Interview Flashscore - Melvine Malard : "Le football, pour moi, c'est une partie de plaisir"

Melvine Malard avec les Bleues
Melvine Malard avec les BleuesINA FASSBENDER/AFP

Melvine Malard, 25 ans, traverse une très belle période dans sa carrière. L'attaquante est la deuxième meilleure buteuse du championnat anglais avec Manchester United et devrait être la numéro 9 titulaire de l'équipe de France en petite finale de Ligue des nations face à la Suède en l'absence de Marie-Antoinette Katoto. Elle se confie pour Flashscore sur les raisons de son excellent début de saison.

Flashscore : Comment ça va ?

Melvine Malard : Écoutez, ça va bien. On a retrouvé nos collègues et les ensembles bleus, donc c'est cool. Là, nous préparons un match important qui arrive très vite, et nous sommes concentrées.

En vous voyant jouer sur ce début de saison, on a l'impression que tout vous réussit. Est-ce que vous avez ce sentiment aussi ?

Oui et non. J'ai encore des choses à travailler, mais c'est vrai que je me sens bien. Je pense que j'ai beaucoup travaillé cet été, après l'Euro, physiquement et mentalement. Sur le terrain, ça se ressent : j'essaie de jouer un peu plus calme, un peu plus lucide, et ça me réussit. J'arrive à trouver cette liberté, collective et individuelle, sur le terrain. C'est top pour moi et pour la confiance de mes coéquipières.

Vous semblez très libérée sur le terrain... 

Oui, je pense que je prends de l'expérience maintenant, que ce soit avec l'équipe de France ou surtout à Manchester, car cela fait trois ans que je suis là-bas. Je suis dans ma troisième année. Je m'habitue un peu plus et c'est dans la continuité de ce que j'ai fait auparavant.

"Même si tu peux être meilleure buteuse après cinq journées, il en reste encore 20"

Vous avez très bien démarré avec Manchester United, marquant beaucoup de buts en championnat et en Ligue des Champions. Comment expliquez-vous d'avoir marqué autant de buts sur ce début de saison ?

Autant de buts... Oui et non, parce qu'en efficacité, je pense que je peux encore faire mieux. Mais c'est vrai que je me sens bien et marquer des buts en début de saison, ça fait plaisir. Je me sens plus concernée, je prends de l'expérience, donc je sais ce que j'ai à faire sur le terrain. Ça me réussit plutôt pas mal, surtout que je joue un peu plus maintenant avec Manchester. J'espère que ça va continuer.

L'atmosphère joue-t-elle un rôle ? L'ambiance semble bonne à United et en équipe de France.

Clairement. À Manchester, je suis là depuis trois ans, donc je me sens mieux avec l'équipe et mes coéquipières. Nous nous sentons bien dans cette saison, nous sommes troisièmes, nous jouons la Ligue des Champions. Il y a plus de confiance, plus de positivité. En équipe de France, c'est pareil : j'ai un coach et un staff qui nous font confiance et nous aident énormément. L'équipe se construit et avance petit à petit. Je pense que dans chaque endroit où je suis aujourd'hui, je n'ai pas à me mettre la pression, car tout va bien et ça se passe bien. C'est à continuer.

Vous êtes juste derrière Khadija Shaw au classement des meilleures buteuses de la WSL. Est-ce que l'objectif est de passer devant et de rester en tête ?

Forcément, je suis attaquante, donc marquer reste important. Mais je ne me focalise pas énormément sur les statistiques, car c'est ce qui peut mettre de la pression. J'ai 25 ans, je sais ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas mettre comme idée dans la tête. J'essaie d'être au maximum libérée dans mon esprit. Ce n'est pas réellement ce qui compte. Mon but est d'aider l'équipe, d'être décisive quand il le faut. Je le vois plutôt comme une motivation supplémentaire. Je marque si je dois marquer, car je suis attaquante, mais je donne si je dois donner. Je suis dans un championnat extrêmement compétitif. Même si tu peux être meilleure buteuse après cinq journées, il en reste encore 20. La saison va être très longue. Le plus important est d'être stable, de trouver de la stabilité et d'être performante.

"Je suis beaucoup suivie et aimée"

Vous sentez que vous avez passé un cap dans votre carrière ?

Peut-être. C'est ma troisième année à Manchester, et je le ressens personnellement : je suis un peu plus intégrée, je comprends un peu mieux le jeu là-bas. Maintenant, j'ai juste à jouer. La première année était un peu plus compliquée ; tu arrives dans un championnat, tu apprends à le connaître, à connaître les joueuses. Maintenant que je suis dans la troisième, je me dis : "Allez, c'est parti, je joue !"

En étant meilleure buteuse après cinq journées, vous vous sentez plus attendue à chaque match ?

