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Orpheline d'un grand 9, l'Espagne est-elle pourtant la meilleure équipe offensive d'Europe ?

Luis de la Fuente, Lamine Yamal et Nico Williams lors d'Espagne-Angleterre.
Luis de la Fuente, Lamine Yamal et Nico Williams lors d'Espagne-Angleterre. JAVIER SORIANO/AFP
La tenante du titre de la Ligue des nations affronte ce dimanche les Pays-Bas à Mestalla dans un quart de finale retour qui s'annonce bien différent du premier match. L'Espagne, qui a arraché le nul à Kuip à la 93e (2-2), a une nouvelle fois démontré avoir plus d'un tour dans son sac pour marquer des buts. Devant son public, elle espère dérouler son meilleur football.

Villa, Torres, Raúl, Morientes ou Luis Enrique et autrefois, Butragueño, Luis Suárez, Santillana, Di Stéfano : la liste des numéros 9 qui ont marqué l'histoire de la sélection espagnole est longue comme le bras. Pourtant, depuis la génération dorée du début des années 2010, l'Espagne peine à retrouver un attaquant de pointe digne de tous ces noms, capable de scorer depuis n'importe quelle position et de sentir le but tel un renard des surfaces. Piégé dans cette révolution du football promue par Pep Guardiola, la "Selección" a dû s'adapter à ce nouveau football durant la fin des années 2010 jusqu'au début des années 2020, laissant donc de côté l'utilisation de ces 9 à l'ancienne et voyant, surtout, ses centres de formation ne plus produire ce type de joueur. 

Pour cette sélection, les eaux ont été bien troubles entre la fin du règne de Vicente del Bosque jusqu'à l'arrivée de Luis Enrique. Mais le technicien du Paris Saint-Germain a su redresser la barre d'une équipe en perdition depuis une dizaine d'années, reproposant un football attractif avec un retour à l'optimisme. Faire beaucoup avec peu, c'est ce que ce dernier est parvenu à réaliser, notamment à l'Euro 2020 où les Espagnols étaient à deux doigts de se qualifier en finale face à l'Italie. La Coupe du monde 2022, elle, et le 8e de finale contre le Maroc ont une nouvelle fois mis en exergue les limites d'un système de jeu qui, quand il est bien pris par les cornes, devient susceptible d'être défait. 

Est arrivé alors un nouveau sélectionneur avec des idées "traditionnelles" à ce qui se fait depuis 10 ans, mais aussi avec de nouvelles convictions : l'attaque de l'Espagne devait également passer par un football de transition. C'est en réalisant un mélange de ces deux visions que Luis de la Fuente est parvenu à remporter deux titres en deux ans : l'Euro 2024 et la Ligue des nations 2023. À l'aube d'une nouvelle Coupe du monde aux USA, l'Espagne semble être devenu la première puissance offensive européenne, et ce, sans un grand numéro 9. 

Quand jeu de position et jeu de transition font bon ménage

En effet, affirmer que Morata est un grand numéro 9 serait une lubie. Et pourtant, celui qui est passé par le Real Madrid, l'Atlético, une partie de l'Europe, et presque le Barça est le capitaine de cette sélection championne d'Europe devant Rodri ou Carvajal. C'est dire à quel point l'homme est important, et ce, en n'offrant pas les chiffres dignes d'un bon attaquant de pointe. 

Quand Luis de la Fuente prend en charge cette équipe, le sélectionneur âgé alors de 62 ans veut rompre définitivement avec cette tradition du jeu de position. L'idée n'est pas de l'exclure totalement, mais de l'associer avec un football plus moderne, plus direct, plus vertical. Un exemple simple, si Luis Enrique préférait positionner Ferran Torres et Dani Olmo sur les côtés, en titularisant Asencio en pointe, LDLF met un trident, Nico Williams, Lamine Yamal et Morata. Un choix fort qui marque la volonté de se différencier et de faire du jeu de transition une nouvelle arme redoutable. 

Et ça fonctionne puisque les deux ailiers deviennent progressivement des acteurs majeurs du jeu espagnol. Et cela passe par des buts, certes, mais surtout par cette faculté à jouer bien plus rapidement vers l'avant, à percuter et à tenter de faire des différences par le dribble ou la capacité d'accélération. Une arme entièrement nouvelle qui révolutionne un système de jeu gardant ses fondements et son jeu de position la plupart du temps. Sauf qu'à présent, si l'Espagne peut jouer en transition, elle n'hésite pas ou, plutôt, elle ne s'oblige pas à malgré tout entamer une longue série de passes après récupération. 

Et ça fait du bien. Certains matches sont remportés à l'Euro grâce au football vertical, notamment face à la Croatie ou l'Angleterre, et d'autres, grâce au football de position aidé par des ailiers verticaux, comme face à la Géorgie ou la FranceLuis de la Fuente a donc trouvé la formule pour combiner au mieux le jeu de position avec le jeu de transition sur certaines phases de jeu. Un "game changer" qui leur a valu un 4e sacre européen. 

La machine à buts espagnole marque sans un crack en pointe  

À l'Euro, l'Espagne termine meilleure attaque de la compétition avec 15 buts en 7 matches disputés, soit 2,14 buts par rencontre. Une donnée qui montre que la sélection espagnole a bien évolué, elle qui pêchait face aux buts compétition après compétition avant l'arrivée de Luis de la Fuente. Cette tendance se poursuit jusqu'à aujourd'hui puisque la Roja maintient ses standings de l'été durant cette Ligue des nations avec un total de 15 buts… en 7 rencontres ! 

Le sélectionneur le sait, pour dominer les adversaires, il faut savoir marquer dans n'importe quel situation de jeu. Que ce soit après une longue phase de possession, une attaque directe, sur une frappe de loin, un coup de tête ou un rebond du gardien, l'Espagne sait y faire et est une équipe en confiance. Toute l'équipe participe et tous peuvent finaliser, titulaires comme remplaçants. Surtout, celle-ci ne s'appuie pas sur un avant-centre pour enchaîner les pions. Lamine Yamal, Nico, Olmo, Oyarzabal, Merino, Rodri, Fabian : LDLF s'appuie sur l'ensemble de son effectif pour scorer. L'attaquant de pointe, Morata, n'aura finalement marqué qu'un seul but durant toute la compétition, participant à des tâches plus ingrates pour un 9, mais hyper importante dans le système mis en place.

Être un 9 de collectif, c'est ce que l'Espagne demande à son capitaine, elle qui dans le passé s'est toujours appuyée sur ses avant-centres. Pour le moment, ça fonctionne : ce jeudi à Rotterdam, le talent individuel de Nico a fait la différence sur le 1-0 et le sens du but d'un milieu central comme Merino a permis aux Espagnols d'arracher le nul. Même quand elle rencontre des difficultés, la Roja trouve des ressources, car elle est en confiance. Nul doute, à l'instant T, elle est la meilleure équipe offensive d'Europe et ce match retour à Valence peut une nouvelle fois le prouver, alors qu'elle est invaincue depuis un an tout pile (17 matches). Si elle parvient à remporter encore une fois la Ligue des nations, attention à l'Espagne à la prochaine Coupe du monde.