L'idée des Soft Hooligans est née en 2017, quand Kajsa Aronsson, 61 ans, et sa fille Estrid Kjellman, 29 ans, assistaient à l'Euro féminin aux Pays-Bas. "C'était tellement calme. Nous, on criait, on encourageait l'équipe, et les gens nous regardaient comme si on était fous. Comme si on était des hooligans, on plaisantait. Et là on s'est dit: 'On n'est pas comme les autres hooligans, on est des hooligans doux'", raconte Mme Kjellman avec un grand sourire. La jeune femme a alors créé un groupe Facebook pour développer cette initiative.
"Au début, les supporters du foot féminin n'étaient pas du tout organisés", explique la mère. "On devait partir de zéro et réussir à attirer du monde. Au départ, ce n'était même pas très marrant de venir aux matches, on était seuls", se souvient sa fille.
Huit ans plus tard, l'ambiance a bien changé pour l'Euro en Suisse, comme a pu en témoigner le sélectionneur suédois Peter Gerhardsson samedi soir après la victoire 4-1 face à l'Allemagne à Zurich, où les Suédoises disputeront également leur quart de finale jeudi contre l'Angleterre.
Des joueuses et un staff bluffé
"Je n'avais jamais connu un tel soutien. Il y avait toute une section qui était entièrement jaune avec un peu de bleu, et il y avait des gens au-dessus de notre banc, donc nous étions entourés d'une manière cool", a-t-il dit. "C'est formidable de jouer à nouveau ici jeudi, c'est presque comme avoir l'avantage du terrain", a-t-il ajouté. "Ça va vraiment être énorme contre l'Angleterre, avec un stade plein et nos supporters suédois qui sont vraiment fantastiques", appuie la défenseuses Linda Sembrant.
"Il y a beaucoup plus de Suédois sur place", abondent Kajsa et Estrid, munies de leurs casquettes avec les slogans "More women in football" et "Soft Hooligans". Et d'ajouter que le changement se vérifie ailleurs : "En Angleterre (pendant l'Euro féminin en 2022, NDLR), plusieurs équipes n'avaient pratiquement pas de supporters, aujourd'hui la plupart ont un groupe de supporters organisé". Une tendance qu'elles accueillent avec enthousiasme.
"On soutient surtout la Suède, évidemment. Mais on est aussi là pour le football féminin en général. On veut plus d'ambiance, du meilleur football, de meilleures conditions pour les joueuses. Et la culture des supporters est une grande part de tout ça, pour que le football féminin devienne de plus en plus intéressant à suivre", déclare Mme Kjellman.
Message politique
Les valeurs des Soft Hooligans sont claires : "Tout le monde doit se sentir le bienvenu", souligne-t-elle, insistant sur le caractère inclusif du groupe, en particulier son ouverture aux LGBTQ. "Parmi les supporters, il y a beaucoup de familles, beaucoup d'enfants", précise sa mère. Leur mouvement n'est cependant pas à l'abri des railleries. "On reçoit des commentaires moqueurs sur notre nom", affirme Estrid. "Mais on choisit de ne pas se concentrer là-dessus", complète sa mère Kajsa.
Sa fille insiste sur la dimension politique toujours présente dans le football féminin : "Le football féminin est encore très marginalisé. En Suède, on a fait un bon bout de chemin. Mais il reste encore beaucoup à faire. Dans d'autres parties du monde, les filles n'ont même pas la possibilité de jouer au foot".
Les deux femmes puisent leur espoir dans les nouvelles générations. "Le foot féminin est beaucoup plus visible qu'auparavant. Aujourd'hui, il y a des enfants qui disent que leur joueuse préférée est (Aitana) Bonmatí", la milieu de terrain espagnole double lauréate du Ballon d'Or, témoigne la jeune femme. Dans l'immédiat, les Soft Hooligans espèrent une victoire de la Suède. "41 ans depuis la dernière fois", proclame leur immense tifo en référence à la première édition de l'Euro féminin, remportée par l'équipe suédoise.