Non, je ne pense pas. Je prends chaque match de la même manière : pour gagner avec l'équipe. Si j'ai des actions devant le but, c'est à moi d'être efficace et de concrétiser. Sinon, je n'ai pas de pression.

Vous êtes un peu une chouchoute du public de Manchester United...

C'est vrai que là-bas je suis beaucoup suivie et aimée. Le public me chante des chants avec nos noms de famille... C'est un plaisir de jouer au football dans ces conditions. C'est une partie de plaisir, et quand tu joues devant les publics de Manchester, ou même en équipe de France, où le public est de plus en plus avec nous, tu prends énormément de plaisir. C'est là où, personnellement, je me sens libre. C'est cool.

Vous avez récemment été récompensée du prix de "personnalité de l'année". Ça atteste un peu de cet amour !

Oui, c'est cool. Comme dit ma copine, c'est important que les gens voient ma personnalité, c'est ce que je veux montrer : être moi-même à chaque endroit où je mets les pieds. Ce n'est pas un objectif en soi, mais j'essaie de rester moi-même, et les gens l'ont remarqué et aiment ma personnalité.

"Quand tu te sens bien dans ta vie personnelle, le professionnel suit"

Quelle place a cette création de contenus dans votre quotidien ?

Je suis une footballeuse professionnelle dans la vie et c'est vrai que ma copine est un peu plus "influenceuse" de son côté. Notre quotidien est de profiter de la vie. Nous avons des moments de travail et de passion, mais aussi des moments en couple que nous essayons de partager avec les gens qui nous suivent et qui nous aiment. C'est bien d'être aimée, appréciée. Nous faisons tout simplement des choses que nous avons envie de faire, sans se forcer.

Est-ce que le fait d'être en Angleterre vous a rendue plus à l'aise de vous afficher avec votre copine, sachant qu'en France, il y a encore des réticences sur cette question ?

C'est justement en Angleterre que j'ai commencé à m'afficher avec ma copine et à faire pas mal de choses, et on a vu que ça plaisait et que ça ne dérangeait personne. Maintenant que nous sommes lancées, que nous soyons en France ou ailleurs, je ne pense pas que nous allons nous arrêter. Surtout que s'arrêter, c'est limiter les gens à faire ces choses simples de la vie. Je pense qu'en France, il y a plus de difficultés, et c'est pour cela qu'il faut continuer à le faire partout où l'on va, pour libérer un peu plus. Ce sont des choses qui se font naturellement, donc nous le faisons. Si ça banalise l'homosexualité, tant mieux, mais je ne pense pas à ça quand je le fais. Je le fais juste parce que je suis bien.

C'est donc une question d'épanouissement personnel qui influence le professionnel ?

Forcément. Quand tu te sens bien dans ta vie personnelle, le professionnel suit. Quand ça se passe bien professionnellement, ça se passe bien aussi dans le personnel. Je suis quelqu'un de positif et j'essaie d'apporter de la positivité dans ma vie. Quand il y a de la négativité, je fais en sorte de la dépasser rapidement, quitte à m'éloigner des gens qui ne sont pas assez bons pour moi. Je cherche toujours des choses pour que mon corps et mon esprit se sentent bien, et quand je me sens bien, je fais en sorte que ça continue comme ça.

Vous diriez que c'est la meilleure période de votre carrière actuellement ?

Non, je ne pense pas. J'ai aussi eu de très bonnes périodes footballistiquement à Lyon en 2022, des choses que je retiens. Mais par rapport à l'expérience dans laquelle je vis, cela reste quand même positif.

"Ma place ici n'est pas acquise"

On vous a parfois reproché un manque de régularité. Comment avez-vous travaillé cet aspect ?

Je suis quelqu'un de positif. J'essaie toujours de me dire : "Je vais travailler." Et c'est ce que je fais au quotidien. À Manchester, je n'avais pas totalement ma place la saison dernière. Aujourd'hui, j'essaie d'avoir ma place à chaque match. C'est pareil en équipe de France : j'essaie de faire en sorte d'être appelée régulièrement, car ce n'est pas un acquis. Mon rôle est de persévérer, de travailler à l'entraînement et de trouver cette efficacité qui me manque encore un peu quand j'ai des actions. Je pense que je suis dans un mélange d'expérience et de jeunesse, et j'ai encore du temps pour travailler et devenir une joueuse plus complète.

Comme tout le monde, on travaille un peu plus devant le but après chaque séance. Je regarde beaucoup de vidéos individuelles, sur les adversaires ou sur moi-même. Je me focalise beaucoup sur le travail, car c'est par le travail qu'on réussira à compléter les choses.

