Interview Flashscore - Hugo Marques : "On ne peut pas se relâcher avec l'Angola"

Hugo Marques, Angola
Hugo Marques, AngolaPersonal archive

Après avoir été l’une des grandes surprises de la dernière édition de la Coupe d’Afrique des Nations, où les joueurs ont égalé leur meilleur parcours en atteignant les quarts de finale, l’Angola vise encore plus haut cette fois-ci. Flashscore s’est entretenu avec Hugo Marques, le joueur le plus âgé à avoir porté le maillot des Palancas Negras, qui espère enfin faire ses débuts à la CAN.

Nous avons parlé après le match amical contre l’Argentine. Qu’avez-vous ressenti en affrontant les champions du monde ? Notamment face à Messi.

"Je ne pense pas que quiconque aurait imaginé que le champion du monde, numéro un mondial, puisse venir en Angola pour disputer un match, n’est-ce pas ? La dernière fois qu’ils ont joué, c’était à Naples, et la difficulté de faire venir une telle équipe en Afrique… ce n’est possible que lors d’une grande compétition, comme la Coupe du monde en Afrique du Sud. Je ne me souviens pas qu’une autre équipe de ce calibre soit venue jouer sur le continent africain. Tout le monde demandait : ‘Est-ce que Messi vient en Angola ? Il faut tous les vaccins, est-ce qu’il va accepter tout ça, ou pas ?’. Voilà les questions qu’on se posait. Cela a été géré par des personnes du pays, en dehors de la Fédération. Tout ce qu’on nous a dit, c’est : ‘On va juste organiser le match, ils vont faire le déplacement, ils seront accompagnés de personnalités du pays et du gouvernement, et tout ce qu’on sait, c’est qu’il y aura un match contre l’Argentine le 14 novembre.’ Ensuite, il y a eu des rumeurs sur 10, 12, 15 millions d’euros, et qu’ils ne paieraient que si Messi venait."

"C’était une expérience unique, un souvenir pour la vie. Affronter l’Argentine était impensable, et jouer contre l’un des plus grands aussi. Ne pas encaisser de but (de Messi), même dans mes rêves les plus fous, je n’y aurais pas cru. J’y ai beaucoup pensé, je savais que j’allais jouer ; le jour du match, je savais que j’allais débuter car il était convenu qu’on jouerait chacun une mi-temps. J’étais heureux d’être titulaire, j’imaginais beaucoup d’actions, Messi qui tire et moi qui arrête, et c’est arrivé, heureusement pour moi."

Y a-t-il un moment de ce match qui vous a marqué ? Avez-vous récupéré un maillot ?

"(...) Le moment qui restera à jamais pour moi et ma famille, c’est l’arrêt que j’ai fait sur une frappe de Messi, et ensuite il a reconnu l’arrêt, et j’ai cette photo de nous deux en train de nous serrer la main. Cette reconnaissance valait bien plus que n’importe quel maillot."

Hugo Marques et Messi se saluent
Hugo Marques et Messi se saluentPersonal archive

C’était un match amical, mais (Lionel) Scaloni a salué la prestation de l’Angola. Dans quelle mesure ce match a-t-il pu contribuer à votre préparation pour la CAN ?

"Ce genre de rencontres fait ressortir le meilleur de nous-mêmes en termes d’engagement et de concentration. Il y a des erreurs car ce sont les meilleurs, ils provoquent des erreurs. Toutes les équipes n’ont pas la chance de se préparer contre de telles sélections. Pour nous, c’était très positif, c’est un match qui montre qu’on peut faire une belle CAN. On a bien tenu le ballon, construit de belles actions et eu des occasions de marquer. Certains pensaient que ce serait juste l’Argentine avec le ballon et nous en défense, ce qui aurait été normal car l’Argentine avait quasiment son équipe-type, et c’était un très bon test pour nous. Se préparer à la CAN contre l’Argentine ? Il n’y a rien de mieux."

Qu’a montré l’équipe lors de ce match ?

