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Gianluca Spinelli, mentor de Gigio Donnarumma au PSG devenu confident d'Yann Sommer à l'Inter

Gianluca Spinelli au côté de Gigio Donnarumma en juillet 2022
Gianluca Spinelli au côté de Gigio Donnarumma en juillet 2022Fred Mery / Hans Lucas via AFP
Pendant plusieurs saisons, Gianluca Spinelli a accompagné Gianluigi Donnarumma au PSG avant de rejoindre l'Inter où il contribue aux grandes performances d'Yann Sommer. Entraîneur des gardiens des Super Eagles du Nigéria, Jean-Daniel Padovani a travaillé au PSG aux côtés de Spinelli et explique pour Flashscore les dessous de sa méthode.

Gianluca Spinelli (59 ans) ne sera pas sur la pelouse de l'Allianz Arena de Munich samedi soir et pour cause : c'est l'entraîneur des gardiens de l'Inter. Mais avant de s'occuper d'Yann Sommer, le technicien italien, arrivé dans la capitale en 2018, a travaillé au côté de Gianluigi Donnarumma au PSG, de 2021 à 2023. Deux portiers aux physiques et aux qualités différentes mais qui ont survolé la saison chacun à leur manière. 

Gigio l'affectif

Actuellement en charge des gardiens des Super Eagles du Nigéria, Jean-Daniel Padovani a travaillé avec l'"hyper-compétent" Spinelli au PSG (2021-2024, comme adjoint, dans les catégories inférieures, à la vidéo et à la détection) et il a donc pu observer de près la méthodologie mise en place pour perfectionner le jeu de "Gigio", lui qui fut souvent critiqué, encore récemment : "c'est quelque chose de fantastique d'avoir pu travailler avec lui, de voir son travail, la façon dont il évolue". 

Pour lui, aucun doute : le travail abattu par les deux hommes portent ses fruits au meilleur moment. Pourtant, tout ne fut pas si facile pour Donnarumma, gardien ultra précoce, propulsé titulaire dans les cages du Milan dès l'adolescence : "tout ce que fait Donnarumma, ce sont des choses travaillées au millimètre près, explique "Pado", mais son seul problème quand il est arrivé au PSG, c'était son mental alors que techniquement, on voyait qu'il avait de très grosses qualités". 

À l'époque, Keylor Navas a été évincé pour faire place à l'Italien, arrivé à prix d'or par l'entremise de Mino Raiola. Chahuté par le public du Parc des Princes, "Gigio" a du mal à enfiler le costume, comme si l'affection pour le Costaricien était un désaveu pour lui : "c'est un affectif, on le voit à chaque fois qu'il fait une action décisive, il félicite ses coéquipiers, il les prend dans les bras, éclaire Padovani. C'est vraiment important pour lui, au-delà du travail mis en place. Ce n'était pas une question de travail mais de contexte. Il a eu du mal. Mais quand il a l'affect et qu'il est mis dans de bonnes conditions, il peut réaliser de grandes choses, comme à l'Euro en 2021".

Une fébrilité qui a connu son point d'orgue au moment le plus critique, lors du 1/4 de finale retour de Ligue des Champions à Santiago-Bernabéu alors que le PSG fonçait vers la qualification : "on parle souvent du match contre le Real Madrid. Certains disent qu'il y avait faute, d'autres non et ça rend l'analyse complexe car il a souvent répondu présent dans les grands moments". Mais à un poste aussi crucial, tout le bon est oublié, bien plus vite que les erreurs. 

Une action restée dans les mémoires
Une action restée dans les mémoiresGonzalo Arroyo Moreno/Getty Images via AFP

Le décès soudain de Raiola a aussi pu contribuer aux performances en-deça des attentes et Spinelli a aussi eu ce rôle de mentor auprès de Donnarumma : "le décès de Raiola l'a privé d'un grand soutien, constate Padovani. C'est lui qui l'avait amené à Paris, il l'appelait après les matches, c'était un repère. L'arrivée de Gianluca l'a aidé. Lui, c'est vraiment un grand monsieur. Ils sont tous les deux là pour partager, ça les a soudés". 

