Que représente pour vous le fait d’avoir grandi et débuté à l’Athletic ?
C’est la chose la plus incroyable qui puisse t’arriver quand tu vis dans une ville comme Bilbao. Jouer pour ton club, avec la philosophie qui est la nôtre. Je pense que c’est le rêve de tout enfant de Bilbao : débuter avec l’Athletic et profiter d’une longue carrière. Je n’ai pas de mots pour décrire ce que cela signifie pour un gamin de faire ses débuts à l’Athletic.
Voyez-vous un avenir pour l’Athletic ?
C’est de plus en plus difficile de se nourrir de ses propres joueurs, de l’essence basque. Mais des saisons comme celle de l’an dernier, où l’Athletic parvient à se qualifier pour la Ligue des champions, ça te donne un vrai coup de boost. Et ça fait que, soudain, tous ceux qui peuvent jouer à l’Athletic ressentent à nouveau cette excitation. L’Athletic est de retour en haut, une année c’est la Ligue Europa, une autre la Ligue des champions.
Cette saison, je pense qu’on va encore se qualifier pour l’Europe. On vit une belle période et ça motive les jeunes à garder cette envie, en voyant que notre philosophie, qui est très difficile à maintenir, est en plein essor.
Comment s’est passée votre arrivée au Real Madrid ?
L’histoire est incroyable. Quand un club comme le Real Madrid vient te chercher, c’est fou, car jamais je n’aurais imaginé que le Real Madrid veuille me recruter. En fait, je voulais jouer toute ma vie ici. Mais il s’est passé certaines choses qui ont fait que je suis parti à Madrid.
Les vestiaires sont très similaires. Pendant quatre saisons, j’ai découvert au Real Madrid des vestiaires exceptionnels, ce qui m’a surpris. J’arrivais d’un environnement très familial, où tout le monde se connaît, et soudain tu te retrouves dans un endroit où tu joues avec des étrangers. Je n’avais jamais joué avec des étrangers auparavant.
C’était plus familial à Bilbao.
Bien sûr, c’était censé être plus familial. Mais il est vrai qu’en arrivant à Madrid, j’ai trouvé un vestiaire ultra-professionnel, avec des joueurs incroyables, dont j’ai beaucoup appris. J’en garde un excellent souvenir. L’ambiance est différente, sans doute. L’Athletic est plus familial, mais au Real Madrid, j’ai côtoyé de très grands joueurs et de très belles personnes.
Comment s’est passée votre adaptation ?
J’ai eu la chance d’avoir participé à la Coupe du monde en Italie 1990 et d’avoir lié d’amitié avec Emilio Butragueño, Míchel, je connaissais Chendo… Il y avait plusieurs joueurs qui me connaissaient déjà plus ou moins. Rafa Martín Vázquez… Mon intégration dans le vestiaire du Real Madrid s’est donc très bien passée.
Il y avait aussi d’autres joueurs comme Maqueda, avec qui j’avais joué en U18 ou U16. On se connaissait plus ou moins et je n’ai eu aucune difficulté à m’intégrer dans ce vestiaire, dans cette ambiance, car j’avais de bonnes relations avec eux et ils m’ont beaucoup aidé, ils m’ont facilité la tâche. Míchel était le plus blagueur. Il faisait des blagues, certaines légères, d’autres un peu plus lourdes.

"Romário te faisait peu travailler, il avait deux ou trois occasions, mais il les mettait au fond"
Vous souvenez-vous d’un classique en particulier ? Ou d’un qui vous a marqué ?
Je me souviens évidemment du premier que j’ai gagné, la Supercoupe d’Espagne, remportée au Nou Camp. Et puis, bien sûr, ce fameux 5-0, où Romário a réalisé la fameuse "queue de vache". Mais je ne m’en souviens pas vraiment, d’abord parce que Romário était un génie, et ensuite parce que ce qui m’a vraiment fait mal, c’est que c’était le but du 1-0.
