Flashscore : Votre fiche Boxrec vous annonce comme "inactif". Que s'est-il passé ?
Axel Yoka : Ça a une année un peu compliquée. Je devais boxer en juillet mais ça ne s'est pas fait, faute d'adversaire. Je devais aussi boxer en juin mais j'ai eu le même problème. C'est un peu compliqué de me trouver des adversaires si on n'a pas de bourses conséquentes car les promoteurs veulent toujours plus d'argent ou car on ne veut pas m'affronter.
Votre frère Victor nous a dit que, parce vous vous appelez Yoka, il y a une volonté d'augmenter le chèque de la part des promoteurs et des managers ?
C'est souvent ça, même à l'étranger. Beaucoup pensent qu'en voyant le nom Yoka, ça va être le coup de l'année. À mon échelle, ce ne sont pas des bourses immenses mais ils veulent toujours gratter plus. En France, les promotions n'ont pas forcément beaucoup d'argent, des boxeurs financent eux-mêmes leurs combats. C'est compliqué mais en plus, je me suis fait une double fracture du pouce. Je vais mieux, j'ai fait de la rééducation et je suis reparti.

Vous êtes en mi-lourds, une catégorie très relevée en France, avec beaucoup de concurrence. Comment peut-on monter une carrière pour monter dans les classements, y compris par rapport aux sparrings pour se préparer ?
Pour les sparrings, j'ai ce qu'il faut entre Paris et Londres. Mais surtout, c'est au niveau des combats. En vrai, dans ma progression, je n'ai pas besoin de prendre encore des tueurs. C'est plus une question de ne pas m'affronter par rapport à leur projet de carrière, ou alors parce qu'on demande toujours plus d'argent.
Est-ce que vous avez la tentation de partir en Angleterre ?
Honnêtement, je privilégierai toujours la France. Je suis Français, je suis même Parisien et c'est toujours mieux de boxer devant son public. Mais s'il y a des opportunités en Angleterre ou ailleurs, j'irai parce qu'ici je stagne.
Vous avez été vice-champion de France en amateur, dans des conditions particulières.
J'avais arrêté pendant deux ans. Au niveau international, j'ai plus de sorties en junior qu'en senior. Je suis passé professionnel, j'ai boxé Kevin Lesa qui était bien classé. Je suis monté au 100e rang Boxrec. Je suis un bon prospect.
Kevin Lesa avait de sérieuses références et vous l'avez emporté en 3 rounds. C'était un grand début !
Un début qui n'était pas prévu (rires). Je ne devais pas l'affronter au départ, on ne m'en a informé que la veille. Moi, je voulais absolument boxer. J'ai accepté, même si c'était un combat plus dangereux que prévu et ça s'est bien passé.
Est-ce que cette victoire a suscité des craintes par rapport à vos futurs adversaires ?
Soit je vais chercher les meilleurs de ma catégorie en France, avec là aussi des problèmes de bourses, soit on ne veut pas m'affronter et là aussi pour trop d'argent.
Vous avez aussi tourné aux États-Unis avec Tony et Victor ?
J'y suis allé plusieurs fois, même en junior et en amateur. On était à Vegas en décembre, ça s'est bien passé même si j'étais en reprise. J'en ai de bons souvenirs.
Victor nous disait que les Français pouvaient être supérieurs aux Américains mais que, par la suite, le manque de propositions et de possibilités chez nous inversait ce rapport. Vous confirmez ?
Je le rejoins là-dessus. En France, notre vivier de boxeurs est incroyable, tout simplement. Sur les derniers JO, on avait pas mal de monde et techniquement on est vraiment meilleur, même si on n'apprend pas la boxe de la même façon. Aux États-Unis, c'est davantage dans le but de passer professionnel, avec une boxe pour faire mal. En France, on a une approche plus amateur, en se concentrant sur tous les détails et c'est ce qui fait la différence au niveau olympique alors que leur budget est nettement plus élevé.
Vous avez évoqué un arrêt de deux ans : c'était dû à quoi ?
À un passage difficile de ma vie, avec moins l'envie de boxer. J'ai traîné des pieds et puis je m'y suis remis à fond. Ça continue, alors je suis content (sourire).
Le passage en amateur vous a-t-il permet d'étoffer vos facultés d'adaptation à différents styles ?
Totalement. À vrai dire, je voulais passer pro en 2020 et c'était un peu pour ça que j'avais arrêté. La boxe amateur ne m'intéressait plus trop. Mais Tony m'a dit de refaire une année en amateur pour prendre de l'expérience et ça m'a beaucoup aidé. En pro, tu n'as pas l'occasion de boxer trois fois dans le mois. L'expérience que tu acquiers en amateur, tu ne la retrouveras jamais en pro.
Vous venez de citer votre frère aîné Tony : il vous prodigue beaucoup de conseils à vous et Victor ?
Déjà, c'est un grand frère et, en plus, on fait le même sport et lui excelle. Malgré ça, il a fait des erreurs dans sa vie. Il a vu les pièges de la boxe, les pièges en dehors de la boxe donc il nous conseille toujours pour qu'on puisse faire mieux que lui.
C'est dur de faire aussi bien que lui puisqu'il est champion olympique, mais pas impossible ?
C'est très difficile mais être à la hauteur, faire du mieux qu'on peut, c'est surtout ça notre esprit dans la famille. On veut monter tous ensemble, on se pousse beaucoup à l'entraînement. Par exemple, quand on va courir, Victor est facile en endurance, c'est notre lièvre mais lui ne veut pas que Tony et moi le rattrapions. Donc ça nous pousse et c'est comme ça qu'on arrive à nos résultats.
