"La dernière fois qu'il y a eu une ligne sur le palmarès, je jouais." La phrase peut paraître anecdotique, mais Sandrine Soubeyrand savoure. L’actuelle entraîneure du Paris FC féminin, sacré samedi après une victoire en finale de Coupe de France aux tirs au but face au PSG, attendait ce titre depuis qu’elle est arrivée en poste en 2018. Elle venait alors de prendre les rênes de la toute nouvelle section féminine du Paris FC, après la fusion avec la très glorieuse équipe de Juvisy. Et fort de ses 400 licenciées, le PFC féminin décide donc de miser sur sa formation pour briller.
Adieu les premières places du championnat, les premiers rôles en Coupe d’Europe et les trophées. La gloire passée de Juvisy laisse place à une vision long-termiste, permettant aussi à l’équipe féminine de perdurer. Alors oui, avant cette Coupe de France, les deux derniers trophées du Paris FC féminin, enfin plutôt de Juvisy - le championnat en 2006 et la Coupe de France en 2005 - avaient été remportés par Sandrine Soubeyrand, la joueuse.
Depuis le Paris FC féminin a alterné entre la cinquième et la troisième place, sans jamais réussir à se classer dans le top 2 toujours cadenassé par l’Olympique lyonnais et le Paris Saint-Germain. Mais petit à petit, le club parisien s’en est rapproché. En 2021-22, le club termine troisième et se qualifie pour les qualifications à la Ligue des champions. Elles s’arrêteront au premier tour, battues par l’AS Rome, avant de vivre une épopée fantastique lors de la saison 2023-24, où elles battent Arsenal et Wolfsburg pour se qualifier en phase de groupes.
Une épopée européenne pour construire
En poules, le Paris FC bat deux fois le Real Madrid, dont une victoire 2-1 à Charléty devant plus de 10 000 spectateurs. Insuffisant pour se qualifier en quarts de finale et très énergivore pour la suite de la saison, mais cette aventure européenne aura marqué le groupe, qui aujourd’hui soulève ensemble le premier trophée de l’histoire de la section féminine. "L’avantage, c’est que beaucoup de mon groupe était déjà là l'année passée, en Ligue des champions, même si on a amélioré l'effectif. On a vécu des matchs à forts enjeux. L'année passée, on a perdu aux play-offs, on a perdu en demi-finale de la Coupe de France. Donc on se nourrit, on apprend, on essaie de voir comment on pourrait s’améliorer", argumente Sandrine Soubeyrand.
Elle qui n’avait cessé de répéter que son très jeune groupe, composé essentiellement de jeunes joueuses recrutées à travers la France ou post-formées au sein du club, devait prendre la Ligue des champions et ses lourds revers (défaites 4-1 et 4-0 face à Chelsea) comme une façon d’engranger de l’expérience voit le temps lui donner enfin raison. À Calais, trois sur six des joueuses ayant pris un tir au but avaient 23 ans. Toutes étaient là la saison passée, vécue jusqu’ici comme la plus belle saison de la section.
Une saison 2024-25 comme confirmation
Mais cet exercice 2024-25 promettait aussi de belles choses. Le Paris FC est invaincu en saison régulière face à l’Olympique lyonnais (2-2 et 0-0) et au Paris Saint Germain (0-0 et 1-1), une première dans l’histoire du club. Symbole que le travail paie, même si au niveau budget, l’écart reste colossal : les moyens du Paris Saint-Germain sont trois à cinq fois supérieurs à ceux mis par son voisin. Au niveau sportif, l’attaque empile enfin les buts : Clara Mateo revit dans l’axe, est meilleure buteuse du championnat, et voit ses partenaires offensifs répondre présent lorsqu’elle se blesse en février. Et ce malgré les départs de Louna Ribadeira et Julie Dufour à l’hiver, pas remplacées numériquement au sein de l’effectif.
