C’est l’histoire d’un joueur qui à 29 ans découvre la sélection croate pour la première fois et participe à son premier Euro en 2021 grâce à l’élargissement des groupes permis dans les années post-Covid. Quatre ans plus tard, Ante Budimir connaît enfin son moment de gloire en pointe de l’attaque des Vatreni, lorsqu’il crucifie les Bleus dans un quart de finale aller décisif en Ligue des nations, obtenant un pénalty et marquant de la tête dans un succès 2-0.
"Ivan (Perisic) s’est retrouvé sur l'aile gauche, a centré vers l'avant et j'ai parfaitement synchronisé ma course dans la surface. J’ai eu un peu de chance", sourit le premier buteur croate en zone mixte ensuite, toujours très humble. Celui qui porte le numéro 11 de la Croatie ne fait pas figure de star au pays, malgré cette performance capitale dans l’éternelle quête de trophée de la sélection. Ante Budimir, né à Zenica en ex-Yougoslavie, n’est passé ni par le centre de formation du Dinamo Zagreb ni par celui de Hajduk Split, les deux clubs les plus populaires.
Un parcours cabossé
Il fait partie de ces quelques joueurs encore présents dans l’effectif croate à avoir vu leur enfance être secouée par la guerre, fuyant la Bosnie-Herzégovine dans les bras de sa mère à l’âge de six mois pour se réfugier en Croatie. Il emprunte des chemins de traverse vers le football de haut niveau : une formation au club peu triomphant du NK Radnik, des débuts en professionnel au HNK Gorica, avant de jouer deux saisons à l’Inter Zaprešić puis une saison au Lokomotiva Zagreb.
Au total, Ante Budimir a joué dans dix clubs et quatre pays différents, avant de recevoir sa première convocation avec les Vatreni en 2020, alors qu’il joue à Majorque. "Ma carrière est un peu différente de si tu regardes les carrières des autres gars qui sont à mes côtés, commentait-il en 2021 dans une interview pour Ultimo Diez. Je viens de petites équipes, disons un chemin alternatif, et ça me rend fier, ça me fait sentir spécial." À l’époque, l’attaquant ne croyait même pas faire partie du groupe de Zlatko Dalić pour l’Euro et s’attendait à passer son été "sur la plage à boire des coups avec sa famille".
Une explosion sur le tard pour accéder enfin à la sélection
Aujourd’hui, Budimir est une légende à Osasuna, club qu’il a rejoint en 2020, en devenant le meilleur buteur des Rojillos en première division, avec 59 buts inscrits en Liga en à peine cinq saisons. Le sélectionneur croate applaudit : "Il est devenu une légende dans son club tout en étant étranger. Regardez la liste des buteurs en championnat espagnol : 1er Lewandowski, 2ème Mbappé et 3ème Budimir. C’est une grande réussite pour lui et pour le football croate. Il a obtenu tout cela grâce à son travail acharné et à son attitude."
Pourtant, si Zlatko Dalić a été le seul et unique sélectionneur des Vatreni à lui faire confiance, il n’a jamais fait de Budimir son avant-centre phare. En 45 convocations pour 29 matchs disputés, il n’a été titulaire qu’à 13 reprises sous le maillot à damiers, pour quatre petits buts. Le 21 novembre 2023, il marquait même son premier but en match compétitif lors des qualifications à l’Euro face à l’Arménie (victoire 1-0). Un but décisif, comme celui qu’il a marqué face à la France jeudi.
"Grâce à ses performances, il a gagné sa place dans l'équipe nationale. Il a travaillé dur défensivement, c'est pourquoi nous l'avons remplacé en début de seconde période", le félicitait sobrement le sélectionneur croate après la victoire face à la France (2-0). Entre la dernière titularisation de Budimir lors de la débâcle 3-0 face à l’Espagne en phase de groupes du dernier Euro et celle de jeudi dernier, Dalić a testé Bruno Petković, Andrej Kramarić ou Igor Matanović en pointe de son attaque. La blessure au pied du jeune avant-centre de l’Eintracht Francfort a permis au troisième meilleur buteur espagnol de retrouver une place dans le XI.
Une nouvelle place dans les coeurs croates
L’attaquant qui s’est révélé sur le tard a su prendre une place dans le groupe croate en raison aussi du manque cruel d’avant-centre performant dans la formation croate. La recherche du nouveau Mario Mandžukić patine, même si certains voient dans le jeu de l’attaquant d’Osasuna des similitudes avec ce que faisait l’ancienne légende. Cette saison, il a par exemple marqué la moitié de ses buts dans le jeu de la tête (en plus de 4 du pied gauche et 7 pénalties).
Sa performance face à la France lui a en tout cas permis de mettre momentanément fin au début du poste d’avant-centre titulaire avec la sélection et est annoncé dans le XI pour le quart de finale retour par la presse croate. Une presse enfin reconnaissante envers son nouveau "héros" qui "a conquis les coeurs de tout le pays". "Il a souvent été négligé en équipe nationale ces dernières années. Beaucoup de joueurs à sa place auraient depuis longtemps fait preuve d’une rébellion évidente. Mais pas Ante, qui a toujours fait preuve de calme et de modération dans ses déclarations pour ne pas perturber l'ambiance autour de l'équipe nationale", salue Večernji List dans un édito.