Flashscore : Comment on se sent à quelques jours de disputer une qualification pour une Coupe du monde de futsal ?
Alexandra Atamaniuk : On se sent plutôt bien, j’ai hâte de commencer. On est consciente qu'on a beaucoup de travail. Donc le temps qui est attribué pour bien se préparer, il va falloir qu'on l'utilise à bon escient. D'un côté on a hâte parce qu'on a envie de démarrer cette compétition et de l’autre on veut aussi savoir ce qu'on vaut par rapport à ces équipes qu'on va affronter.
Surtout que c'est une qualification pour LA première coupe du monde féminine de futsal…
Il y a un côté historique. Déjà c'est historique dans le sens où c'est la première coupe du monde féminine de futsal et deuxièmement ça serait historique pour l'équipe de France de futsal puisque il faut savoir que cette équipe de France de futsal n'a qu'un an et demi d’existence.
"Si on nous avait dit qu’on en serait là un an et demi après, on aurait toutes signé."
Accéder à ce Tour Elite c'est déjà une sacrée performance pour l'équipe de France, qui a joué ses premiers matchs en novembre 2023.
C'est un exploit qu’on a fait de se qualifier pour ce Tour élite. Si on nous avait dit en novembre 2023 qu'on allait être là à ce moment-là, je pense qu'on aurait toutes signé. Mais maintenant qu'on en est là, je ne vous cache pas qu'on n'a pas envie de s'arrêter là. D'autant plus qu'on sera en France face à notre public. Donc on va tout donner. Mais on est conscient que ça sera trois gros morceaux et que là, ça ne sera pas un exploit qu'il faudra faire, mais trois.
En quatre jours, vous avez trois énormes équipes à battre (le Tour élite se déroule du mercredi 19 au samedi 22 mars à Besançon).
La première chose à faire, ça sera de battre la Pologne, ensuite la Finlande. Si on arrive à gagner ces deux premiers matchs, la qualification sera normalement assurée puisque ce sont les deux premiers qui se qualifient à la Coupe du monde. Il faut qu’on donne tout contre ces deux premières nations, parce qu’en dernier on joue l’Espagne, qui est la deuxième nation mondiale… Il faudra faire le nécessaire avant pour éviter cet énorme exploit à faire contre l’Espagne.

Vous étiez dans la toute première équipe de France féminine de futsal. Quels étaient les objectifs au début ?
À la base, on ne s'était pas forcément fixé d'objectif puisque l'Euro venait de se finir. La création de la Coupe du monde 2025 n’avait pas encore été évoquée. Donc à court terme, il n'y avait pas forcément d'objectif. L'objectif pour la fédération, c'était de faire des doubles confrontations, engranger de l'expérience, créer des automatismes, créer un noyau pour qu'ensuite on puisse viser petit à petit certaines compétitions. Et donc plutôt la Coupe du Monde 2029. Et aujourd'hui, on est focalisé sur cette Coupe du Monde 2029. Après, avec les résultats qu'on a fait récemment, on peut espérer peut-être une Coupe du Monde plus tôt, mais ça va être très dur.
Entre le groupe qui a démarré l’aventure et celui qui joue la qualification au Mondial aujourd’hui, il y a eu beaucoup de changements…
Il a beaucoup bougé parce que le staff avait besoin de voir un maximum de joueuses pour justement créer l'équipe la plus performante possible pour ces compétitions officielles. Il y a eu beaucoup beaucoup de rotations puisqu’il fallait qu'ils découvrent aussi certaines joueuses face au niveau international. Il faut savoir qu'en France, c'est surtout des championnats régionaux dans le futsal féminin, à part le challenge de France. Depuis qu'on a joué la Croatie et l'Italie, il y a un petit peu moins de changements, moins de nouvelles.
Parmi celles qui ont commencé, vous vous êtes restée. Et aujourd'hui vous êtes capitaine de cette équipe historique. C'est un peu spécial d'être capitaine en équipe de France ?
C'est juste incroyable. C'est une vraie fierté et un honneur. J'avais déjà eu l'opportunité de porter le maillot bleu au foot, là j'ai cette opportunité de le reporter à nouveau. J’en suis très très reconnaissante de porter le brassard de capitaine donc je ferai tout pour le garder, je ferai tout pour rester dans cette sélection et j'espère que ce que je renvoie plaît, soit aux spectateurs ou aux staffs.

En tant que capitaine, c'est quoi un peu les valeurs que vous aimez au sein de cette équipe? Qu'est-ce qu'on pourrait dire qui fait de l'ADN de ce groupe ?
