Flashscore : Vous nous aviez parlé il y a trois mois avant votre combat contre Maciej Sulecki. Vous vouliez marquer les esprits et vous l'avez fait avec la manière et ce KO dès la 1ʳᵉ reprise pour remporter la ceinture WBC Interim. Comment s'est passée la suite ?
Christian Mbilli : Ça a été, j'ai essayé de me reposer, j'ai pris quelques vacances même si ça n'a pas été long. Je suis de retour au travail, en camp d'entraînement.
Vous nous aviez dit que vous ne vous focalisiez pas à tout prix sur un KO mais vous avez vite trouvé la solution.
Ça a été très rapide, ça fait partie de la boxe. Parfois, on met en place une stratégie qui marche mieux que prévu et je suis très content de ça.
Vous vouliez envoyer un message à Canelo Álvarez, c'est réussi puisque vous êtes en co-main event de son combat contre Terence Crawford. Il ne pourra pas ne pas vous voir.
Exactement et je veux encore lui envoyer le message le plus explosif qui soit et lui montrer que je suis prêt pour lui.
Crawford monte de deux catégories pour ce combat. Ce sera dur pour lui mais admettons qu'il batte Canelo. Cela changerait-il quelque chose pour vous dans un futur proche ?
Je ne saurais pas dire et je n'y pense pas beaucoup. Je me concentre sur mes affaires, avec un adversaire solide qui m'attend le 13 septembre. Je pense que Canelo est favori mais on verra ce qui se passera. En attendant, mon objectif est de battre Lester Martínez et ce qui m'intéresse ensuite, c'est d'avoir ma chance pour devenir champion du monde régulier.

Pierre-Hubert Dibombé devait affronter Lester Martínez mais le combat a été annulé car le Guatémaltèque souffrirait de migraines, et ce n'est pas la première qu'il y a ce diagnostic le concernant. Avez-vous été surpris de devoir l'affronter ?
C'est très étonnant. D'une part, je suis très déçu pour Pierre. Mais pour être honnête, on s'y attendait. Après mon combat contre Sulecki, on a dit non à ce combat. J'ai eu quasiment 5 à 6 mois de camp d'entraînement car je devais affronter Jaime Munguía puis Kevin Lele Sadjo puis Diego Pacheco. Cela a été solide mais très difficile pour le corps. Quelques semaines avant mon combat, son Excellence Turki Alalshikh a commencé à clamer que j'allais boxer sur la carte du 13 septembre, sans même consulter mon équipe. Après Sulecki, on s'est dit qu'il fallait que je me repose, j'avais eu quelques bobos, ce qui était inévitable. Mais l'Arabie Saoudite est revenue à la charge avec une bonne proposition, en nous disant que c'était l'opportunité de notre vie. C'est vrai. On s'est dit qu'on ne pouvait pas renoncer à ce combat, c'est une occasion incroyable, avec Netflix, avec 70 000 personnes dans la salle à Las Vegas. Et on s'est aperçu que Martínez avait déjà quasiment signé le contrat. C'est là qu'on a tilté : le combat avec Pierre allait sauter. Je ne sais pas si ce sont de bonnes ou de mauvaises raisons mais on avait déjà plus ou moins le sentiment qu'il ne risquerait pas tout juste avant. Malheureusement pour Pierre, c'est ce qui s'est passé.
Pierre-Hubert est déjà venu au Canada pour croiser avec vous. Est-ce qu'il a fait partie de votre camp ?
Non, il n'est pas venu et je le comprends tout à fait.
Quasiment 6 mois de camp d'entraînement : on évoque la difficulté physique mais la charge mentale doit peser énormément également ?
C'est difficile pour le corps et l'esprit. Moi, je suis très chanceux d'avoir une telle équipe autour de moi pour l'entraînement et la promotion qui sait faire la part des choses pour donner le maximum. Ces 6 derniers mois ont été difficiles mais notre patience a été récompensée par un titre de champion intérimaire et ce gros show organisé à Las Vegas.
