Aucun Suisse ne pouvait dire qu’il ne savait pas. L’Euro féminin qui s’est déroulé dans ce pays de presque 9 millions d’habitants était visible absolument partout : d’innombrables affiches étaient collées dans les rues, les gares et les magasines, des maillots de toutes nations étaient portés par des supporters venus de toute l’Europe, des fanzones s’étaient installées dans le coeur de chaque ville recevant l’évènement… De St-Gall à Genève, la Suisse a vibré pendant un mois au rythme d’un Euro devenu une fierté nationale, dans un pays où le ski est le sport national, devant le football.
L’engouement autour de l’évènement est tel qu’après une seule journée lors de la phase de poules, les petites stands éphémères installées autour des huit stades affichent déjà des ruptures de stock sur certains produits, dont la peluche de la fameuse mascotte "Maddli". Même sort pour les maillots de la Nati féminine, légèrement différents de ceux de leurs homologues masculins par une différence de couleurs au niveau des manches, introuvables en taille adulte dans de nombreuses boutiques. Tout le pays s’est mis à l’heure Euro, allant même au-delà des espérances des institutions.
Un succès énorme en tribunes, des Suisses au rendez-vous
Avant cet évènement "magique", comme décrit par la capitaine de la Nati Lia Wälti, la plus forte affluence pour un match de football féminin en Suisse était de… 14 370 spectateurs, lors d’un amical face à l’Australie au stade Letzigrund de Zurich, le 25 octobre 2024. Un record pulvérisé dès le match d’ouverture de cet Euro, avec 34 063 spectateurs présents pour ce Suisse-Norvège au St. Jakob Park de Bâle. Au coup d’envoi, les joueuses suisses elles-mêmes sont bluffées par ce soutien massif, au point que certaines comme Noemi Ivelj confie avoir "presque pleuré" au moment d’entrer sur la pelouse et de chanter l’hymne avec tout le public. "Je ne savais pas que les Suisses étaient capables de créer une telle ambiance", saluera d’ailleurs la sélectionneure Pia Sundhage, pourtant passée par les États-Unis, la Suède et le Brésil avant de prendre les rennes de la Nati.
Le parcours historique de la Suisse, avec une toute première qualification à un quart de finale d’un Euro, a permis de remplir deux fois l’enceinte de Berne et une fois celle de Genève, après des fanwalks où se sont réunies jusqu’à 20 000 personnes en avant-match. Au total, 29 des 31 matchs de la compétition ont affiché complet, avec toujours le même enthousiasme du public lors de l’annonce de l’affluence au cours des rencontres. L’UEFA avait fait un pari : miser sur des stades de taille moyenne, avec l’ambition qu’un maximum soit plein. Un pari réussi : au total, 657 291 supporters ont assisté aux rencontres dans des stades allant de 34 000 à 7 500 places, soit une moyenne de 20 000 spectateurs par match. Loin devant le précédent record anglais, dépassé dès les quarts de finale, établi à 574 875 en 2022.
L’instance européenne peut également se vanter d’avoir attirer un public très vaste, puisque selon les premiers chiffres, plus de 160 nationalités différentes étaient représentées dans les gradins. Le tout dans un calme relatif, puisqu’aucun n’incident, à part un camion de raclette prenant feu dans la fanzone de Zurich, n’a été signalé par la police locale, qui écrit dans un communiqué que cet Euro est "un exemple réjouissant du point de vue de la sécurité", qui montre que "les grands événements sportifs peuvent se dérouler dans un climat pacifique et respectueux".
500 millions de téléspectateurs
Si les Suisses, Allemands, Suédois, Néerlandais et beaucoup d’autres se sont précipités pour prendre d’assaut les rues et les stades du pays, ce championnat d’Europe est également un succès en terme de téléspectateurs, puisque plus de 500 millions de personnes ont regardé la compétition, à la télévision ou en streaming officiel, selon les chiffres de la chaîne nationale suisse RTS. Ce qui fait de lui l’Euro féminin le plus suivi de l’histoire. Même chose en tribunes de presse, où les journalistes s’arrachent les accréditations, au point que plus de 200 journalistes avaient fait une demande pour assister à la finale, dans un stade qui ne peut en accueillir… que 95.
Les déçus, fans comme journalistes, ont pu se consoler dans les fanzones, toutes installées au coeur des villes hôtes, avec au moins un écran géant et une buvette pour suivre les rencontres bien entourés. Des villes hôtes qui ont d’ailleurs le sourire alors que la compétition tire sa révérence, puisque selon les estimations du cabinet d'audit Ernst & Young, leurs retombées économiques pourraient dépasser les 150 millions de francs.
Aucun 0-0 en 31 matchs
Le succès est aussi et surtout sportif. Avec 106 buts inscrits en 31 matchs, le record de 2022 (95 buts) a été battu dès les quarts de finale. Mieux encore, les matchs sur le terrain ont souvent été très serrés, avec peu de confrontations à sens uniques et beaucoup de renversements de situations, dont l'Angleterre s'est fait une spécialité en menant au score moins de cinq minutes sur l'intégralité de la phase couperet. Aucune rencontre ne s’est terminée sur le score de 0-0, quand cinq des huit matchs de la phase finale se sont joués après le temps réglementaire voire aux tirs au but, dont les deux demi-finales et la finale, une première dans l’histoire d’une compétition majeure féminine.
Question écologie aussi, le bilan est positif puisque 86% des détenteurs de billets ont rejoint les stades par les transports publics, la marche ou le vélo, affirme l’UEFA. Un pourcentage possible en raison de la gratuité des trains, trams et même bateaux à travers le pays pour tout billet acheté. La compagnie ferroviaire suisse CFF avait prévu 400 trains spéciaux pour les spectateurs, prêts à patienter en cas de prolongation.
Cet Euro prouve que lorsque les moyens humains, économiques et organisationnels sont mis en oeuvre, le football féminin intéresse et réunit des foules, y compris de nombreuses personnes qui ne sont pas intéressées initialement. Les joueuses elles se sont contentées de faire briller la discipline par leur talent, dans une compétition où chaque sélection a mis de plus en plus de chose en place pour se professionnaliser, ou en tout cas s'en rapprocher.
La Suisse a désormais pour mission de préserver cet héritage d’une compétition réussie pour en faire profiter tout le football féminin local. "On ne peut plus se cacher maintenant, avec ce qu’il se passe, les gens sont conscients du potentiel, expliquait Johan Djourou auprès de Flashscore le 18 juillet dernier. Ce sera à nous de bien réfléchir pour pouvoir continuer à exposer et à utiliser ce produit au mieux." L’UEFA assure de son côté avoir investi 1,5 milliards d’euros sur le cycle menant à cette compétition et promet continuer sur sa lancée. L’Euro 2029 lui se jouera soit en Allemagne, en Pologne, en Italie, au Portugal ou au Danemark et en Suède. Rendez-vous en décembre pour connaître la destination.