Flashscore - À 27 ans, vous semblez avoir trouvé une stabilité dans le monde du football, après une carrière marquée par des hauts et des bas. Vous êtes actuellement à l’Alanyaspor, vous avez fait une saison pleine (34 matches, plus de 2000 minutes jouées) : comment vous sentez-vous ?
Gaius Makouta - Tout d'abord, je me sens bien. Je me sens bien physiquement. Là, en ce moment, on est en pleine préparation pour la nouvelle saison. Et il faut savoir que l'année dernière, je n'avais pas eu de pré-saison comme j'étais "free agent", donc joueur libre. Du coup, j'avais signé au club fin juillet, pratiquement début août. Ça fait que derrière, on avait directement repris le championnat. Donc, je n'avais pas vraiment eu de préparation collective. Donc, c'est vrai que là, cette année, de pouvoir avoir une préparation collective, j'espère que ça va m'aider à pouvoir être encore plus performant et réussir de meilleures choses que la saison dernière.
FS - La meilleure des choses pour repartir sur une bonne base...
GM - Bien sûr, bien sûr. Parce que déjà, je ne m'entraîne pas tout seul. Ce n'est pas la même chose de s'entraîner tout seul, de faire de la course que d'être sur un terrain, de courir derrière un ballon, de presser l'adversaire. Ce ne sont pas les mêmes efforts. Ça ne demande pas la même énergie. Du coup, bien sûr que pour moi, ça me fait du bien de pouvoir faire une préparation pratiquement complète.
FS - Avez-vous été surpris par le niveau footballistique en Turquie ?
GM - Franchement, d'un point de vue global, c'est un bon championnat. Il y a des gros clubs qui ramènent des grands noms, des gros joueurs. Donc, ça reste un championnat franchement qualitatif avec des équipes qui essaient de bien jouer. Il y a beaucoup d'engagement. Il y a beaucoup de contacts. Après, c'est un championnat qui est ouvert. Il y a beaucoup de "box-to-box" parce qu'à partir d'un moment, les espaces s'ouvrent. Après, c'est dans la continuité de ce que j'ai pu connaître. J'ai joué en Grèce, en Irlande, au Portugal, en Bulgarie. Je le classe quand même dans les meilleurs championnats dans lesquels j'ai joué.
FS - Justement, le Portugal, vous situez où le championnat turc par rapport au championnat portugais ?
GM - Je pense que c'est quand même après le Portugal... Dans le championnat portugais, il y a vraiment beaucoup de talent, beaucoup de bons joueurs. Le championnat est relevé. On voit aussi qu'il y a beaucoup de joueurs qui s'exportent. Mais je les mets quand même pas très loin l'un de l'autre en termes de niveau. Maintenant, je pense que le Portugal, c'est quand même un peu mieux.
FS - Qu'est-ce qui les différencie d'après vous ?
GM - En fait, c'est leur manière de travailler, je pense. Leur manière de travailler, la manière comment ils mettent les choses en place, la manière de voir le football. Ils sont souvent dans les détails. Surtout tactiquement, ça travaille très bien. Techniquement, il faut savoir que les budgets que tu as au Portugal ne sont pas les mêmes que tu as en Turquie. Mais pourtant, avec les moyens qu'ils ont à leur disposition, ils arrivent à mettre en place de très bonnes choses avec leurs équipes, à faire du beau travail. Et on peut voir aujourd'hui dans le monde entier qu'il y a beaucoup d'entraîneurs portugais dans des grosses équipes, des gros clubs et dans différents championnats. Donc je pense que oui, la différence se fait vraiment dans l'approche des tactiques, dans le travail qui est mis en place. C'est plus pointilleux, je dirais.
FS - Maintenant, s'il y a bien un point commun entre les les deux pays, c'est cette passion pour le football...
GM - Je pense que, malgré tout, la Turquie, c'est vraiment au-dessus. Au niveau de la ferveur, au niveau de la passion, ils aiment trop le football dans ce pays-là. Franchement, c'est au-dessus du Portugal. Si tu me demandes les meilleures ambiances que j’ai connu, je te dirais que c’est avec l’équipe nationale. Franchement, en termes de ferveur, la sélection, l'Afrique, c'est... waouh. Donc, je dirais vraiment la sélection. Ensuite, t'as le stade de Benfica, aussi, qui est pas mal. Et après, en Turquie, il y a de bonnes ambiances.
FS - Vous avez un contrat jusqu’en 2027, donc encore deux ans a priori pour vous en Turquie. Comment voyez-vous votre avenir et aimeriez-vous pourquoi pas tenter autre chose à terme (top 5 Europe, Arabie saoudite) ?