Sans sous-estimer Martínez, est-ce qu'il y a une part de frustration d'affronter un boxeur hors du Top 20 mondial selon Boxrec ?
Non, non, non, non ! Il ne faut pas s'y tromper. Si vous avez déjà vu les combats de Martínez, c'est un boxeur très dangereux et peu de monde se rend compte de ça. Nous oui car on est en plein dans l'analyse de ses combats. Il ne faut pas faire cette erreur. Il sera là pour se bagarrer. On analyse ses points forts et ses points faibles, on a regardé son palmarès amateur et professionnel et il fait partie des boxeurs de la catégorie les plus redoutés du moment. Nous, nous étions dans l'optique d'aller chercher de gros noms comme Edgar Berlanga, Diego Pacheco ou Jaime Munguía. Mais ceux qui suivent la boxe savent que Martínez est un prospect très dangereux même s'il n'est pas très populaire. Du coup, les gens ne le connaissent pas. Je dirais même qu'il est plus dangereux que Pacheco ou Munguía.
Il a battu Carlos Gongora par décision unanime, un adversaire que vous connaissez bien pour l'avoir battu avant lui.
C'est une très bonne référence (sourire)
Las Vegas, c'est un rêve qui devient réalité ?
Exactement, c'est pour toutes ces années de sacrifice, à consacrer ma vie entière à ce sport. Ceux qui me connaissent savent à quel point je dédie ma vie à la boxe. Chaque décision que je prends dans ma vie personnelle est toujours par rapport à mon sport. C'est une récompense de faire partie de cet événement, même si je suis persuadé que le meilleur reste à venir. Je suis très satisfait car c'est l'accomplissement de mon travail jusqu'à maintenant.
Vous avez évoqué l'analyse pugilistique de Lester Martínez. Vous y prenez part ou c'est avant tout votre équipe qui s'en occupe ?
C'est nécessaire au niveau où on est. Chaque détail est important. On analyse tout et on met un plan en place, avec différents scenarios car on n'est pas la tête de l'adversaire et on ne sait pas quelle sera sa stratégie. On n'a pas la vérité absolue, mais je suis persuadé que ça va marcher. Il y a tous les paramètres à prendre en compte et je suis très chanceux d'avoir une équipe apte, avec les compétences et l'expérience nécessaires pour m'amener dans cette voie. Ce n'est pas le cas de tous les boxeurs.
Il y a un aspect important dans votre personnalité, c'est le ton de votre voix en interview, très décidée et directe.
Ça fait partie de moi, de mon état d'esprit. Je suis en préparation, je suis dans une atmosphère où il faut être conscient de ce que l'on fait. Si on n'est pas confiant, si on n'est pas sûr de soi, on va décevoir dans le ring.
Vous avez tourné avec qui ?
Avec l'Anglais Billy Deniz (alias "Turkish Tyson", mi-lourd de 24 ans, 13-0-0) et Cédrick Belony-Dulièpre qui a fait les JO de Paris avec Haïti (mi-lourd de 26 ans). Ils m'ont accompagné à Big Bear.
À Big Bear, il n'y a rien à faire que boxer !
C'est excellent pour la performance, avoir le meilleur entraînement tout en restant focalisé sur l'objectif.
Canelo s'est entraîné là-bas, notamment pour son combat contre Floyd Mayweather : All Access l'avait suivi et c'était justement "Money" qui était producteur exécutif !
(Rires) Incroyable ! Netflix est venu nous filmer, il va aussi y avoir un programme de type All Access pour ce combat.
Plus sérieusement, outre la victoire, le but est de voler la vedette à Canelo et Crawford ?
Évidemment ! C'est aussi ça l'objectif et ça risque d'arriver. Nous avons deux styles de boxe qui font qu'on proposera un très gros spectacle. Après nous, le combat suivant aura peut-être l'air ennuyant. Avec Martínez, on peut faire le combat de l'année.