Ce but nous a fait mal. Et à la fin du match, je n’étais même pas conscient que quelqu’un allait donner un nom à ce dribble. D’ailleurs, je ne me souvenais même pas comment il avait fait ce geste. Ce dont je me souviens, c’est qu’on avait perdu.
Au retour au Bernabéu, j’ai marqué Romário différemment. Il y a eu des attaquants qui m’ont fait beaucoup plus travailler. Le problème avec Romário, c’est qu’il te faisait peu travailler, il avait deux ou trois occasions, mais il les mettait au fond. Et puis je me souviens toujours de Lubo Penev.
Le marquer, c’était une torture pendant 90 minutes. Une vraie torture, car lui, il partait dans l’espace, il se démarquait, il te bousculait, tu le bousculais, il te poussait, c’était un gars qui me dépassait d’une tête et demie.
"Hierro est le meilleur défenseur central que j’ai vu de ma vie"
Comment s’est passée votre entente avec Fernando Hierro ?
Fernando et moi étions très amis depuis qu’on s’est connus, je crois en U19 ou U21. Et je pense qu’on s’est très bien compris. On était des joueurs différents, mais ça nous a permis de bien nous synchroniser dès ma première année à Madrid, car je connaissais parfaitement ses qualités et lui connaissait les miennes.
Il était bien meilleur que moi à la relance et dans le jeu aérien. J’étais plus rapide que lui, donc je devais souvent être plus attentif, selon l’attaquant en face. Et on n’avait même pas besoin de se le dire, dès qu’on entrait sur le terrain, on savait chacun quel était notre rôle. Je pense qu’il faut parfois accepter que l’autre soit meilleur dans certains domaines.
Évidemment, pour moi, il a été le meilleur défenseur central que j’ai vu de ma vie. Et je devais accepter que je jouais avec un gars meilleur que moi. Je crois que c’est l’une des raisons de notre bonne complémentarité.
Quels souvenirs gardez-vous de Ronaldo Nazário ?
La meilleure anecdote, c’est qu’il y a eu une année, un Clásico qu’on a gagné 2-0 au Bernabéu en championnat, et on jouait Fernando (Hierro) et moi. Ronaldo Nazário a eu trois occasions nettes. Et le lendemain, dans les journaux, on lisait que Fernando et moi, la paire de centraux, avions muselé Ronaldo.
On se regardait avec Fernando et on se disait : "Tu te rends compte, on a tout bien fait et malgré ça, il a eu trois occasions franches". C’était un monstre. Ronaldo était un monstre, vraiment. Voilà l’anecdote : on se disait, "On a dû bien défendre, mais il aurait fallu faire encore mieux".
Comment pensez-vous qu’il s’adapterait au football actuel ?
Avec ses qualités, la puissance, la vitesse, la technique… Mbappé me rappelle beaucoup Ronaldo sur certains aspects, dans ses courses, dans ses démarrages où il te laisse sur place et tu ne peux plus le rattraper. C’est impossible, tu ne le rattrapes plus. Je pense que Mbappé a encore un peu de chemin à faire pour atteindre le niveau de Ronaldo, mais il commence à ressembler dangereusement au grand Nazário.

Avec l’Espagne, vous avez disputé trois Coupes du monde et un Euro. Lequel retenez-vous ?
La Coupe du monde aux États-Unis a été très forte, très réussie. Lors de la première, j’ai simplement fait mes débuts, j’ai joué 12 minutes contre la Belgique en Italie, et celle en France a été une déception pour tout le monde, car on n’a pas été bons. Mais celle des États-Unis a été une grande Coupe du monde. Une Coupe du monde où il nous a manqué ce petit quelque chose qu’il faut parfois avoir. Je ne sais pas si on peut appeler ça de la chance, mais il nous a manqué quelque chose.
Je ne dis pas qu’on aurait pu gagner la Coupe du monde, mais on aurait pu passer un tour de plus. On avait une très bonne équipe, un excellent entraîneur, une mentalité très forte et je pense que c’était un groupe où beaucoup de choses différentes étaient bien mélangées.