La somme de ces deux personnes qui partagent la même passion, la même langue et la même culture du poste a permis à Gigio de se relancer et de ne pas sombrer sous la pression : "être affectif dans ce métier, qui plus est à ce poste, ce n'est pas toujours facile, encore moins aujourd'hui. Gianluigi est compétiteur mais il n'aime pas forcément la concurrence parce que passer devant l'autre c'est un peu compliqué et il n'y a pas de place pour l'amitié. Quand il arrive à Paris, les supporters scandaient le nom de Keylor Navas et ça avait énervé Gianluigi. Keylor était professionnel, il s'en était bien aperçu et finalement, il n'entrait plus pour l'échauffement, pour lui faciliter la tâche. Mais à un moment, on lui a dit : "si tu retourner le public, tu dois faire de bons matches car tout part de là". Si tu fais son background, Gigio c'est un Prix Yachine après avoir remporté l'Euro et c'est désormais le capitaine de l'Italie. Et il n'a que 26 ans !".

Les arrivées de Matveï Safonov et Arnau Tenas n'ont pas eu d'effet sur lui, sans doute parce qu'ils n'étaient pas de véritables dangers pour lui : "l'ego doit parler. Mais si on lui avait ramené un Marc-André ter Stegen par exemple, ça aurait été différent parce que c'est une toute autre concurrence. Certains gardiens n'ont pas besoin de concurrence et ils savent se mettre dans leur bulle pour être compétitif. Si on met Gigio dans les meilleures conditions, il va vous rendre toute cette confiance accordée".

Cela se traduit évidemment par des spécifiques individuels mais pas uniquement. "Il y a tout un travail collectif qui est réalisé par rapport à Gianluigi, notamment sur les sorties de balle, avec des centraux qui lui proposent vite des solutions, sur les relances, éclaire Padovani. C'est cette importance qui lui donne des responsabilités et il en a besoin"

Deux parades qui ont fait la différence

Désormais à l'Inter, Gianluca Spinelli s'occupe d'Yann Sommer, l'un des héros de la qualification contre le Barça. Malgré 6 buts encaissés, le Suisse a réalisé des prouesses et, selon Jean-Daniel Padovani, la venue de son ancien collègue chez les Nerazzurri a joué un rôle : "Sommer, on l'a découvert sur le tard mais, malgré son âge, il continue d'évoluer et Gianluca n'y est pas indifférent. Rien n'est laissé au hasard avec lui. C'est une méthologie complète sur tout".

Le meilleur exemple est sa parade incroyable pour mettre Lamine Yamal en échec alors que l'Inter menait 4-3 en prolongation et "Pado" l'illustre d'autant mieux qu'il partage avec Sommer des mensurations équivalentes, à peine au-dessus du mètre 80 : "peut-être que quelques années plus tôt, il aurait joué un peu plus haut du fait de sa taille pour anticiper et fermer les angles. Sommer a cette lecture du jeu, l'anticipation, la gestion de la profondeur mais aussi son placement sur certaines situations. L'enroulé de Lamine Yamal, c'est travaillé en amont. En restant sur la ligne, le ballon revient vers toi alors que c'est beaucoup plus dur à sortir en étant placé plus haut. C'est technique mais il faut savoir l'analyser et le comprendre. Ses arrêts sont surtout sur sa ligne et c'est travaillé pour répondre à toutes les situations".

Une bonne quinzaine de centimètres séparent le Suisse de l'Italien sous la toise. Pourtant, il existe un socle commun de travail qu'utilise Spinelli qui parvient à compenser le déficit d'envergure de l'Intériste : "Sommer est plus explosif, plus rapide et les exercices sont mis en place par rapport à ses spécificités. Ce qu'on voit chez Donnarumma dans le placement, on le retrouve chez Sommer mais avec des qualités différentes, si bien que la question de la taille ne se pose pas". 