Ce qui fait l'ADN et ce qui a fait de notre force au précédent tour, c’est la cohésion. Le fait qu'on soit vraiment un groupe. On n'a pas forcément les meilleures joueuses par rapport aux autres équipes qui ont des joueuses, pour la plupart, je pense à l’Espagne, professionnelles. Nous, c'est vraiment l'accumulation de toutes ces personnalités, ces individualités. On a un vrai groupe, une vraie cohésion. Et la deuxième chose, c'est la détermination et l'abnégation. Parce que sur le terrain, on en veut. Ça reflète aussi le projet de jeu des équipes de France au futsal.
D'ailleurs, ça se voit dans votre style de jeu aussi, vous êtes une joueuse qui se démène. En futsal c’est un profil assez rare.
C'est vrai que j'ai toujours été assez hargneuse, c'est une de mes qualités premières. On est beaucoup à l’être au futsal et c'est une de nos qualités en équipe de France. C'est ce sur quoi il faut qu'on s'appuie pour mettre en difficulté les équipes adverses.
"Aujourd’hui je n'ai aucun regret parce qu'aujourd'hui je vis des choses que je n’aurais pas vécu si j’avais pris un autre chemin."
Vous le disiez juste avant, vous avez déjà porté le maillot bleu. Vous avez gagné la Coupe du Monde U17, l'Euro U19 avec les équipes de jeunes. C’est une expérience qui va vous servir là, maintenant que vous avez des matchs très importants à jouer avec l'équipe de France, mais en futsal ?
Mon expérience en équipe de France au foot m'aide beaucoup quotidiennement. Après, j'ai aussi grandi, j'ai mûri. Je ne suis plus aussi jeune, c'était quand même il y a plus de 10 ans. Et forcément, au niveau de mon jeu, ça s'en ressent. J'arrive aujourd'hui à gérer plus facilement ces situations intenses d'émotion et d’enjeux. C'est important d'avoir eu cette opportunité déjà de gagner. Je pense que c'est aussi pour ça que le staff s'appuie sur moi et m'a mise peut-être capitaine. C'est plutôt bien pour le groupe.
Parmi les joues qui étaient dans votre génération, il y avait Grace Geyoro, Delphine Cascarino, Sandie Toletti, Kadidiatou Diani, Griedge Mbock… Beaucoup de joueuses qui sont en équipe de France A aujourd’hui. Vous, vous avez pris un chemin complètement différent.
Oui et pour autant, je ne sais pas si si j'avais pris le même chemin qu'elles, je serais là où elles sont. C'est difficile à dire et honnêtement je n’en sais rien du tout. Mais moi j'ai allié en priorité mes études au début et puis après j'ai pris un chemin un peu différent du fait que peu de temps après avoir rencontré avec mon conjoint, j'ai souhaité devenir maman. Aujourd’hui je n'ai aucun regret parce qu'aujourd'hui je vis des choses que je n’aurais pas vécu si j’avais pris un autre chemin. J’ai la chance aujourd'hui de vivre ça et de faire vivre ça à mon conjoint et à mon fils. C’est juste incroyable. Si je devais le refaire, je le referais sans aucun regret.
Vous avez encore des liens avec toutes ces joueuses-là ?
On est toujours en contact via les réseaux. Il y en a quelques unes qui suivent les performances de l’équipe et puis ça prend aussi de plus en plus d'ampleur avec les derniers résultats des garçons à la Coupe du monde. Les réseaux sociaux et les médias commencent à en parler de plus en plus donc forcément on est de plus en plus mises en valeur et ça arrive aux oreilles de nombreuses sportives et sportifs. Certaines nous envoient des messages.
Quand vous étiez en équipe de France à l’époque, vous vous imaginiez un jour emmener une équipe de France féminine de futsal ?
Alors je vous cache pas que non. Après moi quand j'étais en sélection jeune, je n’étais pas une titulaire indiscutable, j’étais plus une remplaçante. Déjà quand j'étais jeune, je ne m'étais jamais dit que j'allais porter le maillot de l'équipe de France. Ensuite j’ai eu cette opportunité de dingue de le porter, puis de gagner des compétitions avec, donc c'est d'autant plus incroyable. Et puis d'avoir cette chance aujourd'hui de pouvoir reporter le maillot bleu et en plus d'être capitaine. Pour moi, c’est le Graal. J’espère que cette équipe de France ira le plus loin possible. Mais je n’ai aucun doute parce qu'aujourd'hui la fédération met les moyens. On a un staff de grande qualité et il y a beaucoup de potentiel en France donc tôt ou tard, cette équipe de France de futsal gagnera quelque chose, c'est sûr.
"L'équipe de France féminine de futsal était devenu un objectif parce que je savais que je n'allais plus avoir cette opportunité."
Quand vous jouiez en U17 ou en U19, pour vous c’était quoi le futsal ?
