L’Olympique Lyonnais est une institution du football français : 8 titres de champion de France, 5 Coupe de France, deux demi-finales de Ligue des champions… Basé dans la deuxième ville de France en termes de population, le club rhodanien court aujourd’hui après l’ennemi juré de tout un championnat : le Paris Saint-Germain. Le nouveau géant et ses pétrodollars font la course en tête, seul, depuis l’arrivée du Qatar en 2011. « Un modèle illégal », rétorque John Textor, homme d’affaires américain qui a succédé à Jean-Michel Aulas à la tête de l’OL.
En débarquant dans une Ligue 1 dont son prédécesseur tenait les ficelles grâce à sa longévité extraordinaire dans le milieu, mais aussi à ses rôles successifs auprès de la fédération française de football, l’Américain récemment traité de "cow-boy" par Nasser Al-Khelaïfi, a voulu renverser la table avec son modèle de multi-propriété et sa façon de tenir tête aux instances, dont le président du PSG. Avec un seul but derrière tout ça : refaire de l’Olympique lyonnais un club de Ligue des champions, comme dans les années dorées en 2000 et 2010.
Concurrent pour la 2ᵉ place
"Je veux gagner la Ligue des champions", clamait Textor à son arrivée en 2022, avant d’assurer quelques mois plus tard que ça serait "un échec" si l’OL ne gagnait pas un jour la Ligue 1. De grandes ambitions de débutant, avant de revoir ses ambitions à la baisse deux ans plus tard en entamant sa troisième saison comme propriétaire. "Aujourd’hui, ce club, le grand Olympique Lyonnais, ne peut prétendre qu’à une deuxième place, constatait-il début juillet 2024 dans une interview pour Globo Esporte. On va donner le meilleur de nous-mêmes, j’espère qu’on va leur botter le cul et qu’ils vont faire une mauvaise année. Mais il suffit qu’ils mettent la main à la poche, qu’ils lâchent un peu d’argent du pétrole et c’est fini."
Depuis, John Textor est monté au créneau. Devant la DNCG (commission chargée de surveiller les bilans financiers des clubs français) d’abord, qui l’a sanctionné à chacun de ses passages lors des mercatos, actant d’abord un encadrement de la masse salariale et des indemnités de transferts, avant d’aller jusqu’à le reléguer en Ligue 2 à titre conservatoire en raison d’une dette financière jugée trop élevée. "La décision est infondée, car ils ne comprennent pas le modèle de multipropriété", juge le nouveau boss de l’OL dans une interview pour AS.
En France, l’arrivée de l’Américain et de son Eagle Football Group, qui détient aussi Botafogo et Molenbeek, a fait grincer des dents de nombreux présidents de clubs, dont Pablo Longoria, président de l’Olympique de Marseille. Ses prêts gratuits entre clubs lui appartenant alors que l’OL est sous le coup de sanctions pour ses finances, ses montages financiers pour permettre à un club de rembourser la dette d’un autre sont autant d’astuces qui agacent certains dirigeants, dans un championnat de France exsangue avec des droits TV vendus au rabais.
Une lutte institutionnelle contre le PSG
Pourtant John Textor en est convaincu : son modèle est le seul possible pour espérer rivaliser avec un PSG omnipotent. "Le seul moyen de rivaliser avec l'argent illimité est la collaboration entre les clubs du monde entier, en identifiant les joueurs du monde entier. Trouver onze joueurs qui sont meilleurs que ceux du PSG, grâce au scouting, pourrait nous permettre de rivaliser avec eux, estime-t-il. Mais si j'ai un groupe de présidents de ligue qui se font un devoir d'insulter et d'attaquer le modèle de la propriété multiple tout en protégeant l'argent illimité du modèle du PSG, alors personne ne va rivaliser pour le titre en Ligue 1."
Textor contre-attaque. Après avoir été victime du système mis en place dans le championnat de France à son arrivée, l’homme d’affaires entame désormais une croisade contre le modèle PSG, qu’il dénonce comme étant "illégal" et "violant la législation européenne" : "Le modèle de financement du PSG est illégal, notre modèle est parfaitement légal et nous sommes le modèle sanctionné." Il l’explique simplement : "Il n'est pas légal pour un acteur étranger, un État étranger, de subventionner une entreprise dans l'Union européenne si cela fausse la concurrence."
Sa lutte contre le PSG sur le plan institutionnel passe aussi par sa volonté de ne pas vendre ses meilleurs joueurs au grand rival, alors même que Rayan Cherki a plusieurs fois été cité du côté de Paris lors des trois derniers mercatos. Avec pour objectif de rester compétitif ? Si la mise en avant récente du boss de l’OL s’est surtout faite dans ses invectives à l’establishment du football français, il est aussi celui qui est à l’origine du licenciement de Pierre Sage pour favoriser l’arrivée de Paulo Fonseca, avec l’objectif clair d’au moins accroché une place qualificative pour la Ligue des champions.
