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Interview Flashscore - Christian Mbilli : "Je veux envoyer un message directement à Canelo"

Christian Mbilli
Christian Mbilli AFP / Flashscore
Le 27 juin prochain au Centre Videotron de Québec, Christian Mbilli affrontera Maciej Sulecki pour renforcer son classement au sein de la WBC. Classé numéro 1 de la prestigieuse fédération, "Solide" attend toujours le grand combat qui le rendra incontournable, notamment pour Canelo Álvarez. Pour Flashscore, le Français installé à Montréal explique sa situation, les raisons de l'annulation du combat contre Kevin Sadjo et dit tout le bien qu'il pense de Moreno Fendero, son coéquipier dans le gym de Marc Ramsay.

Flashscore : Vous allez affronter le Polonais Maciej Sulecki (33-3-0), détenteur de la ceinture WBC Silver des super-moyens. Êtes-vous déçu de devoir encore patienter pour une chance mondiale ?

Christian Mbilli : C'est sûr. Sulecki est 6e WBC, il est bien classé et je ne le néglige pas. Mais nous étions dans une perspective d'affronter un gros nom, un Diego Pacheco ou un Jaime Munguía. Les choses de la boxe sont compliquées et je suis content que mon équipe ait pu trouver un accord pour ce combat. On n'avait plus trop de choix au niveau des noms et c'est quasiment le seul qui a accepté. 

Sulecki un boxeur référencé, qui est allé à la décision contre Daniel Jacobs et Demetrius Andrade, qui a battu Gabriel Rosado et qui a pris un KO de Diego Pacheco. Ce n'est pas rien en termes d'expérience.

Oui, il a un gros background mais niveau popularité, actuellement, ce n'est plus trop ça. C'est un adversaire que je ne sous-estime pas du tout, il reste dangereux, il faut que je méfie et le combat n'est pas gagné d'avance. 

Votre dernier fight était face à Sergiy Derevyanchenko, un gatekeeper de qualité. Vous avez gagné avec la manière : c'était attendu et rassurant car on vous voyait déjà plus haut ?

Exact. On est sur une bonne trajectoire même si tout ne se passe pas comme prévu. Mon équipe fait un travail remarquable malgré les difficultés avec les fédérations, les adversaires, les diffuseurs. Elle est toujours là pour trouver des combats qui me permettent de garder ma place de numéro 2 mondial et d'aller me positionner pour être challenger obligatoire pour Canelo

En France, on attendait avec impatience votre combat contre Kevin Sadjo. Cela n'a pas pu se faire, on imagine votre déception au travers de la notre. 

Cela aurait été un combat en France... si on avait eu les moyens en France. On s'en très vite rendu compte pendant les négociations avec son équipe. Malheureusement, ce n'était pas possible, vu les bourses qu'on devait toucher. Normalement, le diffuseur paye les bourses des deux boxeurs et il fallait en trouver qui avait ce budget à mettre en place. Ensuite, le promoteur de Kevin a voulu faire un coup de casino en cherchant à surenchérir pendant les enchères, en espérant pouvoir faire plus de revenus pour nous payer. Évidemment, on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas les moyens et on a demandé des garanties qu'on n'a pas pu avoir de la part de son promoteur.. Alors on s'est retiré. On fait de la boxe professionnelle, pas de la boxe amateur. Je peux comprendre qu'il y ait un aspect associatif mais un camp d'entraînement coûte de l'argent. Il y a les sparring partners qui viennent, on leur paye le voyage, la semaine d'entraînement, le logement. Faire une demi-finale mondiale sans avoir assez d'argent pour payer les boxeurs, c'est un scandale. 

La stratégie de l'évitement pour Canelo ?
La stratégie de l'évitement pour Canelo ?Sebastien SALOM-GOMIS / AFP / Stats Perform

Concernant Canelo, son combat face à William Scull a déçu les fans qui grincent des dents et disent qu'il a peur de vous affronter. Vous avez cette sensation ?

Honnêtement, je ne dirais pas qu'il a peur. On est passé à ça d'avoir Canelo. Il avait deux choix : soit moi, soit Scull. Comme il a un gros combat avec Terence Crawford en septembre prochain, c'était prévisible qu'il privilégierait Scull qui a une vingtaine de combats avec à peine 9 KO, au point qu'on se demande s'il peut casser un adversaire avec un coup de poing. Canelo n'allait pas prendre le risque d'un combat qui lui causerait plus de difficultés physiques qu'autre chose. Est-ce que je lui en veux ? Non, parce que tout le monde aurait fait la même chose (sourire). Il lui fallait un combat d'échauffement, sans dommage ni risque de blessure. Avec Scull, nous avons deux styles opposés. Moi, je vais à la bagarre, pour casser la gueule. Lui, c'est un Cubain : "je touche, je fuis et je gagne aux points". 

Alors que vous êtes en salle d'attente, Sulecki a déjà affronté de grands noms et on arrive à se demander s'il ne faut pas être moins bien classé pour avoir une chance mondiale !

C'est le côté paradoxal de la boxe. Quand tu arrives dans le Top 5-Top 3, il y a beaucoup d'argent en jeu, surtout avec Canelo où tu peux toucher le jackpot. Tout les boxeurs ont les yeux rivés sur Canelo. Malheureusement en boxe, la défaite n'est pas permise car elle peut signifier 2 ou 3 ans d'années perdues car tu dégringoles au classement et il faut tout remonter, quasiment de zéro. C'est un peu ça le problème de la boxe. Arrivé à un certain niveau, ça s'évite. On essaye de voir le risque, le rendement. Par exemple, si Pacheco se dit : "Mbilli veut m'affronter pour 400-450.000$, d'accord mais si je perds... Alors que Canelo me rapportera 10M$, même si je perds alors j'évite Mbilli". C'est ce qui se passe dans la catégorie, en plus des problèmes entre promoteurs et diffuseurs. 

