Flashscore : Comment avez-vous débuté la boxe ?
Baptiste Cheval : J'ai 26 ans et je boxe depuis que j'ai 12 ans. Au départ, je n'étais pas fait pour la boxe et c'est mon père qui m'y a mis. Je me battais souvent à l'école, j'avais des problèmes de comportement. Je m'appelle Cheval, j'étais un grand gentil avec une coupe de cheveux à la Justin Bieber, j'étais un peu une victime et j'attirais les problèmes. Mon père m'a inscrit à la boxe avec mon frère. Je n'aimais pas ça parce que je me faisais taper à l'école et à la boxe (rires). Je n'aimais pas ça mais je n'avais pas le choix. Comme mes parents étaient séparés, je n'y allais qu'une semaine sur deux parce que ma mère ne voulait pas que je fasse de boxe.
Ça a mis du temps pour vous plaire ?
J'ai eu le déclic à partir où des amis se sont inscrits. J'ai commencé à y prendre goût, j'ai trouvé ça fun et j'ai amélioré mon niveau. Mon coach m'a aligné en compétition à 15 ans et ça s'est enchaîné malgré une pause de presque 2 ans et demi quand j'ai eu 20 ans. Je m'y suis remis et je suis parti à New York pour la boxe.
La semaine dernière, Gaëtan Ntambwe nous confiait que lui aussi était très bagarreur et que la pratique de la boxe l'avait canalisé.
La boxe, ça calme, ça c'est sûr. Quand j'ai arrêté, c'était à cause d'une blessure mais c'est aussi une période où je me battais, où j'étais toujours tendu. Pour quelqu'un qui a de l'énergie à revendre, ça calme. Et puis quand tu te fais taper dans un ring, tu n'as pas envie de te taper dehors, ça te suffit (rires). Ça te rappelle à l'ordre et ça t'apaise. Je fais du coaching et de nombreux parents m'appellent par rapport à leurs enfants hyperactifs. Ils se défoulent et après ils dorment bien.
Il y a aussi l'apprentissage des règles qui contribuent à l'éducation par un autre biais que les parents ?
La boxe, ça te rappelle aussi qu'il y a un adversaire, ça te remet en place. Quand tu te penses que tu es mieux que ce que tu es, une défaite à l'entraînement te rend humble. C'est une école de la vie, ça t'empêche de prendre trop la confiance.

Victor Yoka nous a expliqué que les Français sont très techniques et n'ont pas à avoir peur des Américains quand ils mettent les gants, vous pouvez le vérifier à New York et en tournois également ?
Il y a toujours ce truc de mettre les Américains sur un piédestal. Effectivement, ils ont des structures, un lien mythique avec la boxe mais ils ne sont pas surhumains. Ils sont plus nombreux donc le niveau est élevé mais si tu t'entraînes dans les mêmes conditions qu'eux, tu peux être meilleur. Il ne faut pas avoir peur. En France, il y a des boxeurs qui sont dix fois supérieurs à certains Américains mais quand ils les affrontent, ils ont peur et boxent mal alors qu'ils ont les moyens de les battre. Moi, j'ai eu plus de difficultés en sparring ou en combat contre des Français que contre la plupart des Américains.
Vous êtes en poids moyen, une catégorie par essence très relevée. Y faire des résultats témoigne de votre valeur.
Il faut dire une chose : les Américains, ils frappent ! La première patate que j'ai prise d'un Américain... Purée (rires) ! Ils apprennent à être efficace, à frapper de la bonne manière. Il faut être attentif, focus. En poids moyen, c'est rapide et puissant. J'ai développé un style très défensif, pour toucher sans être touché. Je ne suis pas le genre de boxeur qui va absolument mettre de la pression, bêtement. Je le fais quand j'y suis obligé. J'ai vu trop de boxeurs dont les capacités mentales et cérébrales ont été diminuées. Ici, je mets beaucoup les gants, j'ai fait 8 combats en 2 semaines, c'est un rythme effréné. Si on n'a pas un style technique fondé sur le coup d'oeil et qu'on va à la guerre, ça peut être dramatique. J'ai un partenaire d'entraînement, très bien classé, qui a fait les National Golden Gloves l'an dernier, qui ne peut plus boxer car il a eu une décollement de la rétine et une commotion cérébrale alors qu'il n'a que 23 ans. Il a dû tout arrêter.