Le futsal a toujours existé pour moi. J’adorais jouer au futsal. Souvent c’était quand j'étais jeune pendant la période hivernale, on faisait pas mal de tournois de futsal et j'avais déjà fait des sélections départementales régionales. J’avais fait à l’époque, ça n’existe plus, mais ça s'appelait la Jetix cup, c’était via la chaîne Disney, et c'était une sorte de championnat de France avec chaque région. Le futsal a toujours été un petit peu ancré en moi, j'ai toujours adoré. Après arrivé à un certain âge, vous êtes en équipe de France de foot, vous avez vos études à côté etc. Donc là je pratiquais peu, c'était vraiment des tournois partiellement dans l’année…
J'ai redécouvert cette pratique quand je suis partie vivre à Saint-Pierre-et-Miquelon, un outre-mer français à côté du Canada. Et là-bas, la météo oblige les habitants à faire du foot que six mois dans l’année et les autres six mois, ils pratiquent le futsal. J'ai eu la chance là-bas de pratiquer ces deux sports, à la fois le foot et le futsal, et à à mon retour en métropole, quand j'ai signé à Brest en tant que professionnelle de foot, j'avais à cœur de continuer sur ce double-projet parce que je savais que l'équipe de France féminine de futsal allait se créer. Et pour moi, c'était devenu un objectif parce que je savais que je n'allais plus avoir cette opportunité. Il ne faut pas se cacher, l’équipe de France, c'était fini pour moi. À partir du moment où j'avais pris un autre chemin, je savais que c'était fini. Et là, je me suis dit, tu sais ce que c’est, tu sais ce que ça procure, les émotion… J’avais l'opportunité de revivre ces émotions-là, si ce n'est de plus intense, puisque tu as un autre âge, un autre vécu, etc. Et aujourd'hui, je ne lâcherai jamais le futsal. Parce que j'ai envie de revivre et de vivre encore d'intenses émotions avec cette équipe.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, le futsal c’était du loisir ou plus ?
J’ai eu l'autorisation de pouvoir jouer avec les garçons. Il y avait un championnat, donc je jouais dans une équipe de garçons en futsal. C'était un championnat régional.
Quand vous quittez la métropole pour aller à Saint-Pierre-et-Miquelon, derrière il y avait un peu une volonté de couper avec le monde du foot ?
Mon conjoint avait été muté là-bas, je suis tombée enceinte et il m'a proposé de le suivre. Et moi j'avais besoin de faire une coupure avec le foot parce que ça faisait tellement longtemps que j'étais dans le foot… Il faut savoir que quand vous êtes en sélection, quand vous êtes à très haut niveau, ok il ya beaucoup d’avantages, c'est génial, mais il y a quelques inconvénients. Notamment dans le fait que vous passez peu de temps avec votre famille, vos amis, vous avez très peu de vacances etc. J’arrivais à un âge où j'avais 23, 24 ans et j'avais ce besoin de break.
Comme j’étais tombée enceinte et qu’à l’époque mon club, ce n’était pas encore comme aujourd’hui, ne m'avait pas proposé de prolongation à partir du moment où je leur avais émis le souhait de devenir maman, et bien je me suis dit c'est le bon moment. Cette décision a été géniale parce qu’en partant, je me suis rendue compte que non, je n’avais pas du tout envie d’arrêter. Et j'ai redécouvert le futsal.
Le futsal était un peu comme un échappatoire au football à 11…
Tout à fait. J'avais besoin de couper avec le foot. Et en même temps, je ne pouvais pas arrêter la pratique parce que je suis passionnée de foot et passionnée de futsal. Et je ne pouvais pas arrêter. Donc ça a été clairement un échappatoire. Et aujourd'hui, je ne pourrais pas faire sans. Mon équilibre aujourd’hui c'est entre le foot et le futsal.

Vous êtes passionnée de futsal et de foot à onze. Ce n'est pas trop compliqué de gérer les deux au quotidien ?
Ce n’est pas évident parce que ça reste deux sports différents mais moi je suis convaincue de cette chance de pouvoir allier les deux pratiques. Pour moi, elles sont très complémentaires et tant que je pourrais faire les deux, je ferai les deux. À Toulouse, ça faisait vraiment partie de mes conditions quand j'ai signé. Je venais de quitter Brest (en troisième division) parce que je voulais retrouver un niveau de foot plus élevé. J'étais en contact avec plusieurs clubs et ça faisait partie de mes conditions de continuer cette double pratique.
"Aujourd’hui ma plus belle fierté, c’est que mon fils puisse être là encore au prochain tour."
