Son incroyable série sur un banc de touche a commencé lorsqu'elle était sélectionneure des Pays-Bas. Sarina Wiegman avait alors mené les Oranje vers un titre à domicile lors de l'Euro 2017 (victoire 4-2 face au Danemark), avant de voir ses protégées échouer en finale de la Coupe du monde 2019 face aux Américaines (défaite 0-2). Mais elle a poursuivi sa quête insatiable de titres sous un autre maillot, celui de l'Angleterre, qui décide de faire d'elle sa machine à gagner avant un Euro à domicile en 2022.
Une mission accomplie pour celle qui affiche une sérénité à toute épreuve : après avoir remporté le premier titre de la sélection féminine anglaise en battant l'Allemagne en finale à Wembley, l'Angleterre échoue au pied du titre mondial face à l'Espagne à la Coupe du monde 2023 avant de pouvoir s'offrir une revanche dimanche, dans une nouvelle finale, cette fois-ci lors d'un nouvel Euro loin des terres britanniques.
Ce qui fait dire à Ella Toone en conférence de presse qu'elle et ses coéquipières sont "entre de bonnes mains" avant de se lancer dans une troisième finale consécutive. "Je pense que nous avons failli la tuer deux fois pendant ce tournoi, rigole la milieu de terrain de Manchester United. Nous l'avons certainement fait vieillir, mais cela fait cinq tournois consécutifs que Sarina atteint la finale, ce qui est tout simplement incroyable." D'ordinaire très calme, peu importe la situation, Wiegman a vu son Euro être rythmé par des victoires in-extremis des siennes, en quarts puis en demi-finale. "Je fais aussi une crise cardiaque, mais je ne le montre pas", sourit jaune la sélectionneure en conférence de presse.
Des changements audacieux avant l'Euro
Après deux succès arrachés contre la Suède et l'Italie, l'entraîneure de 55 ans s'est tout de même laissée aller à de grandes accolades avec son staff et les joueuses au coup de sifflet final, avec une euphorie peu habituelle pour celle qui admet tout de même qu'elle aimerait "gagner les matchs en 90 minutes". "On la voit danser et chanter, cela a changé par rapport à ses débuts", remarque Keira Walsh.
Pourtant avant le début de cet Euro 2025, l'ambiance n'était pas vraiment à la fête. Sarina Wiegman est alors confrontée à la défection de trois de ses cadres, Mary Earps, Fran Kirby et Millie Bright, toutes n'ayant pas très bien encaissé de s'être vues rétrogradées dans la hiérarchie à leur poste avant une telle compétition. Celle qui n'avait jusqu'ici connu que les louanges doit répondre aux polémiques devant des médias anglais de plus en plus sceptiques sur sa méthode. Mais elle en sort finalement grandie. Si la question sur l'ambiance du groupe a été martelée au fil des conférences de presse, tous doivent finalement reconnaître que cette gestion des égos en amont de la compétition a permis au groupe de se souder davantage pendant.
La capitaine Leah Williamson reconnaît elle-même avoir eu des "des discussions parfois difficiles" avec sa coach, mais assure que Wiegman est "une bonne personne" : "Elle nous challenge et nous pousse vers l'avant." Ella Toone confirme : "Elle est vraiment motivante : elle nous rassemble toutes, nous l'écoutons toutes, nous sommes suspendues à ses lèvres. Peu importe ce que Sarina dit, on l'écoute parce qu'elle sait vraiment ce qu'elle fait."
Un record qui ne la perturbe pas
L'entraîneure qui "aime la gagne et déteste la défaite" salue d'ailleurs la mentalité résiliente de ses joueuses "qui sont persuadées qu'elles peuvent renverser le match et le gagner peu importe le scénario". Un état d'esprit que Leah Williamson et ses coéquipières ont peut-être piqué à Wiegman, qui ne se rassasie jamais de chaque accomplissement et trouve encore cela "incroyable" lorsque l'Angleterre se hisse à nouveau en finale. Pour autant, elle n'arrive pas vraiment à expliquer son enchaînement historique de succès et préfère évoquer "la chance" de travailler "avec tant de personnes formidables, de bonnes joueuses, un excellent staff et la fédération". Des personnes dont elle a pourtant elle-même choisie de s'entourer.
Son nouveau tour de force lui a valu les louanges de Mark Bullingham, le président de la fédération anglaise, annonçant que sa sélectionneure sous contrat jusqu'en 2027 n'était "pas à vendre" : "Le parcours en tournoi est incroyable, mais je vois aussi le travail qu'elle fait avec les joueuses, les relations qu'elle construit, les liens qu'elle crée lors des stages sont phénoménaux. Je pense que c'est une entraîneure vraiment spéciale et nous avons de la chance de l'avoir. Son record d'atteindre cinq finales est phénoménal. Je pense qu'à l'avenir, il sera vraiment difficile pour quiconque de réaliser cela."
Sarina Wiegman elle ne pense pas à ce bilan ou au potentiel premier titre d'une équipe anglaise en-dehors du Royaume. Pour l'instant, son objectif est de remporter une troisième Euro consécutif, un exploit que seule l'Allemande Tina Theune a réalisé auparavant, en 1997, 2001 et 2005 : "Je suis juste en train de faire mon travail, de travailler avec l'équipe. Peut-être que dans 10 ou 15 ans, j'y penserai !"