Club doyen du football italien, le Genoa FC a inauguré le 28 août dernier son nouveau centre sportif dédié à la formation, la Badia di Sant’Andrea, une ancienne abbaye datant du XIIᵉ siècle, nichée sur la colline d'Erzelli. S'il est le plus vieux club de la Botte, il est également reconnu pour avoir été le premier club à avoir fondé une "section jeunesse" ("sezione giovanile") dès 1902.
Guidés par cette tradition, les Rossoblù ont franchi une étape importante dans leur histoire en réformant ce bâtiment séculaire chargé d'histoire, pour y construire son avenir. Avec près de 4,5 millions d’euros investis, le tout en impliquant les tifosi via une souscription rassemblant un millier de donateurs, le Genoa tient là son nouveau centre de formation, qui sera achevé en décembre 2026.
"C'est une belle coïncidence que le club le plus ancien de l'Italie ayant le centre de formation le plus ancien d'Italie ait pu investir dans un bâtiment historique, si riche de culture, et ce, à disposition de nos jeunes joueurs, nous confie Roberto Trapani, le responsable de la section jeunesse du Genoa. Le club maintient ce lien important et c'est certainement un élément d'orgueil et d'honneur pour nous. La Badia est un symbole historique de la ville et elle devient ainsi la maison du club, chaude et accueillante, pour les familles et pour les enfants".
La formation, entre devoir et nécessité pour le Genoa
"La décision de venir à Genoa a été très facile à prendre. Quand j'ai parlé avec Andrés Blázquez et au président Dan Şucu, ils m'ont fait immédiatement comprendre que pour le club, la section jeune n'était pas seulement une philosophie, mais aussi une nécessité. L'investissement dans une infrastructure si importante est sans aucun doute la témoignage de cela. Pour améliorer sa section jeune, le club a voulu et a dû investir dans une infrastructure belle, fascinante, magnifique et historique, comme est la Badia", explique Trapani.
Dans un monde où le football est en constante évolution et dans lequel lutter contre les clubs historiques devient de plus en plus compliqué pour les clubs jugés "mid", investir – ou parier – sur la jeunesse peut s'avérer être une solution à moyen/long terme. Et c'est vers cela que le Genoa veut tendre pour les prochaines saisons. Habitués au ventre mou de la Serie A depuis sa remontée dans l'élite après la saison 2022-2023, les Rouge et Bleu sont actuellement dans une situation délicate au classement (18ᵉˢ, 7 points), ce qui a poussé la direction à remplacer Patrick Vieira par Daniele De Rossi durant cette trêve internationale.
Le contrat de la légende de l'AS Roma court sur six mois, assorti d’une prolongation automatique d’un an en cas de maintien. L'objectif à court terme est forcément de se rester dans la plus haute catégorie, lui qui a avoué rejoindre le Genoa "par passion pour le club et pour l’atmosphère unique du Luigi Ferraris". À moyen terme, si le Genoa se maintient, sa mission, entre autres, sera celle d'intégrer rapidement des jeunes du centre de formation.
Pur produit du football italien, l'entraîneur de 42 ans intègre donc une società qui veut donner la chance à son avenir, comme l'a fait la Roma avec lui en 2001. Et c'est ce qu'il a commencé à faire, puisque depuis qu'il a pris en main les entraînements de l'équipe première, ce dernier a fait monter plusieurs joueurs de la Primavera (l'équipe réserve du club), dont ses trois frenchies Gael Lafont, Mamedi Doucouré et Jayden Nsingi.

"Rejoindre le Genoa a été une décision naturelle, car nous avions la même volonté de développer un centre de formation où l'objectif était d'amener le plus de jeunes possibles en équipe première, poursuit Trapani. Et ici, c'est beaucoup plus facile, parce que le gap entre la Primavera et l'équipe première est moindre par rapport à d'autres top clubs. Surtout, a première note positive que j'ai notée en arrivant, c'est l'importance que le club donne à sa jeunesse".
"Ce ne sont pas des paroles, ce sont des faits, tant notre président que notre CEO. Et c'est ce qui m'a le plus plu ici. Vous savez, beaucoup de fois en Italie, on dit que la jeunesse est importante, mais dans la pratique, ce n'est pas le cas... Ici, au Genoa, celle-ci a une place primordiale. D'un côté, ça vous donne la bonne pression parce que vous avez une responsabilité importante. Et d'un autre côté, c'est un honneur de faire partie d'une structure qui, chaque année, envoie en Serie A plus de joueurs que d'autres clubs".