"Le match avançait et je sentais leur confiance. Cela montre le caractère de l’équipe. Le sélectionneur fait du bon travail car normalement, quand on vient en sélection, on se dit ‘je vais me détendre un peu, retrouver des amis que je n’ai pas vus depuis longtemps’. Ce qu’il nous dit, c’est qu’on ne peut pas se relâcher, et j’ai ressenti une différence dans l’organisation de l’équipe. On a eu des occasions d’approcher le but argentin, on a eu des situations et on a montré du caractère."

"Si on ne sort pas des poules, ce sera une grosse déception"

Comment décririez-vous l’état actuel de la sélection angolaise ? Il y a eu un changement d’entraîneur assez récent.

"On est dans une phase de transition. J’ai travaillé avec l’ancien coach presque depuis le début et ce que j’ai remarqué, c’est la différence dans ce qu’il nous demande à l’entraînement : plus de concentration et d’intensité. C’est un entraîneur qui a connu sept CAN, ça lui donne beaucoup d’expérience. Il en a gagné deux comme adjoint, mais il a gagné et il y était, donc il sait ce qu’il faut. L’ancien coach le voulait aussi, bien sûr, mais j’ai senti qu’avant les matchs, il manquait de concentration et ce n’était pas bon. Tout peut bien se passer car les joueurs sont talentueux, ou mal tourner comme lors de ces qualifications pour la Coupe du monde."

L’Angola a montré plus de compétitivité récemment, mais a fini seulement quatrième du groupe de qualification où le Cap-Vert a créé la surprise. Où pensez-vous que l’équipe a progressé et où a-t-elle le plus souffert ?

"Le coach nous a dit à l’entraînement : ‘Je veux une bonne équipe capable de battre n’importe qui et de battre n’importe qui. Je ne veux pas d’une équipe qui peut battre n’importe qui et perdre contre n’importe qui.’ C’est ce qui nous a manqué lors des qualifications pour la Coupe du monde ; plus de stabilité, plus d’exigence. Après la CAN, tout le monde espérait que la qualification pour la Coupe du monde serait très bonne. L’équipe était la même et quand on atteint les quarts de la CAN, on peut rivaliser avec les équipes pour aller à la Coupe du monde. Tout le monde pensait comme ça, moi aussi. On a commencé par concéder un match nul au Cap-Vert, ce qui est toujours positif, puis on a concédé un match nul contre l’Île Maurice, et là on a vu qu’il manquait quelque chose, et c’est là qu’il faut franchir un cap. On doit faire de bons matchs contre les grosses équipes, mais il faut battre celles qui sont théoriquement plus faibles. C’est seulement ainsi que l’Angola pourra retourner à la Coupe du monde."

Composition de l’Angola face à l’Argentine
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En 2024, vous avez égalé le plus grand exploit du pays en atteignant les quarts. L’objectif est-il de faire aussi bien ou le niveau du groupe avec l’Égypte et l’Afrique du Sud rend-il la mission très difficile ?

"On se prépare pour sortir des poules, et on pense que c’est possible. Avec une victoire dans le groupe, on peut directement se hisser dans le top 3, et c’est positif. Lors de la dernière CAN, l’Angola n’était pas non plus favori dans son groupe et a terminé premier, donc cela en dit long sur ce qui peut arriver en huitièmes. D’abord, on peut tomber sur une équipe classée troisième d’un autre groupe. On doit faire notre travail et essayer de finir le plus haut possible dans le groupe. Vu ce qu’on a montré, si on ne sort pas des poules, ce sera une grosse déception."

Ces dernières années, on a vu une progression des équipes africaines. Qu’est-ce qui, selon vous, a permis cela ?

