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Quand les Anglaises soutenaient la révolte espagnole de l'automne 2023

Les Espagnoles et les Anglaises en Ligue des nations.
Les Espagnoles et les Anglaises en Ligue des nations.URBANANDSPORT/NurPhoto via AFP

Avant de les défier dimanche en finale de l'Euro, les Anglaises ont soutenu le combat antisexiste des Espagnoles lors d'un automne 2023 effervescent qui demeure un tournant politique pour un football féminin jalonné par les luttes.

Y penseront-elles quand elles fouleront à 18h00 le gazon du Parc Saint-Jacques de Bâle, pour le choc annoncé entre les championnes d'Europe en titre et leurs adversaires, championnes du monde, grandes favorites du tournoi ?

Il y a bientôt deux ans, quand la Roja avait défait les Lionesses 1-0 en finale du Mondial 2023 à Sydney, le patron de la Fédération espagnole (RFEF), Luis Rubiales, avait embrassé de force et par surprise l'attaquante Jenni Hermoso devant les caméras du monde entier.

Entre minimisation publique et pressions sur Hermoso, Rubiales avait exclu de démissionner, mais les Espagnoles s'étaient soudées autour de leur coéquipière, refusant de jouer en sélection tant que "des changements profonds" n'auraient pas lieu au sein de la RFEF.

Leur mot d'ordre "Se Acabo" ("Ça suffit") avait fait le tour du monde, déclenchant des interventions politiques et des manifestations en Espagne, le soutien de l'équipe masculine de Séville, mais aussi le ralliement de certaines sélections rivales.

Quand la Ligue des nations avait repris, fin septembre, Suédoises et Espagnoles avaient posé ensemble derrière une banderole "'Se Acabo', notre combat est mondial", tandis qu'Anglaises et Écossaises avaient brandi côte à côte leurs poignets cernés du même slogan.

Wiegman fait applaudir la Roja

"Nous sommes toutes avec toi, Jenni Hermoso, et toutes les joueuses de l'équipe espagnole", avaient ajouté les Lionesses dans un communiqué commun, dénonçant "des actes inacceptables permis par une organisation sexiste et patriarcale".

Leur sélectionneuse Sarina Wiegman avait fait applaudir la Roja, qui "mérite d'être célébrée et écoutée", en lui dédiant son trophée UEFA de meilleur coach de l'année 2023. "Le football féminin a énormément progressé, mais il reste encore beaucoup à faire", avait-elle lancé.

La remerciant aussitôt, l'Espagnole Aitana Bonmati avait enchaîné : "En tant que société, nous ne devons pas permettre les abus de pouvoir dans une relation de travail. À ma collègue Jenni et à toutes les femmes dans la même situation, je veux dire que nous sommes avec vous".

Enfin, quand Luis Rubiales avait fini par démissionner puis avait été condamné en février 2025 pour agression sexuelle, la défenseuse anglaise Lucy Bronze avait jugé "incroyablement courageux" le combat des Espagnoles, "des personnes et des joueuses exceptionnelles".

Des Norvégiennes aux Jamaïcaines

Si le théâtre d'une finale de Mondial a démultiplié l'impact de l'affaire Rubiales, son écho s'explique bien plus largement : depuis des décennies, des footballeuses de toutes nationalités dénoncent la misogynie frontale ou le manque de considération.

En septembre 2022, quinze des meilleures joueuses espagnoles – dont Aitana Bonmati, Alexia Putellas et la capitaine Irene Paredes – s'étaient retirées de la sélection tant que la RFEF ne créerait pas un environnement plus professionnel, une revendication déjà soulevée par leurs devancières après le Mondial 2015.

"Nous sommes arrivées deux jours avant le premier match, sans rencontres amicales en six mois, avec une préparation vraiment médiocre, presque sans staff", racontait récemment la légende ibérique Vero Boquete auprès de l'AFP, exclue de la Roja après avoir mené la fronde.

Dans le documentaire "Se Acabo" de Netflix, les joueuses se souviennent des trajets interminables en bus, de l'absence de vestiaires dédiés, mais aussi des gestes déplacés, remarques sexistes et homophobes, et des causeries tactiques de leur ex-coach Ignacio Quereda (1988-2015) comptant sur le terrain "12 joueuses au lieu de 11".

Ce manque de moyens avait aussi déclenché en 2019 et 2023 une grève des Jamaïcaines – soutenues par la fille de Bob Marley –, poussé les Chiliennes à se syndiquer en 2015 pour organiser leurs propres entraînements et matches, entraîné le retrait de la légende Ada Hegerberg de la sélection norvégienne pendant cinq ans, et incité les Américaines à soutenir en 2023 leurs voisines canadiennes.

Signe que le sujet n'appartient pas au passé, les Brésiliennes Kerolin et Marta et la Chilienne Yanara Aedo ont protesté ces derniers jours contre la Copa América qui se tient actuellement en Équateur, contraintes de s'échauffer dans d'étroits locaux en intérieur pour ménager les deux seules pelouses des poules.