Vinicius Jr n'était pas sur le terrain à Anfield mais, même blessé, c'est bien sa situation qui s'est vue renforcée après la défaite du Real Madrid à Liverpool mercredi soir (2-0). En revanche, celle de Kylian Mbappé s'est nettement déteriorée.
Aligné à gauche, sa position préférentielle, le Français était "débarrassé" de son coéquipier et néanmoins rival. C'était l'occasion ou jamais pour montrer qu'il était enfin lancé sous ses nouvelles couleurs. Or dès la 4e minute, sa lenteur balle au pied a failli aboutir à l'ouverture du score des Reds. Mais c'est surtout le tacle de Conor Bradley qui symptomatique de la forme de Mbappé. Sur son principal point fort, il a été rattrapé à la course par le Nord-Irlandais qui l'a coupé avec un modèle de tacle. C'est presque sans surprise qu'il a manqué son penalty. Son langage corporel au moment de la frappe a clairement indiqué son manque de maîtrise et ses doutes. Un vrai parcours fléché pour Caoimhin Kelleher.
Si, depuis son arrivée, Mbappé a souvent été sauvé par des circonstances atténuantes et que ses moindres buts, même un penalty ou un ballon poussé à un mètre des cages, ont été perçus comme des motifs d'espoirs alors même le contenu global demeurait inquiétant. Mais là, seul maître de la ligne offensive, il avait l'occasion de démontrer ce qu'il valait. Certes, il n'a pas aidé par ses coéquipiers : Jude Bellingham reste dans sa lignée de 2024, bien loin de sa phase aller lors de son arrivée à Madrid, Arda Güler et Brahim Diaz n'ont pas existé davantage. Mais c'était à lui de sauver son équipe et il a échoué.
Le talent ne suffit plus
Avant le différend financier avec le PSG, avant le nez cassé à l'Euro, avant la situation politique en France qui, selon Le Parisien, le préoccupait beaucoup, avant même les rumeurs d'effrittement de sa santé mentale et aussi avant son escapade trouble à Stockholm, Mbappé a été victime de plusieurs choses : son manque de progression comme joueur, son triplé en finale du Mondial qui a totalement occulté sa très maigre contribution au jeu pendant 120 minutes, le manque de connaissance de la Ligue 1 de la part des Espagnols et sa réciproque, la méconnaissance de nombreux Français, y compris chez les journalistes, de la pression immense sur les épaules des stars merengues. Le Real Madrid n'est pas un club comme les autres, et l'attente est encore plus forte quand, comme Mbappé, on a refusé une fois d'y signer. Il est même surprenant de la part de Florentino Pérez, qui place son club à peine en-dessous de Dieu, d'avoir finalement recruté Mbappé vu le passif.
Regarder des highlights, ce n'est pas regarder les matches en entier. Mbappé a toujours rechigné à défendre (une habitude qui remonte déjà à la formation à l'AS Monaco et qui a conduit son entourage à se plaindre de son entraîneur Bruno Irlès), n'a jamais travaillé son timing dans le jeu de tête ni développé des réflexes de 9, on ne souvient du fameux "Pivot gang" sous les ordres de Christophe Galtier.
Si se contenter du minimum en Ligue 1 lui a garanti un grand nombre de buts, au point d'en faire le meilleur buteur de l'histoire du PSG, la marche s'est souvent avérée trop haute en Ligue des Champions. Sa carrière a montré qu'il était un individualiste qui avait besoin d'être particulièrement entouré. Or en club comme en Équipe de France, il a montré une forme d'aversion relativement profonde pour partager la vedette. Son Euro en 2021 achevé sur un tir au but manqué en 1/8 de finale contre la Suisse a par exemple montré une cohabitation délicate avec Karim Benzema, revenu en grâce. Sa blessure avant la Coupe du monde au Qatar avait, à ce titre, soulagé beaucoup de monde, à commencer par Didier Deschamps qui avait remis le Ballon d'Or dans la boucle.
Toujours aussi unidimensionnel
Mbappé est-il arrivé au Real Madrid trop tard ? C'est probable. Car inéluctablement, les plus jeunes poussent les plus anciens. Le Français n'a pas atteint un âge canonique puisqu'il aura 26 ans le mois prochain. Vinicius a deux ans de moins, Rodrygo trois et Endrick huit. Ce n'est plus le petit phénomène : il est désormais arrivé à l'âge de la maturité, un instant charnière pour déterminer qui il veut devenir. Cristiano Ronaldo a procédé à une évolution dans son jeu à ce moment-là, bien conscient qu'il ne pourrait pas influer en demeurant un joueur de côté. Pour autant, le Portugais avait plus de capacités dans son registre de frappe et dans son jeu de tête. Et il avait déjà remporté un Ballon d'Or, preuve que la récompense ne l'avait pas empêché d'avoir ce recul sur ses performances.
Moins bon que Vinicius à gauche, moins impactant que Rodrygo à droite, moins buteur pur qu'Endrick, Mbappé est dans une situation critique et il a gâché sa première opportunité alors que les deux premiers sont blessés et que le troisième postule dans l'axe. Comme beaucoup avant lui, Mbappé a besoin d'un temps d'adaptation. C'était prévisible, d'autres avant lui en sont passés par là. Mais avec les attentes démesurées autour de lui, son temps est déjà compté. Peu de monde a pleinement mesuré le contexte de son arrivée ni évalué son niveau réel quand chaque fait et geste est analysé à outrance par les medias. Après avoir été trop souvent l'homme des succès faciles, Mbappé fait face à un vrai challenge dans la peau d'une mégastar qu'il a toujours voulu être. À lui de se montrer à la hauteur de ce statut.