"Compte tenu de la saison dernière, de là où je venais, à l'OM, le projet du Genoa m'a redonné un second souffle, témoigne Lafont à Flashscore France. Dès qu'on monte à l'entraînement, on sent aussi que le staff est proche de toi, ils sont à l'écoute. Ils n'hésitent pas à nous faire rester plus à l'entraînement pour travailler. Et ça, c'est rare quand on vient des jeunes. Car généralement, ils sont focalisés sur les joueurs de la première équipe".
De la Badia à la Serie A : la voie express des espoirs rossoblù
Trois terrains, un centre de rééducation, une cafétéria, une cuisine, une salle d'étude, une salle de détente, de deux bureaux (un pour la section jeunes et un pour la section femmes), un espace d'accueil, une salle de réunion et une buanderie : la Badia di Sant’Andrea offre les meilleures conditions aux 39 pensionnaires appelés vivants au quotidien dans le monastère réformé.
"Certains joueurs de la Primavera vivent ici et ça va jusqu'au U15. Les jeunes grandissent ici jusqu'à l'âge de 18 ans. Dès leur majorité, ils sortent de la Badia et nous les aidons à trouver une maison ou un autre appartement. Au total, il y a 39 joueurs, mais avec une capacité totale de 40. Nous gardons un chambre libre pour les jeunes qui viennent de l'extérieur pour passer des tests. Donc, la capacité maximale est de 40 chambres. Après la deuxième phase des travaux, nous aurons dix chambres de plus, et ce, pour arriver à un total de 50 chambres. En plus, certaines chambres qui ont aujourd'hui une utilisation unique deviendront des chambres doubles", explique Trapani.
"On sent que le club a fait un grand pas via cet investissement. Tout est mieux organisé contrairement à l'année passée, on sent que la Badia est un vrai centre de formation, nous raconte Mamedi Doucouré (18 ans), défenseur central de la Primavera. Jayden Nsingi (18 ans), également défenseur central, enchaîne : "on se réveille le matin, petit déjeuner. Ensuite, à midi, on mange. Et à 13h, il y a un minibus qui vient nous chercher, il nous enmène au terrain, on s'entraîne. C'est à peu près à 10 minutes d'ici. Et pareil, pour le retour, à la fin de l'entraînement, le minibus nous récupère et nous dépose à la Badia. Le soir, on mange à 20h. Nos entraînements sont l'après-midi, sauf les veilles de match, c'est le matin".
"Moi personnellement, ça se passe vraiment bien, j'ai ma chambre, je suis tout seul (rires). Au départ, je voulais prendre mon appartement, mais comme je suis tout seul dans ma chambre, alors qu'il y a des gens, ils sont à deux dans leur chambre, je me suis dit 'je reste ici'. Je mange ici, je fais tout ! C'est mieux pour moi, je ne suis pas quelqu'un qui cuisine. Le club est aux petits soins avec nous", poursuit l'ancien joueur de l'Hellas Vérone.
Mettre dans les meilleures conditions ses jeunes joueurs, tel est l'objectif du Genoa. Dans cette volonté de vouloir intégrer un maximum de jeunes possibles en équipe première dès la saison prochaine, le club italien fait de la Badia une maison familiale "made in Genoa FC" pour intégrer au mieux ses espoirs. Arrivé en provenance de l'OM l'été dernier, Gael Lafont redoutait forcément ses premiers jours loin de sa ville natale, Marseille. Des doutes qui se sont évaporés rapidement : "l'intégration, ça se fait très rapidement. Dès la semaine où je suis arrivé, j'ai joué la suivante et je me suis bien senti. Honnêtement, je trouve que c'est le bon augure pour la suite. Aussi, avec Mamedi et Jayden, le fait qu'il y ait des Français, ça m'a aidé, ça permet de faciliter".
"Notre premier objectif est d'accompagner un joueur à fort potentiel de la catégorie Primavera à l'équipe première dans le moins de temps possible, nous explique Roberto Trapani. Parfois, il y a des joueurs qui ont besoin de plus de temps, qui nécessitent peut-être d'être prêtés ailleurs. C'est pourquoi son contrat est alors prolongé automatiquement et le garçon est envoyé en prêt dans l'un des clubs avec lesquels nous collaborons. Il faut alors faire comprendre au garçon que le projet n'est pas pour un an, mais pour plusieurs années. Et là, une fois dehors, nous prenons un an de plus pour pouvoir l'observer et lui garantir une stratégie de retour à Genoa".
