Liverpool, leader de la Premier League, affronte le Paris Saint-Germain, pour un huitième de finale aller qui s'annonce spectaculaire mercredi. Cependant, seuls 2.000 supporters de Liverpool sont attendus au Parc des Princes, beaucoup ayant décidé de ne pas revenir dans la capitale française, après le mauvais traitement que leur avaient réservé les autorités locales il y a un peu moins de trois ans.
Revenir à Paris est "trop tôt pour beaucoup de gens", explique à l'AFP John Gibbons, du média indépendant The Anfield Wrap. "Ce n'est pas tant ce qui s'est passé le jour même, il s'est passé beaucoup de choses après aussi. Surtout, le gouvernement (français) n'a pas assumé la responsabilité de ce qui s'est passé."
Ce 28 mai 2022, la finale, remportée 1-0 par le Real Madrid, avait été assombrie par un coup d'envoi retardé de 37 minutes, les supporters ayant du mal à accéder à l'enceinte après avoir été canalisés dans des goulots d'étranglement surchargés.
"Responsabilité principale" de l'UEFA
La police avait tiré des grenades de gaz lacrymogène en direction de milliers de supporters anglais coincés derrière des barrières métalliques. Ces derniers ont dû ensuite répondre à une série d'injustes accusations à la suite de ce chaos.
L'UEFA, l'instance dirigeante du football européen, a d'abord tenté de rejeter la faute sur les supporters arrivés en retard, alors que des milliers d'entre eux avaient été retenus pendant des heures à l'extérieur du stade. Les autorités françaises ont elles affirmé qu'une "fraude à l'échelle industrielle" de faux billets était à l'origine du problème.
Mais une enquête du Sénat français a conclu qu'un dispositif de sécurité mal conçu était à l'origine de la pagaille. Sur quoi un rapport indépendant a affirmé que l'UEFA portait la "responsabilité principale" des défaillances ayant failli transformer le match en "catastrophe mortelle", trouvant "remarquable" que personne n'ait été tué.
Pour de nombreux supporters de Liverpool, ces scènes de chaos ont rappelé la terrible bousculade survenue au stade de Hillsborough en 1989, qui avait entraîné la mort de 97 d'entre eux.
Selon John Gibbons, "il y a un ressort psychologique qui fait que l'on ne veut pas retourner dans un endroit où l'on a vécu une mauvaise expérience, mais aussi le fait que les gens pensent qu'il n'y a rien pour empêcher que cela ne se reproduise".
Pas confiance dans les autorités
Alors que l'organisation des JO 2024 et, quelques mois plus tôt celle de la Coupe du monde de rugby 2023, ont été sans accroc, le ressentiment à l'égard de la politique de deux poids deux mesures à laquelle sont souvent confrontés les supporters de football est toujours présent.
"Heureusement, les Jeux olympiques se sont déroulés en grande partie sans incident, et c'est très bien. Mais je pense qu'il est clair que les gens ont été traités différemment pour cela, parce que c'était le plus grand événement du monde", estime Daniel Austin, fan de Liverpool et journaliste.
Austin est l'un de ceux qui feront tout de même le voyage à Paris, ajoutant que ce serait admettre une "défaite" face aux mensonges répandus que de ne pas s'y rendre. Il comprend toutefois pourquoi certains ne viendront pas.
"Ce n'est pas seulement le fait qu'ils aient vécu quelque chose de très difficile physiquement et mentalement, c'est aussi le fait qu'on leur ait menti pendant des semaines et des mois dans le cadre d'une campagne concertée menée par les autorités", explique-t-il.
Alors ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, aujourd'hui ministre de la Justice, avait accusé les fans des Reds d'être à l'origine de l'abondance de faux billets.
Certains supporters "ne veulent pas être à nouveau confrontés aux mêmes autorités. Ils ne font pas confiance aux personnes responsables, dont beaucoup occupent toujours les mêmes fonctions, pour s'occuper d'eux en tant que visiteurs", assure Daniel Austin.