Le groupe grandit aussi, et des joueuses comme Melween N’Dongala et Kessya Bussy prennent une toute nouvelle dimension. Bref, le Paris FC tourne bien et va même longtemps conserver la deuxième place du championnat, devant le PSG, avant de la céder. Après cette victoire face au rival parisien, Sandrine Soubeyrand relève même un autre signal positif : "Plusieurs fois, on avait échoué lors des séances de tirs au but (en demi-finale de Coupe de France et en demi-finale de playoffs, face au PSG la saison passée, ndlr). Donc c'est bien aussi quand ça bascule, c'est que mentalement, on a progressé aussi."
Jeunes joueuses et passation
Mentalement, ce groupe dont 10 sur les 16 présentes sur la feuille de match ont 25 ans et moins apporte aussi de la fraîcheur aux plus expérimentées du groupe, à l’image de Gaëtane Thiney, 39 ans : "Il y avait toutes ces jeunes qui étaient si persuadées qu'on allait gagner, avec une décontraction incroyable ce matin. Elles me disaient : ‘Mais t’inquiète !’ Je leur répondais : ’T’inquiète mais bon les dernières fois, ça ne s'est quand même pas joué à grand chose…’"
"On a une force collective dingue, apprécie la capitaine, qui rêvait tant de ce premier titre avec le Paris FC féminin, elle qui est au club depuis 2008. On va au bout des efforts, on est obligé de lutter énormément parce qu’elles ont une telle puissance et elles mettent énormément d'intensité dans les contacts. Donc nous on essaie de répondre par du jeu de position pour éviter qu'elles aient le ballon. Et des fois c'est un peu ric-rac mais je pense qu'on l'a très très bien fait aujourd’hui."
La numéro 17, qui disputait l’un de ses derniers matchs en carrière, ayant annoncé sa retraite à l’issue de la saison apprécie de voir toutes ces nouvelles têtes prendre progressivement le pouvoir et porter le club : "Je suis sortie parce que j'avais des crampes. Je ne sais pas pourquoi, je n'ai jamais de crampes. Et c'est comme si je passais le témoin et derrière toute l'équipe qui se mobilise et les filles qui disent d'habitude je tire les penalties. Et là, tout le monde a pris ses responsabilités." Remplacée par la toute jeune Kenza Roche-Dufour, 17 ans, elle a assisté à la séance depuis le banc, aux côtés de dirigeants tous plus stressés les uns que les autres.
La mixité plutôt que la division
Le week-end a été beau pour le Paris FC, qui a souvent couru après une montée en Ligue 1 chez les hommes et après un titre chez les femmes. Les filles ont soutenu les garçons vendredi lors du match face à Martigues, quand certains du groupe masculin ont ensuite fait le déplacement express à Calais pour assister à cette finale. "C'est un vrai club, il y a une vraie osmose entre les équipes, souligne Sandrine Soubeyrand. Honnêtement, je dirais que vendredi, ils nous ont mis sur un bon mood. (…) Quand les deux équipes sont là, on se rencontre quasiment tous les jours. On échange sur le foot, on échange sur la vision qu'on a, les adversaires qu'on va rencontrer, les problématiques qu'ils vont nous poser… Jeudi, Stéphane Gilli est venu nous saluer pour nous souhaiter bonne chance avant de partir."
Cette symbiose tranche avec l’actualité récente du football féminin, qui veut que les clubs masculins, en difficulté en raison des droits TV, cherchent à se séparer de leur section féminine. Alors ce Paris FC qui travaille intelligemment sur le long terme, avec une mise à disposition d'infrastructures communes aux filles et aux garçons, un centre de formation performant, est-il un modèle à suivre ? "Je ne donne pas de leçons à mes collègues et aux autres clubs, répond Pierre Ferracci, président du club en zone mixte. J’ai simplement mis en place quelques principes depuis longtemps dans le club. La mixité, j'y crois, depuis longtemps. Je regrette, et je l'ai dit ici et là, que la première victime de la crise, aujourd'hui, ce soit le football féminin." À l’abri de ces problèmes financiers avec l’arrivée de la richissime famille Arnault dans son capital, le Paris FC pourrait ainsi continuer de briller chez les filles et les garçons.