Interview Flashscore - Roberto Di Matteo : "Chelsea a toujours su mélanger la culture du football italien avec un environnement international"

Roberto Di Matteo s’est confié à Flashscore à Londres
Roberto Di Matteo s’est confié à Flashscore à LondresFlashscore

Dans cet entretien exclusif tiré du podcast tchèque Livesport Daily de Flashscore, l’ancien milieu de terrain de Chelsea et entraîneur vainqueur de la Ligue des champions, Roberto Di Matteo, revient sur les entraîneurs qui l’ont marqué, son lien émotionnel avec Stamford Bridge et la saison inoubliable de 2012 qui a bouleversé sa vie à jamais.

Cette interview a été réalisée dans le cadre de « The Big Pete », un projet multimédia de Flashscore et CANAL+ Sport qui sera lancé au printemps 2026.

Vous avez joué à la Lazio sous les ordres de Zdenek Zeman, qui est parfois sous-estimé en dehors de l’Italie. Quels souvenirs gardez-vous de lui ?

Ma première année à la Lazio s’est déroulée avec Dino Zoff, puis Zdenek Zeman est arrivé lors de ma deuxième saison. C’était un changement radical. On est passé d’un entraîneur très traditionnel à quelqu’un d’innovant, plein de nouvelles idées. Son football était spectaculaire et offensif. Nous avons pratiqué l’un des plus beaux jeux d’Italie à cette époque, en 4-3-3, tout le monde attaquait, pressing haut.

Trouver l’équilibre entre attaque et défense n’était pas toujours simple, mais en tant que joueur, c’était extrêmement plaisant. Les entraînements étaient très exigeants – il était réputé pour ça – surtout en préparation estivale. Mais nous avons terminé très haut au classement, deuxièmes et troisièmes ces saisons-là, et nous avons proposé un football incroyable. Beaucoup de choses apprises avec lui m’ont ensuite influencé comme entraîneur. 

Quel était, selon vous, l’élément le plus important de la philosophie de jeu de Zeman ?

Il ne jurait que par le football offensif. Il voulait une ligne défensive très haute et un pressing agressif, ce qui était rare au milieu des années 90. On défendait quasiment sur la ligne médiane.

Le système était un 4-3-3, avec deux ailiers, un avant-centre, et les deux milieux relayeurs qui se projetaient. Les ailiers repiquaient dans l’axe, les milieux accompagnaient l’attaque. C’était passionnant à jouer et à regarder, et on travaillait ça chaque jour à l’entraînement.

Roberto Di Matteo (à droite) à la Lazio en 1993
Roberto Di Matteo (à droite) à la Lazio en 1993ČTK / imago sportfotodienst / www.imagephotoagency.it

Quels entraîneurs vous ont le plus marqué dans l’ensemble ?

Rolf Fringer, en Suisse, a été une figure très importante. Il m’a replacé du milieu de terrain en défense centrale car il voulait construire le jeu depuis le gardien. En tant que joueur offensif, voir le jeu depuis l’arrière m’a vraiment aidé à mieux comprendre le football.

Ensuite, il y a eu Arrigo Sacchi avec la sélection nationale. Il était extrêmement novateur, et son Milan était mondialement connu. Nous avons essayé d’imiter ce style avec la Suisse. J’ai aussi eu Ruud Gullit, dont la philosophie était toujours de jouer au ballon, garder la possession et décider du match par le jeu. 

Gullit était alors entraîneur-joueur, n’est-ce pas ?

Oui, au début. Son idée était très claire : si tu gardes le ballon, tu contrôles le match.

Comment voyez-vous la position actuelle de la Lazio dans le football européen ?

Claudio Lotito a repris le club alors qu’il était proche de la faillite et l’a remis sur pied. La Lazio est aujourd’hui stable financièrement, dispute régulièrement des compétitions européennes et fait généralement partie du top 6 de Serie A. Ils ont un public formidable, une ville magnifique, et jouer à l’Olimpico est une expérience incroyable. Et le derby de Rome est l’un des plus beaux matchs du football.

Chelsea a été votre dernier club en tant que joueur. Comment était la période avant l’arrivée de Roman Abramovich ?

L’ambiance était déjà euphorique. Je suis arrivé en 1996, et peu après sont venus (Gianluca) Vialli, (Gianfranco) Zola, (Frank) Leboeuf, (Marcel) Desailly. Nous avons remporté six trophées : la FA Cup, la Coupe des vainqueurs de coupe, la Supercoupe d’Europe, la League Cup. C’était une période très réussie.

L’arrivée d’Abramovich en 2003 a complètement transformé le club. Chelsea est devenu une force sur la scène nationale et internationale, un club mondialement reconnu. 

Comment percevez-vous l’ère Jose Mourinho et les joueurs qui ont suivi ?

Beaucoup de recrues sont arrivées, mais des joueurs comme Petr Cech, John Terry, Frank Lampard, Didier Drogba, Michael Essien, et (John) Obi Mikel sont devenus l’ossature du club pendant de nombreuses années. Ils ont marqué l’histoire en remportant des titres de champion et ont fait de Chelsea une référence. 

Qu’éprouvez-vous encore lorsque vous revenez à Stamford Bridge ?

