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Ann-Katrin Berger, la bonne étoile de l'Allemagne devenue héroïne nationale

Ann-Katrin Berger, la force tranquille de l'Allemagne devenue héroïne nationale
Ann-Katrin Berger, la force tranquille de l'Allemagne devenue héroïne nationalePhoto par ALEXANDER HASSENSTEIN / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP

Critiquée en début d'Euro pour ses relances hasardeuses et ses dribbles osés dans sa surface, Ann-Katrin Berger est devenue une héroïne nationale en Allemagne après un arrêt iconique et des parades décisives pour s'imposer face à la France en quarts de finale. Élue joueuse du match, elle aborde cette demi-finale face à l'Espagne avec un nouveau statut, mais la même sérénité inébranlable.

102e minute, au Parc Saint-Jacques de Bâle. Le temps de quelques secondes, les supporters allemands et français se taisent, mis sous pression par une action défensive risquée de Janina Minge. La défenseure centrale expérimentée vient d’envoyer une tête en retrait après un centre de Sakina Karchaoui, qui est sur le point… de lober sa propre gardienne. Mais l’impensable se produit : pourtant loin de sa ligne, Ann-Katrin Berger recule le temps de quelques appuis puis s’envole pour repousser un ballon qui prenait la direction de sa lucarne. Les Françaises croient obtenir un but contre son camp miraculeux dans des prolongations mal embarquées. La gardienne allemande en a décidé autrement.

L’arrêt est tellement mémorable, que Charlotte Harpur de The Athletic, totalement bluffée à notre gauche en tribunes de presse, reste estomaquée avant d’écrire ces lignes : "Il n'existe pas de meilleur arrêt de tous les temps (...), mais Berger appartient désormais à cette conversation." Face à la France, Berger a réalisé un total de 9 arrêts et détenu deux tentatives sur les tirs au but ensuite, pour écoeurer des Bleues pourtant en supériorité numérique depuis la 14e minute et l’expulsion de Kathrin Hendrich. Elle termine logiquement avec le trophée de joueuse du match.

"Je ne suis pas quelqu’un de très émotive, répondra-t-elle simplement en conférence de presse. Je suis simplement contente et fière d’être là, d’être dans cette équipe." Au coup de sifflet final, la réalisation de la compétition décide de la filmer en gros plan et Berger en profite pour rendre un rapide hommage à son grand-père, qui venait de fêter ses 92 ans. Mais elle s’agace rapidement et demande au caméraman de filmer le reste de l’équipe, en train de fêter avec les supporters : "Eh ! Filme aussi l'équipe, pas juste moi. L'équipe est aussi importante !"

Une force tranquille pour canaliser les jeunes pousses

La gardienne de 34 ans, qui évolue à Gotham au sein du championnat féminin américain, estime n’avoir fait "que son travail", malgré des parades décisives aux tirs au but. Une force tranquille, capable de calmer des jeunes joueuses comme Jule Brand, à l’énergie débordante pendant 120 minutes, ou Sjoeke Nüsken, auteure de l’égalisation et d’une célébration en ver de terre au coup de sifflet final. "Elle est si calme, si intelligente. Je savais qu'elle arrêterait les penalties", racontera-t-elle d’ailleurs en zone mixte ensuite, pendant que l'ailière Klara Bühl la décrivait en "pilier de sérénité de l'équipe", auréolée de son "expérience de vie extraordinaire".

Un calme et une relativité qu’Ann-Katrin Berger tire effectivement d’une vie loin d’être évidente. En 2017, alors qu’elle évolue à Birmingham City, les médecins lui décèlent un premier cancer de la thyroïde. Après un retour express sur les terrains six mois plus tard, Berger rechute fin août 2022, alors qu’elle vient de passer l’été sur le banc de la DFB pendant un Euro où l’Allemagne a échoué en finale face à l’Angleterre (2-1). 

Son histoire avec la sélection huit fois championne d’Europe est aussi loin d’être évidente : celle qui a grandi en jouant attaquante et milieu de terrain avant de se fixer dans les cages à l’âge de 16 ans parce qu’elle était "devenue trop flemmarde pour courir", a attendu ses 27 ans et un transfert à Chelsea pour enfiler pour la première fois la tunique allemande. Après une première cap lors d’un match de qualification à l’Euro 2022 face à l’Irlande, elle profitera de l’élimination historique de l’Allemagne en phase de poules de la Coupe du monde 2023 pour être promue numéro un et prendre la place de Merle Frohms.

Héroïne des Jeux olympiques 2024

Titulaire lors des Jeux olympiques où la DFB termine troisième, Berger dispute les six matchs du tournoi et marque même un tir au but après en avoir arrêté deux face au Canada en quarts de finale (0-0, tab 4-2). Elle va même repousser un pénalty d’Alexia Putellas à la 90e+9 minute en petite finale pour permettre à l’Allemagne de sécuriser la médaille de bronze. Un sale souvenir pour la Ballon d’Or espagnole, qui affrontera à nouveau le "mur allemand" en demi-finale mercredi.

Mais si Berger s’est imposée comme la titulaire indiscutable de l’Allemagne et a été confortée par Christian Wück lors de son arrivée à la tête de la sélection en août 2024, la gardienne de 34 ans a failli prendre le chemin du banc après un début d’Euro 2025 chaotique. Auteure de trois relances plein axe face à une équipe de Suède qui n’avait vraiment pas besoin de cadeau, menant 3-1 à la pause, la portière allemande se fait tirer par son sélectionneur qui assure que l’Allemagne "ferait pas de vieux os" dans la compétition si elle continuait à dribbler dans sa surface.

Un début d'Euro compliqué

"Pour le dire gentiment, je ne m'intéresse pas vraiment à ceux qui critiquent d'une manière ou d'une autre en dehors du bord du terrain de football, a répondu Ann-Katrin Berger à ses détracteurs, heureuse que cette mauvaise passe lui soit arrivée "maintenant et pas en quart de finale". Je suis de nature très critique, donc je n'ai pas vraiment besoin d'entendre des critiques de la part de quelqu'un qui n'a jamais été dans les buts."

Après sa performance XXL face aux Bleues, l’heure n’est plus aux critiques mais aux louanges. Celle qui ne compte que 26 capes à 34 ans est même encensée par la légende Lothar Matthäus, capitaine de la Mannschaft championne du monde en 1990, qui juge que Berger a "la qualité et l'ambition nécessaires pour mener l'équipe à un grand exploit". 

La gardienne elle rêve au moins d’atteindre la finale, comme en 2022, pour des raisons très personnelles : "Mon grand-père a eu 92 ans il y a quelques jours. Ma motivation est qu'il vienne à la finale. Il a dit que les quarts de finale et les demi-finales ne valent pas le coup." Une finale où elle pourrait aussi être opposée à sa compagne, l'Anglaise Jess Carter, si les deux se hissent en finale à Bâle.