"Après tant d'années, de galères et de combats...", les chants parisiens résonnent dans de nombreux esprits ce dimanche, au lendemain du second titre français en C1. Et, même si l'objectif n'est pas de crier à l'unisson, cette victoire historique résonne malheureusement trop creuse dans l'esprit collectif…
Il a fallu attendre donc 14 ans pour contempler la réussite du PSG, après de multiples échecs retentissants qui ont contribué à la défiance populaire. Les différentes éliminations parfois prématurées en sont responsables, mais cela ne doit pas empêcher la ferveur populaire de s'exprimer. Or, il est évident que la France fait pâle-figure en matière de spectacle. C'est en grande partie dû au fait que notre pays n'a pas pris la belle habitude de ramener le trophée à la maison. Et, tâchons de le reconnaître, encore plus maintenant.
Car, comme un symbole, c'est une philosophie de jeu étrangère apporté par un entraîneur étranger qui permet au football français de décrocher sa troisième coupe d'Europe. N'est-ce pas là dommageable malgré tout ? Quoi qu'on en dise, c'est un aveu d'échec. Espérons désormais que cela pousse nos institutions et nos mentalités à se métamorphoser dans le but de gagner avec nos propres ressources.
Après le Belge Raymond Goethals en 1993, c'est donc Luis Enrique qui sur le banc d'un club français vainqueur d'une C1. Rappelons par ailleurs que Zinédine Zidane reste le seul technicien tricolore à remporter la plus prestigieuse des compétitions européennes – si l'on occulte les triomphes d'Helenio Herrera dans les années 60 avec l'Inter.
Et, l'ancien entraîneur du FC Barcelone y est donc parvenu en insufflant une philosophie tout à fait contraire à ce qui se fait au sein de l'hexagone – et qui résonne dans l'imaginaire collectif. Rares sont les observateurs qui reconnaissent l'importance de l'esthétisme. C'est logique au regard du pauvre palmarès amassé jusqu'ici. Le jeu de position espagnol a hissé les Parisiens au sommet, reste à savoir si ça suffira pour convaincre le reste du football français.
Un peuple qui n'a d'ailleurs pas compris qu'il était tout simplement logique qu'un Marseillais ne puisse pas soutenir le PSG lors de cette finale. Le supportérisme transcende l'amour d'un pays, car elle représente davantage. Le sujet devient plus problématique lorsque l'on constate que le reste de la population ne saisit pas l'importance d'un tel succès. Cette seconde C1 est tout simplement l'un des plus grands exploits de l'histoire du sport hexagonal. Ne pas saisir l'ampleur du phénomène est plus que dommageable : notre pays manque encore et toujours d'une vraie culture sportive…
Au passage, cette manita sonne comme une revanche… Luis Enrique a vengé Johan Cruyff, 31 ans après. Simone Inzaghi a pris pour ce que Fabio Capello a fait endurer au football et son essence.
Maintenant, ne convient-il pas de comprendre qu'il ne s'agit pas d'un aboutissement, mais d'une confirmation. Celle d'un processus enclenché il y a presque deux ans lorsque les dirigeants qataris ont fait le choix de miser sur un staff convaincu par de nobles idées et qui avaient déjà fait leurs preuves. Laurent Blanc, Unai Emery ou encore Thomas Tuchel ont notamment échoué, parce qu'ils avaient tout à perdre. Ce n'était pas le cas de Luis Enrique, dont le seul objectif restait, reste et restera le contenu plutôt que la finalité.
Il a entre les mains un collectif d'une moyenne d'âge de 25 ans – seul l'Ajax a gagné, en 1995, avec une équipe encore plus jeune dans l'histoire – et ce n'est peut-être que le début d'une dynastie.
Car, malgré tout, on ne parle toujours pas assez du jeu, alors que cela reste l'essentiel. C'est pour quoi nous regardons toutes et tous du football. Le spectacle doit être au centre des débats. Sans rentrer dans les détails – car on pourrait argumenter sur le fait qu'il ne faille pas céder à la culture de l'instant, bien que cela souligne une énième fois à quel point les observateurs manquent cruellement de bon sens quand il s'agit de se référer à l'histoire du football –, le succès parisien est suffisamment historique pour en être fier, tout en n'oubliant pas que nous sommes loin d'être des pionniers en la matière.
À l'inverse, on rend hommage à Désiré Doué pour ses deux buts et sa passe décisive plutôt que sa performance globale, tout en oubliant que Ferenc Puskás et Alfredo Di Stéfano ont inscrit respectivement un quadruplé et un triplé en finale de l'édition 1959-1960. Comme si le football français accaparait soudainement l'histoire d'un sport qui le dépasse depuis des décennies… Et à ceux qui rétorquent que cela fait référence à un passé trop lointain, rappelons que les deux illustres joueurs du Real Madrid n'ont jamais été égalés à ce niveau.
Il convient alors de se poser la question suivante : la France est-elle habituée à perdre ou habituée à ne pas gagner ? Lorsque l'on voit comment notre pays célèbre un tel sacre, l'interrogation semble légitime…
Désormais, un nouveau futur peut se dessiner – celui qui n'est pas arrivé après Séville 1982 ou même 1998. Peut-être que cette Ligue des champions remportée par le Paris Saint-Germain apparaîtra comme un moment de bascule dans l'histoire du sport français. Peut-être que la France est sur le point de devenir un pays de football, doté d'une culture forte, établie à partir d'une histoire fournie. Peut-être que l'on finira par savoir gagner. Seul le temps nous le dira.