GM - Oui, bien sûr. Après, tu sais que ce sont tes performances qui vont te ramener certaines choses. Donc, tu peux ne pas t'attendre à certaines offres. Mais au vu de tes performances, il y a certaines offres ou certains clubs qui peuvent s'intéresser à toi. Après, moi, par rapport à ma carrière, par rapport à la trajectoire que j’ai eu, en prenant en compte aussi que je suis plus proche du début que de la fin, le cadre familial, les réflexions ne sont pas les mêmes… J’essaye aussi de préparer doucement l’avenir. Donc, premièrement, c'est vraiment déjà de laisser ma trace ici. De m'imposer et d'être un maillon essentiel de mon équipe, de faire les matchs qu'il faut. Et comme vous le dites, j'ai un contrat. Donc, après, ça ne me dérangerait pas de respecter mon contrat. Si toutes les choses sont en place et qu'on reste une équipe compétitive pour jouer le championnat. Après, je ne dis pas qu'on va gagner le championnat ou terminer dans les cinq premiers. Mais voilà, faire de bonnes saisons, c'est toujours motivant. Parce que voilà, ma famille aussi, elle se sent bien ici. Moi, dans le club aussi, je me sens bien. Et après, derrière, s'il y a des performances qui me permettent d'atteindre le top 5 de la Turquie, moi, je suis quelqu'un qui est quand même ambitieux et compétitif. Du coup, ce sont des choses qui ne se refuseraient pas. Mais après, oui, c'est vrai que je suis souvent allé en vacances aux Émirats. Et c'est aussi un style de vie qui me plaît. Je sais que là-bas aussi, on peut s'épanouir. Et qu'il y a un championnat qui, certes, n'est pas aussi compétitif que les championnats européens ou le championnat turc. Mais voilà, après, il faut essayer d'allier la vie familiale et le travail.
FS - Et sur le terrain, sentez-vous qu'à 28 ans, vous avez encore une marge de progression ?
GM - Oui, je pense qu'on peut toujours mieux faire. Je pense qu'on peut toujours mieux faire, peu importe l'âge, même à 33 ans, 34 ans ou même 40 ans, comme tu vois, Cristiano Ronaldo. Je pense qu'on peut toujours repousser les limites. Aujourd'hui, voilà, j'ai 28 ans. Donc, je pense que là, je vais rentrer vraiment dans mes meilleures années de footballeur. Donc, bien sûr, j'aspire à toujours faire mieux et à être meilleur que la veille.
FS - Avant d’en arriver là, vous avez connu beaucoup d’expériences qui n’ont pas abouti. Je pense aux différents centres de formations, puis à l’Irlande et la Grèce. Quelle a été la pire épreuve à vivre sur le moment, mais qui est celle qui vous a le plus forgé ?
GM - Je pense que le déclic, ça a été quand j'étais au Havre. Du coup, j'étais arrivé en U19 deuxième année, je m'entraînais déjà avec la réserve. Parfois, j'avais eu quelques entraînements avec l'équipe première. Le fait de ne pas être passé à ce moment-là stagiaire pro, ensuite, j'ai dû repartir à la vie normale. C'est-à-dire, je suis retourné chez mes parents. Ça faisait depuis 13 ans que j'avais quitté la maison familiale. J'ai dû revenir chez mes parents, j'ai travaillé à l'usine. En même temps, je jouais dans un club amateur. J'ai repris un peu la vie normale. Parce qu'après, derrière, c'est là que j'ai eu l'Irlande, puis la Grèce et la Bulgarie, etc. Je pense que j'aurais pu arrêter ou me dire que c'était fini, ou essayer d'aller jouer dans une N2 ou N3, comme pas mal de gens l'ont fait. Mais c'est vrai qu'après, j'ai eu ma chance et j'ai su la saisir. Si je devais prendre un passage, je pense que ce serait celui-là.
FS - Y a-t-il quelque chose, que vous auriez pu faire durant cette période, que vous ne reproduiriez plus aujourd’hui ? (Ça peut être quelque chose lié au perso, au comportement, à une décision prise)
GM - Je pense que chaque chose qui se passe, fait que j'arrive jusqu'ici. Quand je rentre chez mes parents, honnêtement, je doute. Et j'ai envie de faire un break. Du coup, je ne pense plus au football. Je ne cherche même pas à m'entraîner dans un club. Je ne cherche même pas un nouveau challenge, rien du tout. Je voulais juste partir en vacances et me vider la tête. Comme je l'ai dit, c'est l'une des meilleures périodes de ma vie. Et pourtant, on va dire que ce n'était pas la plus rose. Mais franchement, pour moi, c'est l'une des meilleures périodes de ma vie. C'est à ce moment-là que je rencontre également ma femme. J'ai pu retrouver mes amis d'enfance. J'ai pu être présent à certains événements que je ratais quand j'étais en centre de formation. Donc, c'est vrai que cette période-là de ma vie, franchement, c'est l'une des meilleures.
