Il y a très peu de champions de monde alors quand tu dis que tu es champion d'Europe, ça signifie que tu as été au bout de toi-même. Thomas Faure est un boxeur que je respecte énormément. On se connaît un peu tous, on sait qui vaut quoi, on a déjà mis les gants ensemble. Je savais à quoi m'attendre et c'était un bon combat pour le public. 

Yvan Mendy nous confiait que, pour le grand public, champion d'Europe est un titre immédiatement évocateur, bien plus qu'une WBC Silver, qui est très prestigieuse mais appréciable principalement par des spécialistes. Vous le vérifiez également ?

Oui, ça marque tout de suite. Il y a beaucoup de titres qui te permettent d'avancer dans les classements, de faire des combats importants. Mais sur le palmarès, tu ne diras pas que tu as été champion "WBC-quelque chose". Tu diras "j'ai été champion d'Europe". Ça reste gravé dans les mémoires. 

Le manque de médiatisation de la boxe professionnelle laisse l'impression que le domaine est en jachère en France alors que, dans les classements, on voit qu'il y a un très haut niveau. Pourquoi manque-t-il la diffusion ?

On est un petit peu délaissé mais c'est dans notre mentalité. En France, on est fan de football, de rugby, voire de basket. C'est malheureux mais on se fait un nom à l'étranger. Notre niveau de performance nous permet d'aller voir plus haut. 

Votre adversaire, Shakan Pitters (19-2-0), est déclaré inactif par Boxrec. Depuis sa défaite contre Dan Azeez en septembre 2022, il n'a affronté que deux journeymen en 2023. Comment le jauger ?

Il arrivera prêt car c'est une grosse opportunité pour lui. Au niveau français, quand tu es champion d'Europe, tu dois prouver un peu plus et avoir un peu de chance pour aller voir au niveau mondial. Or les Anglais, quand ils sont champions d'Europe, ils basculent tout de suite vers le niveau mondial. Il voudra saisir l'occasion mais je vais le barrer pour repartir avec la ceinture en France. Je pense qu'il a ce qu'il faut pour s'entraîner car il y a plus de moyens en Angleterre. 

Vous avez dit que vous vous sentiez challenger et que vous repartirez en champion ?

L'organisation fera en sorte de parler davantage de Pitters que de moi car c'est le local. C'est aussi pour vendre plus de tickets ou pour amadouer les juges. Mais tout ça disparaît quand tu es dans le ring. Je vais arriver en mode challenger pour être mentalement à fond et repartir comme je suis arrivé, avec la ceinture. 

Comment allez-vous vous préparer contre un adversaire très grand (1.98m) ? 

Je me déplace beaucoup car je suis le plus lourd du club, donc je vais faire pareil. On va tourner avec des lourds-légers pour gérer la distance. Il est grand mais il n'a jamais eu non plus un boxeur aussi grand que moi. Ça va être un beau combat, même si ça ne sera pas avec des directs du bras avant. Il faudra aller au charbon pour défendre ma ceinture européenne mais si lui veut la prendre, ce ne sera pas avec quelques directs. Ce sera un combat engagé et le public va y gagner. 

Comment caractérisez-vous votre style de boxe ? 

Je suis grand pour la catégorie, même si je tombe contre un adversaire qui est pour une fois plus grand que moi. Je sais boxer en reculant, à distance mais quand il faut aller chercher, comme en Allemagne ou contre Faure, je sais le faire. Je sais varier ma boxe, mon style est adaptable à certains types de boxe. 

Vous allez devoir casser la distance, c'est nouveau dans un combat ?

Oui et non car le combat contre Dzemski, c'est moi qui fais le pressing et c'est pour ça que je remporte beaucoup de rounds. Cela dit, je ne vais pas faire tout le temps le pressing et lui courir après, ce n'est pas le but. Quand je pourrai contrôler je le ferai. Ce n'est pas un calcul à faire d'entrée parce que lui aussi peut s'adapter. Il s'agit de jouer plusieurs cartes, bluffer un peu et savoir tourner le combat dans le bon sens. 

Vous avez eu une première expérience délicate en Angleterre, contre Joshua Buatsi (défaite par KO au 4e round). Cela vous a servi dans la suite de votre carrière, sans même parler de votre combat à Sheffield ? 

Ça m'a ouvert les yeux parce que j'étais insouciant à l'époque. J'avais un peu moins de 5 ans chez les professionnels et c'était assez compliqué car je n'avais fait de combat de cette importance, contre un médaillé olympique. Il avait une grosse équipe derrière lui, avec de gros enjeux car il était considéré comme le futur. Cela s'est vérifié car il est désormais champion du monde WBO par intérim. J'ai su rebondir très vite car un mois après, j'ai reboxé, je gagne la Coupe de France, j'enchaîne avec le championnat de France avec un combat entre les deux, puis Union Européenne et championnat d'Europe. Peu de monde peut le faire. Cette expérience, je vais l'utiliser pour repartir d'Angleterre cette fois avec la victoire. 

Sofiane Khati va également boxer en Angleterre le même samedi que vous, lors de la réunion de Derek Chisora. On a l'impression que les Français sont mieux valorisés à l'étranger ?

C'est malheureux mais c'est ça. On a plus d'exposition à l'extérieur alors que chez nous, c'est vraiment compliqué. On n'a pas l'habitude de soutenir les sports de combat en France car c'est toujours un peu mal vu. 

Pour vous c'est d'autant plus frustrant que la catégorie des mi-lourds est colossale. Avec une défense victorieuse, vous allez monter dans les classements mondiaux, avec de beaux combats à venir ?

Je suis 16e à la WBC et 51e pour Boxrec. Entre les combats contre Dzemski et Faure, je suis un peu retombé, j'ai été mis un peu côté mais avec une défense européenne, je peux faire un bond. Ma catégorie, c'est un truc de malade ! Il y a la revanche entre Arthur Beterbiev et Dmitri Bivol, Buatsi contre Callum Smith dans la même carte. 

Une revanche contre Buatsi, c'est l'objectif affiché ?

Si je gagne avec la manière avec une super performance, en Angleterre, contre un Anglais, je pourrai légitimement le demander. Je serai dans mon droit. C'est le seul qui m'a battu, il est champion du monde intérim, il a fait de super grosses soirées, il défend son titre contre Smith, un monstre, mais j'espère que Buatsi va le battre. C'est mon but, en ayant du temps pour me préparer, pas en étant appelé la semaine d'avant, avec de bonnes mises de gants avec des sparrings. Je veux prouver que nous aussi on peut le faire. 

Camille Estephan nous a confié que le combat Christian Mbilli-Kevin Sadjo pourrait avoir lieu à Bercy. Pensez-vous que cela pourrait relancer les grandes soirées boxe d'antan et faire rejaillir la lumière sur les boxeurs français ? 

Je suis honnête et sûrement un peu pessimiste et, à long terme, je n'y crois pas. Sur le coup oui, mais ça s'éteindra ensuite. Ça a toujours été comme ça. Il y a eu la vague des Jeux olympiques en 2016, et on ne pouvait pas faire mieux que cette vague-là : les télés étaient à fond sur la boxe mais ça a rechuté. Dès qu'il y a eu un petit pic, comme avec Brahim Asloum en 2000, puis en 2016, il y a toujours eu une chute. Que cette soirée propose une grande carte avec de super souvenirs, c'est sûr. Mais retrouver les grandes soirées, je n'y crois pas.