"Je ne sais pas quels mots employer." Après la claque reçue par l’Olympique lyonnais en demi-finale retour de Ligue des champions, même Joe Montemurro, entraîneur des Fenottes, est abasourdi. Face à Arsenal, son équipe a été dominée dans les largeurs, jusqu’à être menée 4-0 après seulement 60 minutes de jeu. "Elles ont tout fait mieux que nous, on a été deuxième dans tous les compartiments du jeu", admet le coach australien, qui profite d’une question sur ses sensations pour féliciter les Gunners.
Au match aller pourtant, l’OL, octuple champion d’Europe et habitué des dernières finales, avait fait forte impression en s’imposant 2-1 dans un Emirates Stadium bondé. En face, Arsenal ne s’était montré que l’ombre de l’équipe deuxième de Women’s Super League, qui titille encore Chelsea dans sa course au titre. "On a fait un bon match à Londres, résumait Damaris Egurrola. Mais on peut faire mieux." Dans l’efficacité notamment, alors que Lyon avait cadré cinq tirs mais n’en avait fait rentrer que deux.
Un choix au milieu de terrain trop audacieux ?
L’OL n’avait pas non plus pris la grosse tête après ce succès à l’aller et Montemurro avait décidé de faire reposer ses cadres entre ces deux demi-finales, en envoyant l’équipe réserve s’imposer à Nantes (2-0) lors d’un match de Première Ligue joué mercredi. Une heure avant le match, la composition lyonnaise annonçait même un coup tactique du staff lyonnais, en choisissant un 4-2-3-1 audacieux avec Melchie Dumornay en 10 et Ada Hegerberg en pointe, alors même que la Norvégienne n’avait été titulaire qu’à deux autres reprises (face à Reims et Saint-Etienne) en 2025. Symbole d'une volonté de surprendre encore Arsenal malgré la victoire à l'aller.
Fini le 4-3-3 typique avec les trois flèches - Dumornay, Diani, Chawinga - qui permutent à tout va. "On sentait qu’il y avait des espaces entre leur milieu et leur défense et que Melchie pourrait l’exploiter", se défend Montemurro à l’heure du bilan en conférence de presse, assurant n’avoir "pas de regrets". Pourtant, ce choix de faire redescendre l’Haïtienne dans le cœur du jeu et de se priver d’une troisième milieu supplémentaire s’est vite payé par un manque de solutions à la relance pour les défenseures lyonnaises. Vanessa Gilles offre ainsi la première occasion de la partie à Arsenal en relançant directement sur Caitlin Foord dès la 3ᵉ minute, que Kim Little n’est pas loin de concrétiser.
Le début des problèmes pour l’OL, qui finira par encaisser le but qui remet Arsenal dans la double confrontation à la 5e minute, sur un contre-son-camp de Christiane Endler, sortie de sa ligne pour aider Damaris Egurrola dans un duel aérien mal géré. Chose rare pour la tour de contrôle d’1,76 m. "Je n’aime pas pointer du doigt les erreurs individuelles, je soutiens toujours mes joueuses. En 28-29 matchs cette saison, on n’avait jamais vu ces erreurs, mais c’est comme si elles arrivaient toutes aujourd’hui. Est-ce que c’était la pression, le pressing d’Arsenal qui était très haut ?", s’interroge sans avoir la réponse Joe Montemurro.
Un lot d'individualités plutôt qu'une équipe cohérente
Wendie Renard, qui "fêtait" tristement sa 500ᵉ sous le maillot lyonnais, offre un début de réponse : "À partir du moment où on récupère un ballon et qu’on le perd immédiatement, ça demande des efforts, on n’était pas ensemble non plus dans le pressing, on laisse des failles. Quand on veut faire un pressing et récupérer le ballon, on ne peut pas aller les unes après les autres. Il faut qu'on soit ensemble, qu'on soit lucides, avec et sans le ballon, un peu comme Arsenal le font. Si on est très proches les unes des autres, c’est plus facile de pouvoir combiner."
L’équipe a en effet semblé coupée en deux, mise en difficulté par cet élément en moins au milieu de terrain, mais aussi un quatuor offensif désorganisé, qui ne savait plus vraiment quel rôle tenir ni à quelle hauteur se placer. "À 2-0, j’ai pensé qu’avec certains petits ajustements tactiques ça serait suffisant, avant de faire plus ensuite. C’est toujours compliqué. On n’était pas nous-mêmes on a manqué de personnalité, ce n’était pas nous", se lamente toujours l’entraîneur.