Avec Tony, vous avez une proximité de catégorie alors que Victor est plus léger...
Oui mais il ne faut pas croire, en sprint, Victor n'est pas le plus rapide (rires). Ce qui est intéressant, c'est qu'on a des profils différents. Victor est très endurant, plus rapide, moi je suis plus explosif et Tony fait 2 mètres et il est hyper puissant. Chacun pousse l'autre dans son domaine tout en voulant rester numéro 1 dans notre spécialité. Ça nous engage à faire plus.
Vous serez sur la carte de Tony le 17 mai. Il prend un vrai risque en affrontant Arslan Yallyev (16-0-0, 39e mondial pour Boxrec), vous le voyez comment ?
Il est bien préparé, il a pris une bonne année pour se remettre dedans, pour faire abstraction de tout ce qui avait pu se passer, des critiques. Je le sens vraiment bien mentalement et physiquement. On a passé deux semaines à Londres où on s'est entraînés à fond, on va y retourner. Il a cette envie de travailler, de gagner, celle qui pousse un boxeur finalement.
Sa carrière a été montée de manière très étrange, pas de manière linéaire, avec des différences d'adversaires d'un combat à l'autre qui n'ont pas été logique.
On n'a pas forcément la culture de la boxe en France, à part les passionnés. Le grand public n'est pas vraiment éduqué aux rouages, on ne peut pas lui en vouloir. Mais quand on regarde ce qu'a fait David Allen après avoir affronté Tony... maintenant, il boxe à Riyad (défaite par décision partagée en décembre dernier, sur la carte d'Usyk-Fury 2, ndlr). C'est un bon morceau et Tony était critiqué. C'est un peu incompréhensible mais que peut-on y faire ?

Refermons la parenthèse Tony. On trouve peu de vidéos de vous, si bien qu'on ne vous connaît pas suffisamment. Vous vous décrivez comment dans le ring ?
La meilleure personne pour me décrire c'est mon père. Je suis très offensif, assez percutant, explosif. J'avance et je boxe avec mes tripes. Je le fais comme je le sens dans le ring. Et souvent... ça tombe ! Je trouve moins intéressant de regarder un combat hyper propre, je préfère un combat où ça met des coups de part et d'autre avec l'un des deux qui tombent. Il y a des combats très techniques qui, avec un oeil de boxeur, t'impressionnent mais c'est moins spectataculaire et plus pour les connaisseurs. Moi, je veux donner de l'émotion au public et de les faire kiffer.
C'est un discours peu répandu en France où on met en avant le "toucher sans être touché".
Je sais mais ce sont des façons de voir la boxe. Pour moi, c'est un show avant tout. Ça veut dire que les gens doivent en avoir pour leur argent, qu'ils profitent du moment, avec des émotions.
Récemment, Hassan N'dam nous confiait qu'en changeant d'entraîneur la trentaine passée et malgré son très riche palmarès, il avait appris l'accrochage et le vice car c'est autorisé et que ça peut même être vital.
Ce sont des choses qu'on apprend une fois passé pro car en amateur, c'est très académique. Il faut avoir un minimum de vice pour pouvoir récupérer entre deux échanges, pour savoir ralentir ou accélérer, surprendre. Ce sont des petits tips. Et en plus, ça fait partie de la boxe, même si on appelle du vice. C'est du métier, un peu comme le trash talk au foot. On ne te l'apprend au centre de formation mais, sur le terrain, ça rentre.
L'apprentissage "boxe olympique" en France offre beaucoup de technique mais n'inculque pas suffisamment de roublardise ?
Ce côté vicieux est plus personnel. Chaque boxeur a sa façon de boxer, avec ses qualités et ses défauts, et c'est comme ça qu'il arrive à battre son adversaire. Il y a des boxeurs vicieux qui le font très bien et d'autres qui le font mal parce que ce n'est pas dans leurs valeurs. Je connais des boxeurs qui, quand tu mets le genou à terre, ne te frappent pas. Mais j'en connais aussi qui le mettront ce dernier coup.
C'est un peu comme le défenseur qui tire le maillot sur l'attaquant : il faut bien le faire pour que ça ne se voit pas ?
Oui et s'il ne le fait pas, il ne faut pas le lui reprocher. Tout ce qui passe autour de la ligne jaune, c'est au bon vouloir de chacun.
Le surnom de votre père est King, Tony c'est L'Artiste, Victor c'est Prince. Quel est le votre ?
Moi c'est "Poizon". Ça vient de mes amis. Ce n'est pas tant niveau boxe que dans ma vie de tous les jours. Je suis celui qui taquine à fond, je suis un peu comme un poison comme ils disent. Quand j'ai une blague à faire, je la fais. Ça sonne bien donc je l'ai gardé.
La carte du 17 mai est alléchante, il y a de quoi attirer beaucoup de monde.
Il y a eu de belles réunions, notamment avec Samaké Promotions, mais c'est vrai que celle-ci donne envie d'être regardée. En France, on a énormément de boxeurs et je trouve qu'on ne les met pas assez en valeur. Ça vaut pour l'ensemble de nos athlètes d'ailleurs. Il faut savoir les promouvoir. Quand tu vas voir une télé pour un combat de Milan Prat par exemple, on va te demander si tu feras de l'audience. Mais c'est un travail en amont, notamment des media. C'est dommage que cela ne se fasse pas autant en France. Il y a beaucoup de boxeurs français qui montent comme mon frère Victor, Christ Esabe, Leonardo Mosquea. Il y a une grosse émulation, sans une grosse exposition.