Dans cette lutte très serrée pour accrocher la 4e place du championnat de France, dernière qualificative pour la Ligue des champions, via des barrages, ils sont trois voire quatre clubs sur la ligne de départ ce samedi. Les habitués Nice, Lille ou Lyon sont là, mais un petit nouveau s’est greffé au peloton de tête : Strasbourg. 13e la saison passée et même 15e la saison d’avant, le Racing vit une saison historique. Même si sa défaite face à Angers, 13e, lors de l’avant-dernière journée a quelques peu éloigné les hommes de Rosenior.
Cet exercice 2024-25 était l’an 2 de l’arrivée de BlueCo au sein du capital strasbourgeois. Le consortium mené par Todd Boehly et déjà propriétaire de Chelsea après son rachat à Roman Abramovitch constitue ainsi un début de projet de multipropriété. Un changement d’actionnaire jugé nécessaire pour "franchir un cap" estimait alors Marc Keller, toujours président du RCSA malgré le rachat. Depuis, Strasbourg dépense sans compter pour s’attribuer les services de jeunes joueurs prometteurs à travers l’Europe, avec une politique sportive digne de celle de son grand-frère, Chelsea, qui achète à tout va pour ne pas passer à côté du futur Messi.
Un groupe totalement bousculé
Les quatre plus gros transferts de l’histoire du club se sont produits depuis l’arrivée de BlueCo (Abakar Sylla, Emanuel Emegha, Sékou Mara et Sebastian Nanasi), quand 13 des 15 arrivées les plus chères du club l’ont été lors de ces deux dernières saisons. Exit une équipe de Ligue 1 traditionnelle, avec ses cadres historiques et ses quelques jeunes prometteurs du centre de formation, Strasbourg a aujourd'hui un effectif de 22,1 ans de moyenne d’âge - la plus jeune du Top 5 européen - et totalement cosmopolite : 15 nationalités différentes sont représentées dans le vestiaire.
Un savant mélange orchestré par Chelsea, qui y a notamment prêté son gardien Djordje Petrović et son milieu de terrain Andrey Santos, en manque de temps de jeu dans la capitale britannique. Diego Moreira, formé chez les Blues, a lui aussi débarqué en Alsace cet été, en transfert cette fois-ci. Après l’échec de Patrice Viera la saison passée, Chelsea est allé un peu plus loin dans l’anglicisation du vestiaire strasbourgeois cet été en nommant Liam Rosenior, 40 ans et fraichement débarqué de Hull City en Championship.
Liam Rosenior comme nouveau leader
Il a rapidement su imposer un style de jeu offensif et fédérer une armada de jeunes joueurs talentueux qui ont revu leurs ambitions à la hausse en cette fin de saison. "Je me souviens quand je suis arrivé à France. Les gens riaient. Ils disaient qu'ils ne savaient pas qui j'étais. Ça vous motive pour bien faire. Le travail n'est pas fini. Il y a encore de belles choses devant nous", assurait l’entraîneur lors de sa prolongation jusqu’en 2028.
Sa classe biberon a tâtonné au début de saison avant de comprendre sa philosophie de jeu, adepte d'un pressing puissant et d'une volonté d'aspirer son adversaire en pratiquant un jeu de passe très bas. "Quand je suis arrivé, l'intensité a vraiment changé à l'entraînement et cela sert à chacun maintenant pour être suffisamment en forme et couvrir la distance à haute intensité", racontait Rosenior dans un entretien à l’AFP.
Une intensité tout feu tout flamme, qui a parfois coûté cher à Strasbourg en début de saison sur ses quelques trous d’air, avant d’apprendre à mieux gérer les rencontres. Depuis le 9 février, Strasbourg n’a perdu qu’une seule rencontre, face à Angers le week-end passé, et s’est offert les scalps de Lyon (4-2) et du Paris Saint-Germain (2-1) tout en tenant tête à Nice (2-2) et Monaco (0-0).
Une jeunesse gagnante
Après chaque victoire, le même rituel : une danse en cercle au milieu du vestiaire, dont les pas ont souvent été répétés la semaine entre les entraînements. Ce groupe très jeune a commencé à faire parler de lui aussi pour cette joie de vivre communicative, montrant bien que le football est un métier, certes, mais est aussi une passion qui se partage. Liam Rosenior l’assure, si ses joueurs sont toujours prêts à faire les 400 coups, ils savent aussi quand il est nécessaire de se concentrer pour travailler.
"Cette jeunesse est une force, assure Felix Lemaréchal à l’AFP. On court plus, on communique sans gêne. Avec les joueurs qui ont tous le même âge, on peut dire les choses directement. On a tous la même façon de parler." Son entraîneur appuie et estime même qu’il existe "une connexion naturelle" entre ses jeunes joueurs, ce qui favorise la mise en place de ce pressing allant d’Emegha à Petrovic : "Les joueurs aiment jouer les uns avec les autres et chacun est investi pour stopper un tir avec la volonté de toujours avancer."
Des cracks éphémères
Ce n’est pas pour rien que le RCSA est l’équipe de Ligue 1 à avoir parcouru le plus de kilomètres au sprint. Mais au milieu de ce collectif très athlétique, plusieurs noms ont émergé : Emanuel Emegha, buteur néerlandais arrivé en 2023 et qui vit une véritable explosion cette saison (14 buts inscrits, 5e meilleur buteur du championnat), Andrey Santos, milieu de terrain brésilien prêté par Chelsea qui compte 9 buts et 3 passes décisives en plus d’innombrables tacles et récupération. "Je l'adore. C'est mon Rodri. (…) Sa capacité technique à briser les lignes et faire les bonnes décisions avec la balle est digne d'un joueur plus âgé. Il est bien en avance par rapport à son âge", dit même de lui Rosenior.
Les autres satisfactions se nomment Dilane Bakwa, recruté contre 10 millions d’euros en 2023 depuis Bordeaux et aujourd’hui l’un des dynamiteurs du jeu strasbourgeois en l’absence d’Emegha, ou Sebastian Nanasi, étonnant milieu de terrain suédois aux 5 buts et 4 passes décisives. Mais tous ces cracks sur lesquels Chelsea gardent un oeil ne devraient pas rester à Strasbourg la saison prochaine, à moins que certains ne veuillent découvrir la Ligue des champions avec le club alsacien en cas de qualification.
La grève des supporters s'éternise
Un turn-over qui ne passe pas du tout vis-à-vis des supporters locaux. Eux ont la sensation que leur club est devenu l’antichambre de Chelsea, loin de l’identité forte du RCSA par le passé. En signe de protestation contre ce modèle imposé par BlueCo, les Ultra Boys 90 font grève durant les 15 premières minutes de chaque rencontre des leurs, et ce malgré les bons résultats. Ils rejettent la multipropriété, avec la crainte aussi de voir à nouveau Strasbourg disparaître du football professionnel, comme lors des années IMG-McCormack (1997-2003) puis lors de la période Jafar Hilali (2009-2011), deux investisseurs qui ont fini par vendre le club pour un euro symbolique.
Fin janvier, le capitaine Habib Diarra avait demandé après une victoire face à Lille que l’équipe soit encouragée "du début à la fin" de chaque match. Un discours qui a divisé dans les tribunes de la Meinau, une certaine frange des supporters alsaciens jugeant les Ultra Boys 90 trop durs de maintenir la grève malgré les résultats et l’assurance financière qu’apportent BlueCo. C’est devant ce public divisé que Strasbourg espère se qualifier pour la Ligue des champions samedi, dans un match à domicile face au Havre. Une qualification en C1 suffirait à unir tout le monde ?