Les entrées d’Amel Majri (à la 58ᵉ minute), d’Eugénie Le Sommer et Daniëlle Van de Donk (69ᵉ) ou encore Alice Sombath et Dzsenifer Marozsan (75ᵉ) n’aurons pas suffit à renverser la rencontre, même si la milieu néerlandaise est celle qui permet aux supporters lyonnais d’y croire à nouveau en lançant une action conclue par un but de Melchie Dumornay (1-4).
Les regrets...
"On a largement la qualité pour faire beaucoup mieux, s’agace Vanessa Gilles en zone mixte, arrivée la mine déconfite et ne cessant de ressasser cette action où elle glisse et offre le but du 4-0. C'est nous-mêmes qui n’avons pas été au niveau. Donc il n'y a rien d'autre à dire, juste que c'est inacceptable. Comment on a joué, l'intensité qu'on a mis dès le début, les tacles, on était en retard, la justesse technique, la passion même. C'est juste certainement inacceptable."
"Inacceptable", c’est le mot qui est revenu dans la bouche de tous ce dimanche, après ce qui était la pire défaite de l’Olympique lyonnais en phase à élimination directe de Ligue des champions, club huit fois vainqueur de la compétition. "Il faut arrêter de se chercher des excuses, tance Wendie Renard. Peu importe le système, on est des joueuses de haut niveau et on doit être capable de pouvoir s'adapter, de pouvoir réfléchir sur le terrain. Des fois, on peut travailler un truc toute la semaine et le jour du match l'adversaire nous propose autre chose. Qu’est-ce qu'on fait ? On demande une semaine avant de se mettre au travail ? On n'a pas le choix, il faut à un moment donné se remettre en question individuellement parce que c'est suffisant."
L’Olympique lyonnais a dix jours pour se remettre la tête à l’endroit, faute de jouer la finale de Coupe de France le week-end prochain en raison d’une élimination précoce face à Reims, et montrer un meilleur visage face au Havre pour la dernière journée de Première Ligue. Avant des play-offs où Lyon pourrait tout perdre si elles ne parviennent pas à aller au bout, malgré une domination écrasante lors de la phase régulière du championnat. "Il faut qu'on soit professionnels et qu'on passe à autre chose mais ça va être très dur, prévient Vanessa Gilles, qui ne fait pas dans la langue de bois. La réponse classique ça serait de dire qu’on a d’autres objectifs encore, mais notre saison est basée sur la Ligue des champions. On va être focalisés là-dessus pendant longtemps."
... et l'après
Juste après elle, Vincent Ponsot, qui avait voulu faire de cette soirée une immense fête au Groupama Stadium en ramenant le DJ Feder pour un set de folie après la rencontre, fait la grimace. L’OL a bien réussi à réunir plus de 20 000 personnes pour voir jouer ses féminines certes, mais le spectacle n’a pas été aussi beau que prévu. Lui regrette "un match sans", loin de l’objectif d’aller en finale pour s’offrir "une revanche" après la défaite face au Barça à Bilbao l'an passé. "Vu l’historique et la qualité de l’équipe on peut s’attendre à beaucoup mieux, juge le directeur général de l’OL féminin. À la fin de la saison, nous tirerons un bilan, que ce soit au niveau de l’effectif, du staff, de tout le monde, y compris nous-mêmes, pour tirer les leçons de ce qui s’est passé."
La continuité de Joe Montemurro ferait-elle partie de ces remises en question ? L’entraîneur arrivé cet été en provenance de la Juventus lui assure qu’il ne changera pas pour autant sa manière de faire : "Si vous voulez me juger sur un seul match, vous pouvez le faire, mais je sais que je suis dans le vrai quand j’entraîne de cette façon-là. Je coach sur le positif, je donne de la confiance aux joueuses, je leur donne la liberté de faire ce qu’elles veulent. Je continuerais de coacher de cette façon là, parce que pour moi c’est toujours la bonne façon de faire. On va apprendre et passer à autre chose."
Des mots qui raisonnent dans l’esprit de Wendie Renard : "On n’a pas le choix : notre quotidien de sportive de haut niveau est fait de hauts et de bas. On a un nouvel objectif qui s’envole, mais il reste un titre à aller chercher. Et pour ça, on doit se remettre en question individuellement et collectivement."