Le Chaos avant la couronne ? Les tourments du Cameroun rappellent leur parcours vers le titre en 2017

Le Cameroun tentera de laisser derrière lui le chaos pour aller chercher un sixième titre continental au Maroc.
Le Cameroun tentera de laisser derrière lui le chaos pour aller chercher un sixième titre continental au Maroc.Profimedia

Peu d’équipes arrivent à la Coupe d’Afrique des Nations dans des circonstances aussi mouvementées que le Cameroun en 2025.

Longtemps considéré comme l’un des poids lourds du football africain, la préparation des Lions Indomptables pour le Maroc a été marquée non pas par la tactique ou l’entraînement, mais par des luttes de pouvoir, des limogeages et des polémiques autour de la sélection, menaçant de faire dérailler leur campagne avant même le coup d’envoi.

Quelques semaines avant la CAN, le Cameroun était plongé dans un conflit institutionnel houleux. L’entraîneur belge Marc Brys, nommé en avril 2024 par le ministère des Sports camerounais, a publiquement refusé d’accepter son éviction, bien que le président de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT), Samuel Eto’o, ait annoncé son licenciement.

La position de Brys était technique, puisqu’il n’avait pas encore reçu de notification officielle de la Présidence. Il a insisté sur le fait qu’il restait l’entraîneur principal en titre et a même soumis sa propre liste de joueurs, incluant des stars comme Andre Onana et Vincent Aboubakar, avant la date limite de la CAN.

Dans le même temps, la FECAFOOT a nommé l’entraîneur local David Pagou comme nouveau sélectionneur et publié une liste de 28 joueurs, sans Onana ni Aboubakar, ainsi que d’autres internationaux expérimentés.

Résultat ? Deux listes concurrentes et aucune structure de direction reconnue de tous à l’approche du Maroc. Cette saga a entraîné l’intervention du gouvernement et un tollé médiatique, avec des accusations de mauvaise gestion et de règlements de comptes personnels.

Des stars écartées : un choix aux lourdes conséquences

Les absences sont de taille. Andre Onana, gardien de Manchester United prêté à Trabzonspor, l’un des portiers africains les plus en vue, ne figure pas sur la liste de Pagou.

L’exclusion de Vincent Aboubakar, capitaine de longue date du Cameroun et buteur clé lors des dernières compétitions, fait particulièrement polémique.

Certaines sources avancent même que des considérations internes, dont l’héritage personnel d’Eto’o en tant que meilleur buteur de l’histoire du Cameroun, auraient pesé dans la mise à l’écart d’Aboubakar, qui s’approche de ce record.

D’autres cadres comme le milieu Andre-Frank Zambo Anguissa (blessé) et le défenseur Michael Ngadeu sont absents, laissant place à un groupe mêlant jeunes talents et professionnels évoluant à l’étranger, tels que Bryan Mbeumo et Carlos Baleba.

Un passé récent tourmenté

Le lent déclin du Cameroun sur la scène continentale remonte bien avant la crise actuelle qui secoue la sélection.

Malgré son statut de nation historique du football africain et d’être la première du continent à avoir atteint les quarts de finale d’une Coupe du monde, les Lions Indomptables peinent à retrouver une régularité au plus haut niveau ces dernières années.

Le Cameroun reste le pays africain le plus présent en Coupe du monde avec huit participations, mais il a manqué les trois dernières éditions, dont la Coupe du monde 2026, après une défaite contre la RD Congo en barrages, un nouvel échec cuisant. Chaque revers a érodé l’aura qui faisait autrefois du Cameroun un adversaire redouté.

À la CAN, le succès depuis leur victoire surprise en 2017 a été sporadique. Les Lions ont été éliminés en huitièmes de finale en 2019 puis à nouveau en 2023, des résultats bien en deçà des attentes pour un quintuple champion.

Il y a toutefois eu une brève embellie lors de la CAN 2021 à domicile, où le Cameroun a terminé troisième, porté par le soutien du public et des éclats individuels, même si le titre leur a échappé.

Ainsi, le Cameroun aborde la CAN 2025 sans le statut de favori, mais avec un riche passé, capable de surprendre des adversaires plus cotés, et dangereux si l’équipe retrouve élan et confiance au bon moment.

Échos de 2017 : le chaos peut-il servir de moteur ?

Le Cameroun a déjà prouvé par le passé qu’il pouvait surmonter ses crises internes. Lors de la CAN 2017, les Lions n’étaient pas épargnés par les problèmes, mais ils ont su déjouer les pronostics et remporter le trophée en battant l’Égypte 2-1 en finale.

À l’époque, le sélectionneur Hugo Broos avait pris des décisions fortes et imposé une discipline stricte après que huit joueurs – Joel Matip (Liverpool), Alan Nyom (West Brom), Eric Maxim Choupo-Moting (Schalke), Guy N’Dy Assembé (Nancy), Maxime Poundjé (Bordeaux), Andre Onana (Ajax), André-Frank Zambo Anguissa (Marseille) et Ibrahim Amadou (Lille) – se sont déclarés indisponibles avant la compétition.

Les similitudes entre Broos en 2017 et Pagou en 2025 sont frappantes. Comme Broos, Pagou arrive sans expérience à la tête d’une sélection nationale et doit composer avec l’absence de plusieurs cadres.

Broos était alors un outsider, même pas présent sur la liste initiale du Cameroun, et a hérité d’un groupe jeune et peu reconnu, que beaucoup jugeaient affaibli par les nombreux forfaits.

Il y a vu une opportunité. En instaurant des règles claires, en exigeant de la discipline et en changeant la mentalité du groupe, Broos a transformé une équipe fracturée en un collectif uni et motivé, capable de déjouer tous les pronostics pour décrocher la CAN.

Pagou se retrouve aujourd’hui dans une situation étonnamment similaire. Figure respectée du football local, mais peu connue à l’international, il prend les rênes dans un contexte de crise, de tensions politiques et de choix contestés.

Son groupe est jeune, peu enclin aux ego et animé par la faim de réussir ; des conditions qui avaient souri à Broos. Réputé pour sa rigueur, sa discipline et sa gestion humaine, Pagou a les atouts pour créer rapidement une cohésion.

Comme en 2017, la réussite pourrait dépendre moins du talent individuel que de la capacité à retrouver unité, clarté des rôles et confiance pour transformer le chaos en moteur.

Un groupe F relevé en perspective

Le parcours du Cameroun s’annonce ardu. Placés dans le groupe F avec le tenant du titre ivoirien, le Gabon et le Mozambique, les Lions devront se défaire d’adversaires solides pour avancer.

Sans direction claire et avec des absences majeures, la tâche s’annonce compliquée. Toutefois, la qualité de Mbeumo et le dynamisme de Baleba constituent de vrais atouts.

Si Pagou parvient à souder son groupe et à en tirer le meilleur, un beau parcours reste possible — mais pour le titre ? Il faudra d’abord régler les querelles internes.

Reste à savoir si la crise camerounaise deviendra un moteur d’unité ou un fardeau pour les Lions Indomptables.

À l’approche du Maroc, une chose est sûre : le parcours du Cameroun sera l’un des récits les plus captivants et sans doute l’un des plus imprévisibles de la compétition.

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