Optimiser la probabilité de disputer la Ligue des champions
Pierre Sage, d'homme aux miracles lors de la saison 2023-2024 à monsieur Tout-le-monde à la mi-saison 2024-2025. Avec 8 victoires, 6 nuls, 5 défaites et une 6ᵉ place de Ligue 1, le bilan n'est pas catastrophique fin janvier pour l'OL et l'entraîneur français, mais John Textor se sent obligé de faire un choix fort : "mon travail est de ne pas être trop mené par les émotions. À mi-saison, nous ne sommes pas dans le top 4 et pour y arriver, nous devons battre les équipes du top 4."
Un constat cartésien pour l'homme d'affaires américain qui, dans le Canal Football Club, exposait : "j'ai pour objectif d’optimiser la probabilité de disputer la Ligue des champions. Beaucoup de supporters pensent que Pierre y serait parvenu, c’est peut-être vrai. Mais mon travail est d’augmenter cette probabilité d’y arriver. Que ce soit populaire ou pas."
Ce contexte, associé à la loi du timing et de la possibilité de faire Paulo Fonseca, ont provoqué le licenciement d'un entraîneur qui avait "accompli une sorte de miracle" un an auparavant : "si Pierre (Sage) avait eu les résultats escomptés, il serait toujours l'entraîneur de l'OL, surenchérissait Textor. Mais il y a aussi une notion de timing qui, dans ce cas, nous a souri. J'ai dû prendre une décision. J'ai demandé à mon staff si je devais changer de coach, ils m'ont répondu 'non, ce serait de la folie, c'est trop risqué'. Ensuite, je leur ai demandé s'il était possible d'atteindre la Ligue des champions avec ce coach. Ils m'ont répondu que non. J'ai demandé s'ils voulaient qu'on renonce à nos ambitions de Ligue des champions cette saison, ils m'ont dit 'bien sûr que non'. J'ai redemandé si on devait changer d'entraîneur. Et là, ils ont tous dit oui."
Paulo Fonseca, la "bonne personne pour l’OL"
L'image aura fait le tour de l'Europe et continuera de faire parler un petit moment. Suspendu par la commission de discipline jusqu’au 30 novembre en raison de son coup de sang contre l'arbitre Benoît Millot, lors de Lyon-Brest, Paulo Fonseca a reçu un soutien de poids ce jeudi 6 mars 2025, au lendemain de son 52ᵉ anniversaire. "Joyeux anniversaire Paulo ! Je suis avec toi aujourd’hui et toujours. Tu as fait une erreur… Tes excuses étaient sincères et ta punition est clairement trop sévère. Tu es la bonne personne pour l’OL et nous allons persévérer. Allez l’OL", pouvait-on lire dans un message publié sur une story Instagram de la part du propriétaire et président de Lyon.
De quoi éteindre les rumeurs et d'envoyer un message aux plus sceptiques qui réclamaient déjà un licenciement du Portugais. Sauf que non, Paulo Fonseca n'est pas près de partir, alors que son club communiquait dès l’annonce de la sanction prendre "acte de l’extrême sévérité de la sanction, sans précédent, et d’une célérité inhabituelle" et déplorerait que "son entraîneur n’ait pas été jugé sur ses seuls actes, une réaction émotionnelle, sans intention manifeste de s’en prendre physiquement à l’arbitre". Rien qu'un épisode de plus finalement pour le club rhodanien, habitué aux clashs avec les instances et les clubs du championnat de France.
Pour le principal intéressé, pas question de remettre en cause son avenir, lui qui avouait au micro de Canal+ jeudi, en marge de la rencontre contre le Steaua Bucarest, être "prêt à continuer à travailler malgré cette longue suspension" et vouloir "trouver des solutions ensemble et organiser l'équipe de la meilleure façon possible pour préparer les matches". L'OL s'en est brillamment sorti en Roumanie en remportant la manche aller par deux buts d'écarts (1-3), avant de se refocaliser sur la Ligue 1 et l'objectif de la Ligue des champions.
À quatre longueurs de la 4ᵉ place, Lyon est à la fois proche et loin d'atteindre l'objectif, notamment à cause d'un calendrier peu clément. À Nice, ce dimanche, les Lyonnais sont loin d'être favoris, tandis qu'il faudra ensuite se frotter à Strasbourg, Lille, Auxerre, Rennes, Lens et Monaco. L'avenir de l'OL est encore une fois entre les mains d'un miracle, alors qu'une statistique obtenue sous Paulo Fonseca a fait revenir un souvenir enfoui. Les 10 buts marqués en lors des 3 premiers matches du Portugais ont égalé un record vieux de 22 ans : seul l'équipe de Paul Le Guen, lors de la saison 2002-2003, avait également marqué 10 buts lors des trois premiers matches de son nouvel entraîneur. De quoi maintenir l'espoir que le beau jeu et ses buts referont redevenir grand l'Olympique Lyonnais.