Flashscore : Le 15 mars prochain, vous serez à Caen pour affronter José Sánchez (17-1-1) pour la ceinture EBU Silver des plumes. C'est une opportunité pour monter dans les classements ?
Christ Esabe : Exactement, ce combat me permettra d'ensuite envisager le titre européen. Au départ, je devais affronter un Italien mais il s'est désisté. Un nouvel adversaire a été choisi. Je ne l'ai pas encore analysé mais ce sera chose faite dès la semaine prochaine avec mon entraîneur. J'ai confiance en mon staff.
Vous êtes un cas unique en France : à tout juste 19 ans, vous avez remporté le titre national chez les amateurs et chez les professionnels. Avec le recul, comment analysez-vous cette performance ?
J'étais conscient de mes capacités et j'avais toute confiance en mon staff. Il me manquait une partie de travail car, à l'époque, j'avais un côté grugeur (sourire). Il me fallait être vraiment bosseur à l'entraînement. Quand on m'a dit que j'allais disputer 10 rounds, je me suis dit que c'était le moment de bosser. Mon staff m'a dit que j'en étais capable.
À partir d'un certain niveau, le talent ne suffit plus ?
Le talent s'estompe et c'est le travail qui maintient le talent.

Lors de votre premier championnat de France, Tout Le Sport vous avait suivi à Monaco et montré la transition entre votre club de l'époque, BAM L'héritage aux Mureaux, et le faste du Rocher. Quel public est le plus difficile à conquérir ?
Ce sont deux publics totalement différents. À Monaco, c'était beaucoup moins urbain qu'aux Mureaux. Le climat y était totalement différent.
À présent, vous êtes au Labo, toujours avec Abadila Hallab qui était aux Mureaux avec son frère. Que vous ont-ils apporté depuis vos débuts ?
Au quotidien, ils ont été mes entraîneurs mais aussi mes éducateurs. Je passe toute la journée avec eux, je suis à la salle plus que chez moi parce que je m'entraîne le matin et le soir. Je les vois plus que mes parents depuis que je suis petit. On dit souvent que la boxe est l'école de la vie. C'est une phrase bateau mais c'est totalement le cas pour moi. Ils nous ont inculqué les valeurs de la vie en plus de celles du sport.
BAM L'Héritage est l'un des tout meilleurs clubs de France, en plus votre frère Warren était boxeur : il y a une émulation naturelle qui se crée ?
Avec Warren, il n'y a pas eu de compétition car il était plus fort que moi, on ne va pas se mentir (rires). Mon objectif a été de l'égaler. C'est quelque chose qui te challenge.
Vous vous êtes défini comme un boxeur qui privilégiait la contre-attaque mais que vos entraîneurs vous ont poussé à évoluer.
Je suis sur une phase beaucoup plus offensive, dans l'optique de contre-attaquer. Avant, j'étais beaucoup plus contre-attaquant, dans le sens où j'attendais. Maintenant, on boxe en étant moins attentiste si je peux dire les choses comme ça.
Ce qui est frappant quand on voit vos combats, c'est la qualité de votre coup d'oeil. C'est inné ?
Ça me fait plaisir de l'entendre (sourire). Ce n'est pas quelque chose que j'ai beaucoup travaillé au départ. Comme je dis, c'est Dieu qui donne et il m'a donné le coup d'oeil. Je ne saurais pas vous l'expliquer. Ça se peaufine à l'entraînement mais ça m'a été naturel.
Votre progression est linéaire, avec plusieurs paliers franchis régulièrement. Comment jugez-vous votre carrière jusqu'à présent ?
Je ne brûle pas les étapes, je prends les choses comme elles viennent, en bonne intelligence. J'estime qu'il faut y aller par étapes car la boxe est un sport difficile, on prend des coups. Il faut faire les choses dans l'ordre. Je ne suis ni en avance ni en retard. Je suis au bon niveau et j'espère faire un championnat d'Europe avant la fin de l'année. Je vais avoir 25 ans si Dieu veut, je suis 30e mondial pour Boxrec, je suis là où je dois être.
Vous faites souvent référence à Dieu et votre prénom témoigne aussi de l'importance de la spiritualité dans votre famille. C'est un aspect important de votre vie personnelle et sportive ?
Je suis issu une famille chrétienne, totalement dans la foi et j'ai grandi dans ces valeurs-là. C'est ma ligne directrice. Chez les sportifs en général, ça nous fortifie, surtout dans l'aspect mental. La boxe, c'est énormément mental, au-delà d'envoyer des coups et de la dépense physique. Quand j'ai fait Bercy (en avril 2022, ndlr), avec plus de 10.000 personnes dans la salle, si tu n'es pas forgé mentalement, tu risques d'être pris dans le gouffre du public, de la pression, du stress. Par la grâce de Dieu, ça s'était bien passé pour moi.
Ce combat contre Sander Diaz était en sous-carte de Tony Yoka-Martin Bakoole. Vous saviez qu'il y aurait du beau monde en bord de ring.
Je l'ai bien appréhendé en étant épaulé par mes entraîneurs, mes frères et aussi la spiritualité. En vrai de vrai, on boxe pour ce genre d'événements, ça galvanise. C'est ce qui nous fait kiffer !
Quand on vous demande de citer vos boxeurs favoris, vous répondez Floyd Mayweather Jr et Shakur Stevenson. On sent qu'il y a chez vous une part de mimétisme avec eux, vous partagez cela ?
Ah ouais ? (rires) J'ai beaucoup regardé Floyd mais en ce moment, je citerais Terence Crawford et Gervonta Davis. J'ai discuté ce matin même avec Abadila du combat de Stevenson contre Padley. La boxe, c'est un sport avec du show et il faut en donner un peu à tous les styles de public. Le coach m'a dit que ça avait été un peu décevant, un peu ronronnant alors que techniquement, Stevenson est toujours parfait, toujours très fort. Ça faisait un petit moment qu'il n'avait pas boxé, il devait avoir besoin de faire des rounds et d'appréhender le ring.
Vu votre progression, envisagez-vous une évolution à l'étranger ?
Le futur est à l'étranger, il n'y a pas de boxe en France à part quelques galas par-ci, par-là. Il n'y a pas assez pour manger. Par la grâce de Dieu, je fais partie des privilégiés et je boxe souvent. Je ne me mens à moi-même. L'ambition est de boxer dans de grandes soirées à l'étranger. Mon objectif, c'est le Riyadh Season.
Que cela soit pour la formation étudiante ou sportive, les Français sont souvent mieux valorisés à l'étranger que dans leur propre pays. Vous avez cette sensation également ?
C'est un peu ça. Dans la boxe, il y a un grand vivier de talents en France mais il manque l'encadrement. Quand je pars faire des training camps à l'étranger, il y a énormément de promoteurs qui encadrent bien alors qu'en France, les boxeurs et leurs staffs sont voués à eux-mêmes.
Est-ce qu'au regard des derniers résultats positifs des boxeurs français, vous sentez une vague se lever, même si Mbilli-Sadjo n'aura pas lieu ?
Totalement. Aujourd'hui, une nouvelle génération de boxeurs français arrive et elle est capable de performer à l'étranger. Je trouve ça magnifique. Moi aussi, je veux prendre ce virage-là. J'aimerais avoir une grosse opportunité à l'étranger, avec une belle bourse. Mon coach me convainc que je suis capable de gagner à l'extérieur. Je suis prêt, y compris pour un titre EBU.