"Boxer sans être touché", c'est un leitmotiv très français ?
Il faut continuer à l'avoir. Après, il y a des mecs qui n'ont pas le choix, en fonction de leur morphologie. Avancer, c'est une boxe qui marche très bien mais ça dure qu'un temps et ton cerveau devient de la compote. J'ai vu des anciens aux États-Unis... ça fait peur à voir.
Vous êtes grand pour un poids moyen, ça aide ?
Je mesure exactement 1.82 et demi (sourire). Je suis grand mais il m'arrive d'affronter des boxeurs plus grands que moi.
Boxer en gaucher est-il un avantage pour contrarier vos adversaires ?
En fait, je suis droitier, je suis une fausse patte, comme mon père et mon frère. C'est un truc familial, on aime faire chier (il éclate de rire). Je suis plus à l'aise avec mon bras et ma jambe forts devant.
Qu'est-ce qui vous a motivé pour tenter votre chance à New York plutôt de rester dans la filière française à l'INSEP ?
La catégorie des 75kg n'est plus olympique et il fallait soit descendre à 71 soit monter à 80. Descendre (il souffle)... j'ai eu la flemme (rires). Et monter en 80, ce n'est pas possible, ce n'est pas ma catégorie et puis il y avait du monde : Axel Yoka, César Yorjelin, Cheikhmar Koné, Raphaël Monny, Gaëtan Ntambwe, Mathieu Bauderlique. Je n'allais pas débarquer là-dedans ! Je ne ferme pas la porte pour les JO 2028 mais je ne comprends pas pourquoi ils ont supprimé les 75. J'étais numéro 3 puis numéro 2, et le premier c'était Moreno Fendero. C'est un tueur et il n'a pas pu faire les JO alors que c'était le meilleur.
Moreno nous avait surpris en nous disant que sa principale qualité, ce n'était pas son punch.
Et il a raison. Je l'ai boxé, il a un gros punch mais il a aussi un sacré coup d'oeil. Il est très posé et il a de longs bras malgré un petit gabarit. Je pensais que j'étais à ma distance et d'un coup : poum ! Je prends un direct (rires). Il m'a connecté à la 3e et il a gagné à la décision partagée. Je n'avais que 15 combats et lui une centaine.
Lui est parti au Canada, vous avez mis le cap sur les États-Unis : pour l'entraînement, tout à l'air plus simple ?
Ce qui est bien, c'est que si tu veux trouver un sparring du style de ton adversaire, tu l'as en un coup de fil. J'ai sparré plusieurs champions du monde, un autre 10 fois champion des Etats-Unis. C'est le haut niveau constamment, c'est un régal.
Vous avez remporté les NY Golden Gloves, ça vous installe dans la hiérarchie US et même mondiale ?
Je suis numéro 1 de New York, j'ai battu tous les meilleurs boxeurs de l'État, je n' imaginais pas une telle chose dans ma vie. Le plus fou, c'est que je représente tous les poids moyens de l'Etat de New York pour les National Golden Gloves en mai. Ce sera en Oklahoma. C'est historique car je serai le premier à représenter un État mais aussi un pays pour les championnat nationaux. Un Français l'avait fait en Espoir, mais moi je suis le premier à le faire en Elite.
Il y a des coins aux États-Unis plus réputés que d'autres ? On pense inévitablement à Philadelphie.
La ville de Rocky ! New York, Philly et Vegas sont les trois principaux spots que je retiendrais, avec peut-être aussi Los Angeles.