C’est comme une seconde maison. J’y suis venu comme joueur, supporter et entraîneur. Chelsea a été une part essentielle de ma vie professionnelle et personnelle. Chaque visite est chargée d’émotions.

Vous considérez-vous davantage comme une légende de Chelsea en tant que joueur ou entraîneur ?

Honnêtement, je ne me pose jamais la question. J’ai eu la chance de faire partie de groupes ambitieux et performants – aussi bien comme joueur que comme coach. Le succès vient toujours du collectif.

On vous qualifie souvent de coach intérimaire le plus titré de l’histoire du football. Ce surnom vous dérange-t-il ?

Pas du tout. C’est même devenu une blague entre amis. Je me concentrais uniquement sur le fait de donner le meilleur pour les joueurs, le club et les supporters. 

Comment avez-vous vécu la saison 2011/12 sur le plan personnel ?

C’était des montagnes russes. On a eu des difficultés en championnat, il y a eu des problèmes, et Andre Villas-Boas – un ami proche – est parti. On m’a demandé de prendre la relève jusqu’à la fin de la saison. C’était un défi mais aussi un plaisir, et la fin était totalement imprévisible. On aurait dit la fin parfaite d’un film.

Quand vous repensez à ce parcours en Ligue des champions, quel match vous a le plus marqué ?

Le match retour contre Naples à Stamford Bridge. Il fallait remonter une défaite 3-1. L’ambiance était électrique. J’entends encore le bruit quand on s’est qualifiés. Ce soir-là, tout semblait possible. 

La composition d’équipe avant la finale contre le Bayern Munich a-t-elle été difficile à établir ?

D’un côté, c’était simple car plusieurs joueurs étaient suspendus, donc personne ne pouvait se plaindre. Mais c’était aussi compliqué. Ryan Bertrand a fait ses débuts car il nous apportait le meilleur équilibre à gauche.

On a eu une semaine entière pour préparer la tactique. Une fois l’équipe prête, le reste dépend des joueurs – et on avait des éléments exceptionnels. La préparation et les performances de Petr Cech ont été extraordinaires. 

Où avez-vous fêté la victoire en Ligue des champions ?

De retour à l’hôtel, sur le toit. Les joueurs et leurs familles étaient là. Personne n’a dormi. C’était inattendu, ce qui a rendu la fête encore plus belle. 

Roberto Di Matteo avec John Terry après la victoire en Ligue des champions
Roberto Di Matteo avec John Terry après la victoire en Ligue des championsBack Page Images / Shutterstock Editorial / Profimedia

Quel club ou quel lieu a le plus compté pour vous dans votre vie ?

J’ai eu beaucoup de chance – de Schaffhouse à Rome en passant par Londres. Mais pour moi, ce n’est pas l’endroit qui compte, c’est avec qui on est. La famille et les bonnes personnes sont ce qu’il y a de plus important. 

Beaucoup de grands entraîneurs étaient d’anciens milieux défensifs. Ce poste est-il idéal pour devenir coach ?

En tant que milieu défensif, il faut comprendre à la fois l’attaque et la défense. Cela donne une vision globale du jeu. C’est peut-être un hasard, mais beaucoup de grands entraîneurs ont occupé ce poste. 

Avez-vous toujours voulu devenir entraîneur ?

Non. Je n’y pensais pas en jouant, et même après avoir arrêté, je n’étais pas sûr. Ce n’était pas prévu. 

Pourquoi n’avez-vous pas entraîné en Angleterre récemment ?

Après Aston Villa, j’ai occupé d’autres fonctions dans le football et j’ai trouvé un bon équilibre dans la vie. Je reçois encore quelques offres, mais moins qu’avant. Pour l’instant, je suis très heureux dans ce que je fais.

Le coaching est-il un chapitre clos pour vous ?

Non, pas du tout. Je ne cherche simplement pas activement en ce moment. Qui sait ce que l’avenir nous réserve ? 

Chelsea entretient un lien fort avec l’Italie. Pourquoi cela fonctionne-t-il aussi bien ?

Les entraîneurs italiens sont très bien préparés tactiquement. Chelsea a toujours su mélanger la culture du football italien avec un environnement international, et cette combinaison semble porter ses fruits. 

Êtes-vous en contact avec l’actuel entraîneur de Chelsea, Enzo Maresca ?

Oui. Beaucoup d’entre nous vivent autour de Cobham. On se croise, on joue au golf ou au padel, on se retrouve. C’est une vraie communauté autour du club. 

Comment jugez-vous son travail à Chelsea ?

Il fait du très bon travail. J’aime la façon dont son équipe est organisée et la manière dont elle joue.

Pour finir, comment voyez-vous l’Italie sous Gennaro Gattuso ?

Le football italien est en pleine transition générationnelle. Nous avons des joueurs talentueux, mais il faut plus de confiance et davantage d’opportunités pour les jeunes en Serie A. L’environnement autour de la sélection est solide, et l’avenir s’annonce prometteur. 

L’Italie peut-elle se qualifier pour la prochaine Coupe du monde ?

On croise les doigts. On sera tous derrière eux. J’espère qu’ils y arriveront cette fois.