Passer par la tradition pour relancer tout un système
Et puis il y a des cas particuliers, comme ceux d'Honest Ahanor, révélation de la saison passée, latéral gauche de 17 ans transféré pour 17 millions d’euros, cet été, à l’Atalanta Bergame. De l'argent qui fait du bien pour un club qui peut chercher l'équilibre financier via ce genre d'opération, même si ce n'est pas encore totalement dans ses habitudes. Ce genre d'opération s'est produit avec Luca Lipani deux étés auparavant, transféré pour 8 millions à Sassuolo, ou encore avec Nicolò Rovella, envoyé à la Juventus en 2021 pour 26 millions d'euros. Seulement trois ventes donc, un constat pas énorme, mais qui peut changer à terme au regard du virage pris par le club italien avec l'inauguration de la Badia et cette volonté "d'amener des jeunes en équipe première".
"Pour moi, c'est évident. Nous avons des jeunes qui sont de plus en plus prêts pour arriver en équipe première. Je pense à Lafont, Nuredini, Celic, Doucouré, Nsingi, Zulevich, Galvano, Gibertini ou Scaglione. Mais ce que nous devons faire, c'est d'éviter de mettre de la pression, tout en évitant d'avoir peur. Parce que, de nombreuses fois, en Italie, on a eu peur à cause de l'âge, de lancer les jeunes dans le grand bain. C'est ce que nous devons éviter", insiste Trapani.
Dans un pays où le système de formation est en crise depuis plusieurs années, le Genoa cherche à relancer la machine. Si une partie de ses joueurs provient de l'étranger, une autre est forcément originaire d'Italie. Et forcément, un projet comme celui-ci ne peut qu'être positif pour le football italien. L'exemple d'Ahanor doit être considéré comme "un point de référence pour tous ses jeunes", dans un club qui se vante d'être "le premier club de l'histoire de football italien à avoir lancé une section jeune, le sixième en Europe". Par cette tradition, les Rouge et Bleu souhaitent donner un nouvel élan à son championnat, lui qui est celui qui compte le plus grand nombre d’étrangers au sein des effectifs professionnels (62 %).
Mais la porte est également ouverte aux jeunes venus de l'étranger, des joueurs prêts à découvrir une nouvelle philosophie et une autre façon de penser le football. "La différence avec la France, lorsqu'on joue un match, l'adversaire, on passe du temps à l'évaluer, la semaine d'avant on l'observe et on le connaît, explique Doucouré. Tactiquement, on fait deux ou trois vidéos par semaine. Tu sais déjà comment ton joueur joue. C'est comme chez les pros, c'est très tactique. En gros, si tu te rates, si on prend un but, forcément, il y a quelqu'un qui a fait une erreur tactique".
"Moi, ce qui m'a le plus marqué, c'est plus l'agressivité, développe à son tour Nsingi. En France, c'est un peu plus tranquille. En France, les attaquants ne pressent pas trop. Mais ici, le premier défenseur c'est l'attaque, et ils n'hésitent pas à venir te chercher haut".
"À mon sens, j'ai la sensation qu'ils ont conscience que dans leur rôle d'attaquant, ils doivent aussi défendre. En tout cas ils mettent autant de détermination que lorsqu'ils attaquent, poursuit Lafont. Globalement, je trouve que le championnat Primavera est très relevé. On sent que tout le monde est impliqué autour de l'équipe, autour d'un projet. En France, on est plus individualiste".
Un championnat relevé dans lequel le Genoa est actuellement troisième, à deux points du leader, la Fiorentina, et à un point du deuxième, la Roma. Dans le rétro des Rouges et Bleu se trouvent des équipes comme l'Inter, le Milan, la Juve ou le Napoli, même si les trois Français insistent sur le fait que le championnat est "très variable", étant donné qu'on peut se retrouver leader comme 10ᵉ en l'espace de 15 jours. "Tous les week-ends, il y a des matches difficiles à jouer, que ce soit n'importe quelle équipe : tu peux jouer une équipe qui va être costaud et qui va t'attendre défensivement, après tu vas jouer une équipe qui joue très direct, puis une équipe qui joue très bien au ballon, qui te domine... C'est très stimulant", ajoute le joueur formé à Strasbourg.
"Les résultats sont jusqu'ici positifs, mais d'un côté, ils sont inattendus. Car, en étant réaliste, il se peut que nous soyons en surégime, conclut Trapani. Comme je le dis toujours, notre Scudetto, notre victoire, ne doit pas être de gagner la Primavera. La remporter serait exceptionnel. Mais, notre Scudetto doit être de faire en sorte que le plus de jeunes possibles disputent des minutes dans ce championnat cette saison et la prochaine. Là est notre objectif et celui-ci nous permettra d'atteindre les autres objectifs fixés par le club, comme celui d'intégrer rapidement des jeunes en équipe première".