Y a-t-il une communauté pugilistique française implantée à New York ?
Ce sont mes frères d'armes ! Frédéric Julan a justement remporté les Golden Gloves en Espoir et il organise des stages pour les boxeurs français qui souhaitent s'entraîner et connaître la boxe new-yorkaise. J'ai commencé comme ça, par un stage de deux semaines et j'ai été repéré par le NY Athletic Club. Frédéric, je l'appelle "tonton" car il nous aiguille avec Bastien Martinez, le premier stagiaire de Boxing Culture. On est souvent tous les trois.
Vous êtes marié et père d'un nouveau né : l'éloignement doit être difficile à gérer ?
Oui, surtout que j'ai eu plein de combats. Mon fils a 4 mois, et avec tout ce qui s'enchaîne, y compris les déménagements, ce n'est pas simple de performer. Ma femme est rentrée en France pour la fin de sa grossesse et être près de sa famille. Je lui tire mon chapeau car ce n'est pas simple de partager la vie d'un boxeur.
Votre surnom est "Centaure", c'est venu comment ?
Il y a 3 ans aux championnats de France, quelqu'un me dit qu'il me faut un surnom. Il est parti de Cheval et a trouvé Centaure. Je me suis dit que c'était de la bombe comme surnom (rires). Je l'ai gardé en arrivant aux États-Unis, j'ai trouvé ça stylé et on m'appelle comme ça maintenant.
Vous affichez votre foi sur les réseaux sociaux. Les boxeurs ont un lien très fort avec la religion et la spiritualité. Vous l'expliquez comment ?
La boxe est un sport très difficile, où on retrouve de nombreux points de convergence avec la religion : le sacrifice, la difficulté, la résilience. Ça te rapproche de Dieu car tu es près de la mort à chaque fois que tu montes dans le ring. Tu mets ton intégrité, ta santé, ta fierté en jeu. Avant, jusqu'à la vingtaine, j'étais totalement athée même si j'étais baptisé mais j'avais un démon en moi (rires). Quand j'ai expliqué ma foi à ma famille et mes proches, ils n'y ont pas cru. Je pense que Dieu a utilisé la boxe pour me rappeler à Lui. Quasiment tous les boxeurs croient en Dieu parce qu'on a besoin de cette force qui vient d'ailleurs.
Est-ce que, au moment de le partager, vous avez eu la crainte d'être étiqueté ?
Je n'en ai pas eu peur car la religion fait partie de ma vie et m'aide chaque jour. Ça résonne tellement en moi. Je suis une personnalité publique, donc je sais que je suis exposé. Si j'avais été musulman, j'aurais été accusé d'autre chose. C'est facile de faire des amalgames. Être critiqué pour ma foi, je m'en fous. Je me définis comme boxeur et chrétien car ça fait partie de qui je suis.
Cela vous rapproche du public américain dans toutes ses composantes ?
Ça fait totalement partie de leur culture. Tous les boxeurs catholiques se définissent comme "Soldier of God", ils ont un verset de la Bible sur la bio de leurs réseaux sociaux et les musulmans ont une sourate du Coran. Quand je leur dis qu'en France, il y a principalement des athées, ils sont très étonnés. J'ai reçu beaucoup de questions par rapport à la spiritualité, au point que j'ai fait des vidéos avec un prêtre pour y répondre. Je ressens vraiment beaucoup ce besoin chez les jeunes, peu importe la religion d'ailleurs.
Revenons au ring. Quelle est la suite des événements pour vous par rapport à votre préparation des Golden Gloves ?
Mon corps m'a envoyé des signaux donc je prends une semaine totalement off. Je reprendrai ensuite, avec les conseils de mon entraîneur. De toutes façons, je suis prêt. J'ai eu un rythme tellement important que je suis en condition. J'y vais avec une mentalité conquérante. Je veux marquer l'Histoire, être le premier Français champion des États-Unis.