"Je ne me voyais pas finir autrement qu'avec le trophée." Alors que ses coéquipières défilent pour se prendre en photo avec le 18e trophée de championnes de France de l’Olympique lyonnais, Eugénie Le Sommer, héritière du brassard d’un soir, a rendez-vous avec les journalistes en zone mixte. Très professionnelle, même pour sa dernière sous le maillot rhodanien, elle répond avec le sourire et la distance de quelqu’un qui ne réalise pas totalement qu’elle vient de fermer une parenthèse, "un chapitre ou un livre peut-être" comme elle le dit si bien. 15 ans à l’Olympique lyonnais. 15 ans entre ses 20 et 35 ans.
"Au moment de quitter le terrain, je me suis dit que c'était mon dernier match ici sans doute. Ça fait quelque chose. J'ai connu beaucoup de matchs, beaucoup de titres ici et c'est une page qui se tourne et c'est pour ça que c'est touchant", répond Le Sommer, remplacée à la 72e minute par Tabitha Chawinga. La légende de l’Olympique lyonnais partage cette dernière avec Wendie Renard. Les deux joueuses ont longuement discuté toutes les deux avant de soulever la Première Ligue ensemble, Renard lui ayant légué son brassard.
"Je la connais et je ne suis pas étonnée qu'elle fasse ça, mais ça fait chaud au coeur. Je ne la remercierai jamais assez d'avoir eu ce geste, sourit celle qui est arrivée quatre années après Wendie Renard à l’OL, en 2010. Elle n'était pas obligée, elle l'a fait donc ça compte beaucoup pour moi." Les deux joueuses avaient déjà dit tout le bien qu’elles pensent l’une de l’autre réciproquement avant cette ultime adieu à l’occasion d’une conférence de presse commune.
Tout un groupe OL lui rend hommage
"C’est une belle femme, avait clamé la capitaine lyonnaise les larmes aux yeux. Elle n’est pas très grande (sourire), mais elle a beaucoup de valeurs, on a beaucoup de choses en commun. Elle sait combien je l’apprécie, que je l’aime même parce que depuis toutes ces années, on a vécu beaucoup de chose ensemble, se remettre en question, fêter des titres, se relever. On s’est connues très jeunes, aujourd’hui, on est désormais des femmes matures."
C’est avec elle qu’Eugénie Le Sommer a joué le plus de matchs. 429 matchs au total, pour 383 victoires, 314 buts, 141 passes décisives et 33 trophées remportés (13 championnats, 8 Ligues de champions, 9 Coupes de France, 3 Trophées des championnes). "C'est quelqu'un qui est dans mon cœur, lui renvoie la numéro 9 en zone mixte. Et ça va bien au-delà du foot. On passe beaucoup de temps ensemble, parfois plus qu’avec nos familles. Donc quand on gagne ensemble, c'est encore plus beau. J’ai beaucoup de très bons souvenirs avec elle c'est quelqu'un qui restera une amie."
Au bal des hommages se présente aussi Selma Bacha, qui a déjà adressé une longue carte pour saluer sa "copine" après l’annonce de son départ sur ses réseaux sociaux. "Vous voulez que je pleure ?, rigole la latérale lyonnaise quand un journaliste lui demande de réagir à cette dernière émouvante. Eugénie c'est une légende. (…) Il y a des gens qui marquent des carrières et elle a marqué la mienne. Elle a toujours trouvé les mots justes, elle m'a fait avancer, elle m'a donné de bons conseils. Et je sais que même si demain elle ne jouera plus avec moi, je sais qu'on gardera contact."
Un départ forcé avant des retrouvailles à l'Euro
Les adieux sont d’autant plus déchirants qu’ils ne sont pas vraiment voulus. "Ce n’était pas forcément un choix que j’aurais fait, mais c’est comme ça, répondait Eugénie Le Sommer en conférence de presse d’avant-match. J’aurais bien aimé finir ma carrière ici, honnêtement. Mais dans le foot, ce n’est pas toujours ce qu’on prévoit qui se réalise." À 35 ans et après n’avoir connu que deux clubs dans sa carrière, le Stade briochin et l’Olympique lyonnais, elle se retrouve donc contrainte de trouver un nouveau point de chute, "sûrement à l’étranger". Elle pourrait rester dans le galaxie de Michele Kang, propriétaire de l’OL, et s’engager avec les London City Lionesses, club tout juste promu en Women’s Super League anglaise. Son salaire actuel étant impossible à prendre en charge pour la quasi-entièreté de la Première Ligue française.
En attendant, Eugénie Le Sommer retrouvera Wendie Renard et Selma Bacha sous la tunique bleue, pour un Euro cet été en Suisse, qui pourrait être sa dernière grande compétition internationale. Mais la jeune latérale préfère d’abord savourer cette dernière comme il se doit avec sa copine, pour "bien se focaliser sur l’Euro" ensuite. La numéro 9 de l’Olympique lyonnais, qui elle a vécu une saison compliquée d’un point de vue sportif - seulement 10 titularisations en club, 1 seule en équipe de France - explique avoir aussi dû jongler avec un lot d’émotions constant.
"Il y a eu beaucoup de moments dans cette saison, je crois que c'est la saison où j'ai eu le plus de moments marquants, faisant aussi écho à son record de sélections en équipe de France. Et ce n'est pas facile parce qu'il faut rester focus, il faut rester concentrée. Mais ces trois derniers jours ça n'a pas été facile." Des jours également compliqués pour l’OL dans son ensemble, qui disait au revoir ce vendredi soir à six autres joueuses en fin de contrat, Daniëlle Van de Donk, Dzsenifer Marozsán, Sara Däbritz, Sofia Huerta, Laura Benkarth et Vanessa Gilles. Symbole d’une fin d’ère en marche forcée, menée par la propriétaire Michelle Kang, qui s’apprête à annoncer d’autres bouleversements dans les prochains jours.