"L’engagement du continent européen envers les joueurs africains. Si on regarde les sélections africaines, même celles qui n’étaient pas très grandes ont déjà réussi à placer quatre ou cinq joueurs à bon niveau dans des clubs européens, et ça tire les autres vers le haut, le pays lui-même bénéficie de meilleures conditions d’entraînement et de championnat. C’est là que commence l’évolution. La CAF impose que toutes les pelouses de la Ligue des champions africaine soient de qualité. Avant, ce n’était pas le cas ; aujourd’hui, il y a une inspection stricte. Quand on arrive en phase de groupes, tous les stades sont neufs ou récemment rénovés. Cela fait progresser le football et c’est bénéfique pour toutes les équipes."

Une progression qui s’accompagne d’une évolution structurelle des organisations ?

"Oui, et la CAN est le spectacle le plus suivi au monde après la Coupe du monde. L’Afrique est partout. Si on regarde les vues sur YouTube, les streams, dès qu’il y a une CAN, ça explose. Ceux qui brillent à la CAN décrochent de bons contrats. Sur le plan organisationnel, le président de la CAF a permis à l’Afrique de beaucoup progresser."

Quels sont les points forts de l’équipe actuellement ?

"Je pense qu’on est très solides défensivement en ce moment. Si on arrive à aller plus loin, car on a de très bons joueurs, si on arrive à enclencher la machine, on peut être une équipe très forte."

Qu’est-ce qui manque selon vous pour que le pays retrouve la Coupe du monde ?

"Il manque de la continuité dans les projets. Ce n’est pas bon de changer tout le temps d’entraîneur, de ne pas donner de suite à une direction. Maintenant, on a un président qui aime le football, il a été impliqué avec l’Interclub pendant de nombreuses années ; il a été champion. Le vice-président, Kali, a disputé la Coupe du monde 2006, il a beaucoup de sélections, il aime le football. L’implication est bonne, mais il faut que ça dure. Si tout se passe bien, on fera une bonne CAN, puis un tiers de ce groupe partira et il faudra être prêt à combler les places qui vont se libérer pour poursuivre le projet. Il y a des joueurs qui ne partaient jamais d’ici, et d’autres étaient en deuxième division au Portugal ou en Espagne, mais maintenant on voit des joueurs en Liga, en Ligue 1, en Serie A. Il faut continuer ainsi car, avec le temps, on pourra vraiment prétendre à la Coupe du monde."

"Ce sera la plus belle CAN de l’histoire"

Comment l’équipe se prépare-t-elle pour la CAN ?

"Ça se passe bien. On aura encore des matchs de préparation, mais avec le groupe définitif. Tout le monde espère y aller. Ce sera la meilleure CAN de tous les temps, car le Maroc se prépare à accueillir la Coupe du monde et on va trouver des conditions exceptionnelles. Ce sera une CAN très disputée. Les joueurs arrivent préparés, ils ne refusent plus la sélection, ils ne demandent plus à rester en club pour se battre pour une place, ils viennent en sélection car ils savent qu’une bonne CAN est une immense vitrine. Ce que je ressens, c’est que l’équipe est forte et que tout le monde se bat pour sa place."

En regardant les équipes présentes, qui voyez-vous comme favoris ou surprises ?

"Les équipes qualifiées pour la Coupe du monde seront forcément favorites. Le moral sera au beau fixe, le groupe sera plus fort. L’Égypte, pour moi, restera toujours numéro un. C’est l’équipe la plus titrée d’Afrique. Ensuite, il y a Sadio Mané et le Sénégal ; la Côte d’Ivoire, que personne n’attendait lors de la dernière CAN et qui est allée au bout ; le Nigeria voudra prendre sa revanche après avoir manqué la Coupe du monde ; le Congo sera motivé après avoir atteint les barrages. Je pense que les équipes qui vont à la Coupe du monde, comme le Congo et le Cameroun – qui va connaître des changements – seront les principaux prétendants."

"Je savais que mon tour viendrait et maintenant j’y serai"

Sur le plan personnel, vous étiez remplaçant à la CAN 2012, et vous avez maintenant la possibilité de faire vos débuts. Que ressentiriez-vous en réalisant ce rêve aujourd’hui et en représentant l’Angola pour la première fois dans la compétition ?