Cela vaut aussi dans l'autre sens avec, là aussi, une parade décisive et magistrale en demi-finale retour. "Quand on voit la parade sur le tir de Martin Odegaard au ralenti, on voit cette technique qui fait partie de cette méthologie de Gianluca", explique Padovani. Qui étaye sa pensée : "il y a 4 sortes de plongeon : effacement deux jambes, effacement une jambe, poussée à une jambe et une poussée avec déplacement à une jambe. Là, on le voit dans sa posture : il est déjà assez bas, avec les épaules en avant et il se donne la possibilité de faire cet effacement à deux jambes pour pouvoir s'étendre. Si tu pousses avec ton pied côté ballon, peut-être que tu détournes avec les jambes. C'est pour enlever cette gêne. C'est travaillé sur la distance des ballons et à force de le repéter... On retrouve tout ça dans sa posture". 

Deux styles différents

Une anecdote de "Pado" illustre mieux qu'une autre l'attention toute particulière mise par Spinelli dans l'analyse pointue des comportements des gardiens. Et peut-être faut-il y avoir quelque chose de prémonitoire dans leur parcours à l'Inter : "au PSG, on faisait beaucoup de retours vidéo avec Gigio. Le PSG avait affronté le Bayern et Gianluca avait mis une caméra fixe sur Sommer pour la prise d'information à l'opposée. Il aimait ce profil et il était déjà dans l'analyse. C'est peut-être même lui qui a poussé pour recruter Sommer à l'Inter. C'est plus simple d'apprécier le joueur pour appliquer une méthodologie". 

Gianluca Spinelli (debout à gauche) vient féliciter Yann Sommer à la fin d'Inter-Barça (4-3)
Gianluca Spinelli (debout à gauche) vient féliciter Yann Sommer à la fin d'Inter-Barça (4-3)Marco Luzzani/Getty Images via AFP

Les évolutions du poste ont été colossales ces 25 dernières et il est obligatoire à présent de devenir le plus structuré possible pour faire une grande carrière, y compris pour les profils hors du commun : "avant, les grands gardiens ne savaient pas aller au sol mais savaient s'imposer dans les airs. Ils sont beaucoup plus complets maintenant". Mais cela n'empêche pas les hésitations sur des points a priori forts : "si tu compares Sommer et Donnarumma sur les sorties aériennes, Gigio se dit qu'il va y aller parce qu'il doit profiter de sa taille, alors qu'Yann se dit qu'il va y aller s'il le peut, parce qu'il est plus explosif sur la ligne. Donnarumma a peut-être ce stress parce qu'il se sent obligé de sortir. Maintenant, il a moins peur d'aller au contact mais les sorties aériennes, c'est un état d'esprit, il faut aimer aller au carton". Et c'est bien plus complexe qu'on ne pourrait l'imaginer : "il y a un travail d'analyse, de placement, de sécurité de la part des coéquipiers à effectuer, notamment sur les coups de pied arrêtés. On en revient à la confiance collective. C'est un travail de staff et collectif à mettre en place". 

Lui-même très méticuleux dans ses séances, Padovani a ainsi pu travailler avec un collègue particulièrement perfectionniste et cette collaboration avec un gardien d'exception a renforcé cette passion qui unit cette confrérie : "quand je faisais du spécifique à mon époque de mon joueur, c'était "tu cours, tu sautes, tu plonges". Aujourd'hui, c'est technique, tactique, physique, mental. C'est sans fin ! Il y a des séances uniquement en lien avec le match et ce côté cognitif, de prise d'information est très intéressant. La technique vient avec ça, y compris avec le jeu au pied. Tout s'imbrique et dès le plus jeune âge. On ne va plus sur le terrain au hasard et il faut sensibiliser les gardiens pour qu'ils prennent du plaisir. Tu dois d'adapter par rapport aux profils, à l'âge. Il ne faut pas s'endormir pour ne pas lasser et continuer à partager pour apprendre".

Sensible à cette approche, Donnarumma a pris un nouvel envol au PSG au contact de Spinelli qui le connaît mieux que quiconque. Un avantage pour Simone Inzaghi et les attaquants nerazzurri ?