Récemment vous avez quitté directement Le Havre après un quart de finale de Coupe de France pour enchaîner directement sur un rassemblement avec les Bleues du futsal à Clairefontaine…
C'est sûr que c'est un certain rythme. Après ça se fait à partir du moment où vous êtes bien entouré. Moi du côté de la sélection ils sont hyper bienveillants, du côté de mon club c'est pareil. Et après ça nécessite quelques ajustements comme une bonne hygiène de vie, une bonne hydratation et un bon sommeil. Tant que mon corps me le permettra, je le ferai à fond mais c'est clairement possible de faire les deux.
Ce n’est pas vraiment un rythme qui permet de profiter de sa famille et de ses amis…
Ces derniers temps, c'est sûr que ça n'a pas été évident. J’ai beaucoup enchaîné. Je suis très reconnaissante envers mon conjoint, qui me permet de vivre tout ça. C'est entre autre grâce à lui parce qu'il me suit. Je suis très reconnaissante envers ma famille qui m'aide beaucoup. Notamment avec notre petit garçon. Et aujourd'hui, ils le gardent parce que mon conjoint est aussi dans le monde du foot. Donc ce n'est pas évident tous les jours. Mais les choses que je vis aujourd’hui, je ne les revivrai pas dans plusieurs années et on se dit que c'est une chance incroyable donc autant que le vivre à fond et plus tard on aura du temps pour profiter ensemble. Aujourd’hui ma plus belle fierté, c’est que mon fils puisse être là encore au prochain tour.
Il sera à Besançon ?
Oui, je vous avoue que pour la maîtresse, ce n'est pas évident. Mais ils sont hyper bienveillants, compatissants. Ils comprennent parce que Lino vit quelque chose d’incroyable. D'avoir la chance de suivre sa maman, qui est internationale française, qui est professionnelle au foot. Je pense qu'il est très chanceux de ce côté-là, et moi je le suis d'autant plus, parce qu'il me donne cette force supplémentaire sur le terrain. Et après une défaite notamment, il me permet de switcher très vite et de passer à autre chose. Il m'aide pour tout dans la vie quotidienne. Et c'est une vraie force pour moi.
Aujourd’hui si vous aviez le choix entre le futsal et le foot à 11, vous garderiez les deux ?
Je garderai les deux, parce que pour moi c'est une vraie chance. C’est un équilibre et c'est très complémentaire parce que le foot amène beaucoup au niveau physique et athlétique, grâce à l’intensité que j'ai les week-ends en championnat. Et de l'autre côté, le futsal, techniquement et tactiquement, m'apporte énormément. Et donc, pour moi, les deux forment un vrai équilibre.
Cette saison, vous avez vécu une saison historique à Toulouse. Là, vous êtes très bien classée en D2. Il y a eu le quart de finale de Coupe de France au Havre. Est-ce que ça vous a totalement réconciliée avec le foot à 11 ?
J'étais déjà réconciliée avant avec le foot. Je n'ai eu aucun souci, j’avais juste besoin de ce break. Aujourd'hui à Toulouse, on vit une superbe saison puisqu'il faut savoir que le club a été promu en Seconde ligue cette année. Donc les objectifs du club, c'était vraiment le maintien, rien d'autre. Aujourd'hui, on peut dire qu'on est quasiment maintenu. On a fait un quart de finale en battant Fleury, en 8es de finale une équipe de D1, avec la manière. On a rivalisé clairement contre le Havre, donc on aurait pu espérer plus. Mais tous les objectifs du club ont été atteints.
On a encore l'opportunité aujourd'hui de monter. Je ne vous cache pas que ce n'est pas forcément l'objectif premier du club, puisque le jour où le TFC montera en première ligue, ça sera pour un projet durable et solide. Maintenant on ne se refusera rien et aujourd'hui on joue libéré tous les week-ends. Si à la fin d'année on doit monter, on montera. Cette année à Toulouse, c'est génial, on n'a pas non plus envie que ça s'arrête.
Est-ce qu'à 29 ans, vous ne vivez pas la meilleure saison de votre carrière ?
Oui, c'est sans doute la meilleure période de ma carrière. Après, j'en ai eu de très belles aussi en amont. Mais aujourd'hui, je suis épanouie. Je suis zen parce que pour moi, j'ai déjà tout réussi. Je suis maman. J'ai mon métier qui m'attend. Il faut savoir que je suis prof de sport à la base. Je suis en disponibilité depuis que je vis du foot. Donc, j'ai un métier qui m'attend. Je suis sereine. Je n'ai pas à me demander ce que je vais faire après. Ma vie est déjà toute tracée. C'est pour ça qu'aujourd'hui je me fixe autant d'objectifs dans le sport, parce que je sais que tôt ou tard, ça devra s'arrêter. Le fait d'être bien mentalement, ça me permet d'être libérée sur le terrain. Sans doute que oui, aujourd'hui, je vis la meilleure période de ma carrière parce qu'en fait mentalement je suis tout à fait libérée et je me sens bien.