FS - Quelque temps après arrive le Portugal, vous avez trouvé un second souffle, notamment à Covilha puis à Braga B…
GM - En fait, quand j'arrive au Portugal, au début, j'arrive et je dois faire mes preuves. Je fais ce qu'il y a à faire et ça se passe plutôt bien sur les un an et demi où je reste à Covilha. Et derrière, je me fais acheter par Braga du coup en janvier 2019. Et là, c'est comme un second souffle... Même si je venais avec l'équipe B au départ, parce que j'étais jeune, je me dis que Braga, c'est un gros club, c'est un gros nom. Et je me dis dans ma tête, je suis là où je dois être. C'est dans ce genre de club que je dois être. Et c'est pour ça que vraiment, c'est un second souffle et c'est une satisfaction. Bien que j'arrive en équipe B et que le chemin est encore long. Mais c'est vrai que quand je me fais recruter par Braga, je suis quand même soulagé et satisfait.
FS - Mais les choses vont se corser à Braga, entre le fait que vous ne vous sentiez pas assez mis en valeur, que vous jouez avec les jeunes. Même l’arrivée d’un coach comme Ruben Amorim ne vous motive pas à repartir à zéro, malgré une discussion avec lui. Racontez-nous ce moment et, avec le recul, regrettez-vous et pensez-vous que les choses auraient pu être différentes.
GM - Quand j'arrive en janvier 2019, l'objectif, c'est de finir les six mois avec l'équipe B. Et derrière, si ça se passe bien, soit intégrer l'équipe première pour la pré-saison ou sinon partir en prêt dans un autre club. Car j'allais finir ma deuxième saison pleine en deuxième division. Et donc, pour moi, je sentais qu'il fallait que je passe encore un cap. Et malheureusement, quand j'arrive à Braga B, ils sont dans la zone rouge. On finit alors par descendre en troisième division. Donc pour moi, c'est encore plus clair, je me devais de partir ou rester avec l'équipe première. Mais là, ils me disent que le club compte sur moi, etc. Or, je me retrouve avec l'équipe B, toujours en troisième division. Et c'est compliqué parce qu'il y a beaucoup de jeunes. Le championnat n'est pas très attractif. Donc, entre guillemets, dans ma tête, je me dis que c'est comme si je perdais mon temps. Donc forcément, il y a une envie de partir.
Puis là arrive Ruben Amorim. Il me dit qu'il a vu les matchs de l'équipe, qu'il a vu comment je joue, qu'il était très enthousiaste à l'idée de travailler avec moi, que j'avais un fort potentiel, etc. Qu'il sait que dans ma tête, ça ne va pas très bien et que j'ai envie de partir. Mais il me dit de l'aider, lui. De l'aider sur le terrain, avec mes performances, avec mon investissement, et que lui, en retour, il m'aiderait. Maintenant, c'est vrai que c'est la période où j'étais vraiment borné. J'avais du mal avec l'idée de rester dans le club en troisième division. Je ne me sentais pas à ma place. Et avec Ruben Amorim, je n'ai pas joué. J'ai joué peut-être une ou deux fois. J'étais toujours dans le groupe, mais je ne jouais pas. Et c'est vrai que c'était une phase assez compliquée.
Maintenant, ce que j'aurais fait de différent, c'est de garder mon investissement. Quoi qu'il arrive. Que je joue, que je ne joue pas, que je sois content ou pas. J'aurais dû garder mon investissement et montrer de quoi je suis capable. C'est la seule chose que j'aurais fait différemment. Parce qu'après, dire que je regrette... Aujourd'hui, c'est facile. Quand on voit qu'après Amorim, il est parti au Sporting, et qu'aujourd'hui, il est à Manchester. On va te dire : "tu ne regrettes pas d'avoir fait ci ou ça". Mais si demain, Amorim n'avait pas eu cette trajectoire, les gens ne m'auraient pas posé cette question. Donc, c'est facile de dire "oui, je regrette". De dire "peut-être que si j'avais fait les choses mieux, peut-être qu'aujourd'hui, je serais à Manchester". Alors que non, je ne pense pas que ça se passe comme ça. Après, en vrai, j'ai toujours gardé une bonne relation avec lui. Quand je jouais après à Boavista et quand je jouais contre le Sporting, je parlais avec lui tout le temps, etc. Il me demandait comment ça allait, qu'il suivait mes performances. Donc, la seule chose vraiment que j'aurais changé, c'était juste mon investissement de toujours garder l'envie de travailler et de montrer un meilleur visage. Je pense que c'est ça que j'aurais changé. Sinon, après, le reste, je ne regrette pas. Parce que derrière, je suis parti en Bulgarie. Et là-bas, j'étais très très épanoui.