"Treize ans plus tard, je peux faire mes débuts. C’est un objectif depuis que j’ai choisi la nationalité angolaise en 2011 pour représenter la sélection. Je n’ai pas eu la chance de débuter, mais j’étais là avec peut-être la meilleure équipe que l’Angola ait jamais eue. Maintenant, en 2025/26, ce sera peut-être mon tour. J’espère que oui, je vais me battre pour… Même à 39 ans, je me sens très fort physiquement et mentalement."

Vous êtes né à Braga et avez joué pour les équipes de jeunes du Portugal, mais vous avez rejoint la sélection angolaise il y a longtemps. Curieusement, vous avez ensuite été absent de la sélection pendant près de sept ans. Qu’est-ce qui, selon vous, explique cela ?

"C’est ce que je dis : les projets se font, mais ensuite les dirigeants et les entraîneurs changent et il y a toujours quelqu’un qui en fait les frais. J’ai été appelé pour la CAN, mais à la première trêve après, je n’ai pas été convoqué car le coach avait changé. Je jouais toujours et le nouveau sélectionneur ne m’a tout simplement pas appelé. Je suis retourné au Portugal et je n’ai toujours pas été convoqué, car le coach appelait surtout des joueurs du Girabola. C’est seulement quand Pedro Goncalves est arrivé que j’ai reçu un appel de l’ancien entraîneur des gardiens de Benfica, qui avait travaillé en Angola, disant ‘Le coach veut que tu reviennes. Tu es ouvert à revenir ?’ Et j’ai répondu : ‘Je n’ai jamais fermé la porte, on ne m’a juste pas appelé.’ Pendant ces sept ans, j’ai raté deux ou trois CAN où j’aurais pu être. C’était dur, mais j’ai toujours dit que je n’abandonnerais pas. Je savais que mon tour viendrait et maintenant, si tout va bien, j’y serai."

Le fait de revenir en Angola a-t-il été déterminant pour vous imposer en sélection ? Est-ce aussi la raison pour laquelle vous avez signé à Petro ?

"Quand je suis revenu en Angola, ce n’était pas pour la sélection. J’étais en Afrique du Sud, au Cap, et j’étais déjà appelé par Pedro Goncalves. Mon retour en Angola est même lié à mon départ de la sélection. Il y a eu un épisode malheureux avec un supporter sur le terrain. Le coach n’a pas supporté, moi si. Il a préféré me sortir du but lors d’un match de qualification ; on était premiers, mais il a pris la pression et m’a sorti. Je me suis senti sans protection à ce moment-là. Peut-être que j’aurais dû encaisser le coup, mais je n’ai pas pu, et voilà comment ça s’est passé. Je suis venu à Petro pour jouer les titres. L’aspect financier a aussi compté, mais je voulais être dans un pays que je connaissais, car j’étais seul en Afrique du Sud, à 14 heures de chez moi à Povoa de Varzim, et en Angola j’étais plus proche. C’est aussi pour ça que j’ai fait ce choix."

Vous êtes proche d’atteindre un objectif de carrière. Quels autres grands objectifs avez-vous encore ? Vous verra-t-on encore défendre le but de l’Angola dans les prochaines années ?

"J’aurai 29 ans le 15 janvier ; si on est à la CAN, c’est qu’on est proches de la finale. Tout le monde dit que le 1000e but de Ronaldo sera en finale de Coupe du monde, et pour moi, c’était un rêve de fêter mon anniversaire avec la sélection. Je rêve de jouer la Ligue des champions africaine avec Petro de Luanda… ensuite, je veux faire mes débuts à la CAN, ce que je n’ai pas encore fait, et faire mieux que lors de la dernière CAN serait fantastique. Est-ce que je continuerai à représenter l’Angola ? Cela dépendra du coach. Heureusement, j’ai encore un an à Petro de Luanda et, s’il estime que je suis performant, j’irai avec plaisir car je veux profiter de tout ce que je peux dans ma carrière."