Vous avez boxé 3 fois en 2024, c'est assez rare à votre niveau. A priori, il n'y aura que 2 combats cette année ?

Deux combats maximum mais ça dépendra. Si je fais un combat de quelques minutes, j'en ferai peut-être un de plus mais je ne dépasserai pas les 3 combats par année. 

C'est un rythme important car de nombreux boxeurs classés haut se limitent.  

Je suis très chanceux, mon équipe me maintient actif, ce qui fait que je suis très bien classé. 

Vous vous entraînez avec Moreno Fendero à Montréal et en parlant avec lui, on s'est rendu compte de la quantité de coaches que vous avez à disposition à Montréal.

On en a 5 entraîneurs de boxe en moyenne. Il y a une section pro et une section amateur et parfois les coaches amateurs viennent avec les pros pendant les camps. On a une grosse structure avec un préparateur, un kiné, un médecin. On est très chanceux d'avoir tout ça au Canada. Moreno progresse bien, il est très dangereux. Je pense qu'il a un avenir incroyable. Je fais la préparation physique avec lui, on boxe ensemble. Je vois l'évolution et il va choquer le monde à court et moyen termes. Il a vraiment un physique hors-normes, des capacités athlétiques incroyables, une boxe magnifique. En plus, c'est gaucher, évidemment casse-pieds (rires). Moreno va faire parler de lui, il a un avenir brillant devant lui. 

Baptiste Cheval nous a confié qu'encore plus que son punch, c'est son coup d'oeil qui est démentiel. 

Bon coup d'oeil, gros punch, bon jeu de jambes, physiquement monstrueux : Moreno est complet. Au début, il était un peu limite sur tout ce qui est endurance et conditionnement physique mais avec la préparation mise en place actuellement, si ça continue, je vais bientôt prendre ma retraite (rires). 

L'actualité de la Team Solide est chargée entre la victoire de Souleymane Cissokho la semaine dernière et le retour de Tony samedi. Vous avez le temps de suivre leurs combats ?

Je ne vais pas vous mentir, je suis ça de très loin, avec le décalage horaire. Mais il y a les réseaux sociaux et je leur envoie des messages pour les féliciter ou les encourager. J'ai vu que Souleymane a remporté un très gros combat, je suis ravi de voir l'évolution de sa carrière car il a eu des blessures. Quand je rentre en France, je vois un ou deux boxeurs quand j'en ai l'occasion. 

Christian Mbilli valorise le spectacle
Christian Mbilli valorise le spectacleMathieu Belanger / Getty Images / AFP / Stats Perform

Vous partagez à présent votre temps entre Montréal et Dubai. Votre promoteur Camille Estephan nous a dit que vous tombiez souvent malade et que le froid coupait vos camps d'entraînement. 

L'hiver à Montréal, avec -15 ou -20... Heureusement qu'on a pu en parler avec mon équipe et qu'on fait des camps à l'extérieur. En ce moment, il fait 25 degrés, je suis très en forme, je pète les scores, je suis à 100%. Mais en hiver, j'ai l'impression de perdre 50% de mon énergie. Je peux encore me permettre de me balader dans certains pays, j'ai des amis à Dubai mais peut-être que j'irai dans un autre pays dans quelques années. En tous cas, je fais tous mes camps d'entraînement à Montréal en dehors de la période hivernale. 

Il paraît que, quand on vient au Canada, on ne veut plus en partir. C'est vrai ?

Oui, c'est un très beau pays, surtout au Québec, une très belle province avec des gens très gentils. J'ai beaucoup vécu à Paris, parce que j'étais à l'INSEP, et c'est une société à l'opposé. Ici, les gens sont accueillants, très souriants. Je m'y plais énormément. 

Revenons à votre prochain combat : le KO est bankable donc on imagine que c'est votre plan initial de finir avant la limite ?

J'essaie de ne pas trop me mettre cette idée dans la tête parce que l'important est d'abord de gagner de la manière la plus spectaculaire possible. Je veux envoyer un message à la catégorie et même directement à Canelo pour lui dire que je suis derrière lui et que je veux ma chance mondiale. Je veux confirmer ma place de numéro 2 mondial et qu'un grand combat ait lieu le plus vite possible. 

Marc Ramsay travaille souvent avec d'énormes puncheurs et on voit que la perspective d'aller à la décision ne fait pas partie du vocabulaire. Des boxeurs hésitent par crainte de ne pas y arriver et de le payer par la suite. 

C'est une mentalité qu'on retrouve en France et ça joue contre les boxeurs. On te fait penser que si tu ne termines pas avant la limite, il va te manquer des rounds. Non, non, non ! Je dis toujours : moins de temps tu passes de temps dans le ring, plus tu auras une grosse carrière. Si tu fais une guerre de 12 rounds à chaque combat, en plus de la préparation usante, s'il y a moyen d'abréger, il faut le faire. On n'est pas payé à l'heure et plus tu abrèges, plus tu te sens bien physiquement, plus tu as d'énergie et moins tu useras ton corps pour la suite. En France, c'est très différent du reste du monde : c'est le travail, faire des rounds, toucher sans se faire toucher. Non ! C'est fracasser l'autre ! C'est impossible de faire de la boxe sans se faire toucher. C'est bien d'avoir une bonne défense mais l'objectif, c'est de fracasser l'autre. Il ne faut pas oublier qu'on fait un sport de combat et qu'on offre un spectacle au public. C'est pour ça que le MMA a plus la cote que la boxe en ce moment.