FS - Après ce prêt en Bulgarie, puis un retour à Braga, vous êtes envoyé à Boavista. Là, vous trouvez la stabilité et vous explosez… Enfin !
GM - Déjà, la Bulgarie, c'était la première fois que je jouais en première division parce qu'avant ça, je n'avais jamais joué en première division. Bon, j'avais joué en Irlande, mais bon, voilà... Là, c'est vraiment la première fois où je joue pleinement en première division, constamment. J'enchaîne les matchs. Parce qu'en Irlande, je ne jouais pas.
Quand j'arrive à Boavista, il faut savoir que j'appartenais toujours à Braga avant. Donc, quand je fais cette bonne saison en Bulgarie, je me dis que Braga, peut-être qu'ils ont vu, qu'ils vont me donner une chance avec l'équipe première. Mais quand j'arrive à Braga, ils me mettent directement dans un loft. On est donc cinq joueurs, on ne s'entraîne pas avec le groupe le temps qu'on trouve un club. C'est vrai que j'avais émis le souhait de partir quand j'étais avec l'équipe B. Mais là, après la saison que j'avais fait, avec l'âge que j'avais, 21 ans, je me suis dit que peut-être, j'allais avoir ma chance avec l'équipe première.
Malheureusement, eux, ils sont toujours restés sur le fait que je voulais partir et ils ne comptaient pas sur moi. Et il faut savoir que je n'avais pas de mercato. Je n'avais pas de club. Je n'avais rien du tout. Pendant au moins trois semaines, je restais à Braga. J'étais à deux doigts de signer à Châteauroux en National. Et tu as mes anciens agents qui me contactent, qui me disent, que Boavista est intéressé. Le coach appréciait mon profil. Le directeur, le président, tout le monde était d'accord. J'ai dit ok sans réfléchir. Je ne voulais même pas savoir combien j'allais gagner. J'ai pensé direct première division, Portugal. Beaucoup de ventes au Portugal. C'est un grand championnat qui est beaucoup regardé. Tu as la chance de jouer contre Benfica, contre Porto, contre Sporting. Et Boavista, ça reste quand même un club historique. Pour moi, c'était une opportunité que je devais absolument saisir.
FS - De loin, comment vivez-vous le fait que le club de Boavista puisse traverser une période aussi compliquée ?
GM - J'ai mes trois années là-bas et malgré les hauts et les bas, j'ai toujours eu du soutien. Ils ont toujours montré de la ferveur et de l'amour pour nous et même pour le club. Ce sont vraiment de vrais fans, de vrais passionnés. Ils aiment vraiment leur club. Je pense que pour eux, ça doit être dur. Maintenant, je sais que c'est un club qui sait se relever, ils savent se battre, ils l'ont déjà montré dans le passé quand ils sont descendus en 3ᵉ division. C'est un club qui n'abandonne jamais. Donc, j'espère pour eux que d'ici quelques années, très rapidement, ils vont revenir en première division.
FS - Que peut-on peut vous souhaiter de bon à court, moyen et long terme ?
GM - À court terme, la santé, pas de blessures. J'espère beaucoup de victoires avec mon club, beaucoup de buts. Moyen terme, toujours la santé, être sur mes deux pattes. Et puis toujours à jouer au foot et à prendre du plaisir et à pouvoir prendre soin de ma famille. Je pense que c'est ça le plus important pour moi. Et à long terme, ce que j'aimerais bien faire, c'est consultant. Dans la même veine qu'un Johan Micoud. J'aime bien les débats, j'aime bien parler de foot, j'aime bien regarder les matchs. Je regarde beaucoup, beaucoup de matchs, surtout les matchs de mes amis, et n'importe lesquels. Certains jouent au Canada, d'autres en Lituanie... Donc oui, j'aime bien parler de football, et franchement, consultant.
Agent, trop compliqué, mais bon, après si tu as des contacts, ça peut aller vite. Coach, c'est beaucoup de stress accumulé. Chacun de tes joueurs a sa manière d'être, sa personnalité, c'est trop compliqué. Par contre, je me verrais bien faire troisième coach ou quatrième coach, dans un staff adjoint. Mais oui, en premier lieu, c'est consultant !