Voyez-vous l’Espagne favorite pour la Coupe du monde 2026 ?
Sans aucun doute. D’abord, parce que je pense que c’est l’équipe qui joue le mieux, avec le ballon et, j’oserais dire, sans ballon aussi. Je crois qu’ils savent très bien ce qu’ils doivent faire. Ils ont un excellent entraîneur, Luis. Il les connaît tous depuis qu’ils sont enfants et aujourd’hui, je dirais qu’avec l’Argentine et la France, ce sont les principaux candidats au titre mondial.
Vous avez été l’adjoint de Míchel à l’Olympique de Marseille et à l’Olympiacos. Quels souvenirs gardez-vous de ces expériences ?
J’ai beaucoup appris avec Míchel, surtout dans l’organisation de mon travail. Parce que je devais faire certaines choses essentielles pour lui et pour comprendre, surtout, les équipes adverses. J’ai aussi beaucoup appris à avoir une autre relation avec les joueurs, souvent un peu plus proche que l’entraîneur principal, car tu dois aussi régler certains problèmes en discutant avec eux.
Cependant, j’ai senti que je n’étais pas fait pour être entraîneur, car je n’avais pas cette passion comme Míchel. Ou comme peuvent l’avoir les Arteta, Guardiola, Xavi. Je pense qu’il me manquait quelque chose pour m’investir à 100% si j’avais voulu devenir entraîneur principal. Pour le dire autrement, il me manquait un petit truc. Et puis j’ai compris que ce que j’aimais, c’était plus le travail dans les bureaux que sur le terrain, mais je garde un excellent souvenir de ces deux expériences.
Puisque vous en parlez, et puisque vous avez été directeur sportif de l’Athletic, quelles qualités faut-il avoir pour ce poste ?
Il faut se tromper le moins possible, car tu n’as pas beaucoup de marge. Il faut aussi avoir un excellent réseau de recrutement. Ici, j’avais la chance de ne pouvoir recruter que des joueurs d’ici. Mais il fallait aussi veiller à ce qu’aucun ne nous échappe, ce qui a été pour moi une tâche très difficile mentalement et personnellement. Mais un directeur sportif, au-delà d’avoir une bonne équipe, doit aussi savoir gérer les joueurs. C’est très important qu’il y ait des joueurs qui, en cas de problème, aient la confiance de venir dans ton bureau et de te dire ce qu’ils ressentent à ce moment-là. Et toi, tu dois savoir ce qu’est un groupe.

"Deco a livré en pâture un jeune sous contrat à l’Athletic"
Comment avez-vous vécu le cas Nico Williams ?
D’abord, je suis très content qu’il soit resté avec nous. C’est le plus important. Avec en plus un contrat long, bien mérité. Ces deux dernières saisons, le Barça n’a pas été assez déterminé. Si tu es déterminé, tu l’emmènes. Si le joueur est d’accord, ce qui semblait être le cas d’après les informations qu’on avait. Mais le Barça n’a pas été déterminé ni l’an dernier ni cette année.
Et ensuite, j’ai trouvé que ce qu’a fait Deco n’était pas correct, ou en tout cas, je ne l’aurais pas fait. Deco, qui est le directeur sportif du Barça, a livré en pâture un jeune sous contrat à l’Athletic. Ça m’a vraiment surpris, sachant que Deco a été footballeur et qu’il connaît les pièges qui entourent ce genre de situations.
Je pense que les représentants de Nico ont eu raison de dire au Barça : "Très bien, si tu n’as aucun problème avec le joueur, signe-nous une de ces clauses dans le contrat" et c’est tout. Et le Barça a refusé parce qu’il savait qu’il ne pouvait pas le faire à 100%. Voilà, il n’y a pas d’autre histoire. La question est : pourquoi le Barça n’a-t-il pas signé cette clause ? Parce qu’il savait qu’il n’avait pas la certitude à 100% de pouvoir aligner le joueur dès la première journée de Liga. Le joueur et ses représentants ont dit qu’ils restaient ici, et voilà.