Vous êtes appelée à chaque rassemblement depuis l'arrivée de Laurent Bonadei comme sélectionneur. C'est un facteur de votre réussite actuelle ?

C'est une vraie fierté de porter ce maillot, il faut que je le dise. Je suis fière de porter ce maillot. Je le vois surtout comme une responsabilité supplémentaire : continuer à travailler, à progresser, et à mériter cette confiance que le coach me donne. Ma place ici n'est pas acquise, il y a d'autres joueuses qui progressent. Chaque rassemblement est une chance, une opportunité d'être ici. Il faut toujours travailler et être responsable.

Est-ce que le fait de rentrer en France presque tous les mois pour la sélection a changé votre quotidien ?

Totalement. Rentrer en France me rapproche de ma famille. Ce sont deux choses différentes. En équipe de France, tu représentes une identité, tu as une énergie particulière, tu joues pour tout un pays, donc tu changes totalement de registre.

C'est quoi la différence entre les deux ?

Mon rôle est le même, car je joue à la même position à Manchester United et en équipe de France. Je pense que les deux rôles sont identiques. À Manchester, je suis là depuis trois ans, donc j'ai de l'expérience. En équipe de France, même si la place n'est pas acquise, je suis rappelée régulièrement, et c'est une responsabilité supplémentaire pour apporter mon expérience des rassemblements précédents.

Dans le jeu, les deux coachs vous demandent la même chose sur le terrain ?

Oui et non. Une chose est sûre, c'est l'efficacité devant le but. En tant qu'attaquante, dès que tu peux tuer, tu tues, car chaque action est importante. Après, en Angleterre, on court un peu plus, alors qu'en France, il y a un peu plus de jeu posé et de construction. C'est cool pour moi, car quand je reviens ici ou que je suis à Manchester, j'ai l'impression d'avoir travaillé autre chose, ce qui me complète encore plus en tant que joueuse.

"J'essaie de donner beaucoup d'énergie sur le terrain et en-dehors"

Quel est votre rôle au sein du groupe France et dans le vestiaire ? C'est Laurent Bonadei qui disait que vous étiez importante pour l'ambiance.

Il faudrait demander aux filles ! Mais je pense que je suis quelqu'un d'assez positif. Je parle beaucoup, je parle fort, donc j'essaie tout simplement d'apporter de la bonne humeur avec tout le monde, que ce soit sur le terrain ou en dehors. C'est aussi faire rire quand on peut, tout en respectant le travail que le coach nous donne à faire sur le terrain. Le football, pour moi, c'est une partie de plaisir. J'essaie de donner beaucoup d'énergie sur le terrain et en-dehors

Là vous avez aidé particulièrement Perle Morroni et Anaële Le Moguédec ?

Je ne me force pas à être quelqu'un que je ne suis pas. J'essaie de parler et de mettre de l'énergie avec tout le monde. Perle me connaît depuis longtemps, c'est plus facile, mais je pense que pour Anaële, ce n'est pas compliqué non plus. Nous ne sommes pas des filles extrêmement exigeantes. Je pense qu'on est cool. Mais sur le terrain, nous répondons à l'exigence que l'équipe de France demande, et je pense que toutes les joueuses le savent.

Melvine Malard célébrant son but inscrit face à l'Allemagne lors de la demi-finale retour, le 28 octobre
Melvine Malard célébrant son but inscrit face à l'Allemagne lors de la demi-finale retour, le 28 octobrePhoto par CATHERINE STEENKESTE / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES VIA AFP

Marie-Antoinette Katoto est absente pour ce rassemblement. Pourrait-on vous attendre comme n°9 titulaire, comme ce fut le cas en demi-finale retour contre l'Allemagne ? Est-ce que ça vous met une pression particulière ?

Non, pas de pression. Je ne connais pas encore l'équipe, mais je suis disponible pour le coach, qu'il m'appelle pour le onze de départ ou pour le banc. Chaque fois que je serai sur le terrain, je me donnerai à fond, comme je l'ai toujours fait.

Cette petite finale face à la Suède est-elle un test pour la suite en vue de la Coupe du Monde 2027, dont parle souvent le sélectionneur ? Est-ce un objectif en soi d'obtenir cette médaille de bronze en Ligue des Nations ?

C'est l'objectif qui nous reste à atteindre. Chaque objectif est bon à prendre. La Suède est troisième au classement FIFA, c'est une très bonne équipe. À nous de faire en sorte de gagner ce match. Je pense que nous méritions mieux, mais c'est comme ça. Oui, l'objectif est de gagner et de faire plaisir à notre public de Reims qui viendra nous voir dans le froid. Nous avons des objectifs à court et à long terme avec le staff, et nous sommes dans une continuité pour nous qualifier pour la Coupe du Monde 2027.