Plus

Flashback : Voúla Patoulídou à Barcelone, la plus grande surprise de l'histoire de l'athlétisme ?

Voúla Patoulídou, une onde de choc incroyable.
Voúla Patoulídou, une onde de choc incroyable.KAZUHIRO NOGI / AFP / AFP / Profimedia / Flashscore

Aux Jeux Olympiques de Barcelone, en 1992, hormis la naissance de stars et la fin de l'amateurisme, on a retenu la victoire improbable de Voúla Patoulídou sur le 100 mètres haies le 6 août. Le jour de gloire d'une anonyme, tout ce dont raffolent les JO.

Si l'on veut ne retenir qu'une seule chose des Jeux Olympiques de Barcelone 1992, il y a le choix. Beaucoup répondront la Dream Team, le passage des meilleurs joueurs américains ayant contribué pour beaucoup à l'incroyable essor de la NBA. Mais les moments forts étaient nombreux, comme les six médailles d'or de Vitaly Scherbo en gymnastique, l'ascension d'Alexander Popov et de Krisztina Egerszegi en natation, et on en passe. 

Et si l'on ne veut que regarder le sport roi des JO, l'athlétisme, on y trouvera les couronnements de Javier Sotomayor et Heike Dreschler, les records du monde inoubliables de Kevin Young et Mike Conley, le sacre de Linford Christie sur le 100 mètres, la liste des moments forts est longue.

Et celle qui aurait dû être la Reine de ces Jeux, c'est Gail Devers, puisque l'Américaine avait remporté à la surprise générale le 100 mètres, au terme d'une arrivée incroyablement serrée (les 5 premières se tenaient en 6 centièmes). Quand elle arrivait sur le 100 mètres haies, son épreuve fétiche, personne n'imaginait qu'elle pouvait s'incliner.

La catastrophe Devers

Certes, elle avait été devancée en demi-finales, mais sans faire la course à fond, puisqu'elle terminait en 13.14. Pour quelqu'un dont le record personnel est de 12.33, le calcul est vite fait : elle s'économisait en vue de la finale. En l'absence sur blessure de la championne du monde en titre Ludmila Narozhilenko, elle n'a pas de rivale à sa hauteur, chronométriquement parlant. 

Et ce 6 août 1992, jour de la grande finale, elle veut mettre les choses au point. Son départ est supersonique, et avant la première haie, elle a déjà une longueur d'avance sur la meute. Les franchissements s'enchaînent, plus impeccables les uns que les autres. Avant la dernière haie, elle a course gagnée tant son avance est grande. Quand soudain... 

... la catastrophe. A-t-elle voulu assurer cette dernière haie, ou pensait-elle qu'elle avait déjà anticipé de lever les bras ? Toujours est-il qu'elle allait marcher sur cette haie et s'écrouler au sol, franchissant la ligne sur l'élan, mais trop tard : quatre étaient déjà passées devant, et au milieu, une surprise incroyable : Paraskevi " Voúla" Patoulidou.

La Grèce enfin au sommet

La Grèce est le berceau des Jeux Olympiques modernes. C'est à Athènes, en 1896, que la renaissance avait eu lieu. Mais en termes de résultats, cette nation n'avait jamais réellement pesé - un point applicable à quasiment tous les sports. En athlétisme, jamais une Grecque n'avait été championne olympique. Jusqu'à Patoulidou.

Une athlète sans réelle référence avant ces Jeux Olympiques, qu'elle disputait pour la première fois à 27 ans. Non présente à Séoul, éliminée en séries aux Championnats du monde à Tokyo en 1991, éliminée en demi-finales des Championnats d'Europe 1990. Aucune finale internationale à son actif donc, et son parcours à Barcelone n'inspirait guère à l'optimisme. 

Quatrième de sa série, troisième de son quart de finale, troisième de sa demi-finale, 12.88 comme meilleur chrono : si Gail Devers venait à avoir un problème, on aurait plutôt misé sur Yordanka Donkova, pour la bonne et simple raison que cette dernière était alors la recordwoman du monde avec un monstrueux 12.21. Un record qui tiendra 28 ans. 

Mais voilà, il s'est passé ce dont les Jeux Olympiques raffolent : la course d'une vie, le Jour J, avec en prime le degré de réussite nécessaire pour obtenir une performance inoubliable. La course parfaite pour Voúla Patoulídou, qui claquera un magnifique 12.64 pour aller chercher le titre à la surprise de tout le monde, et en premier lieu la sienne. Un chrono dont jamais plus elle ne se rapprochera, et qui constitue encore aujourd'hui le record de Grèce de la discipline. 

Un impact démesuré

Le reste de sa carrière ? Anonyme, comme elle l'aura été tout du long, hormis ce 6 août 1992. Elle dérivera vers le saut en longueur, et sera même finaliste olympique dans cette discipline en 1996, à Atlanta. Une carrière qui s'éteindra à petit feu, sans qu'on se rende compte qu'elle avait pris sa retraite. 

Mais comment ne pas imaginer que la première championne olympique grecque de l'histoire n'ait pas eu d'impact sur le développement de son sport dans son pays ? Depuis, la Grèce a découvert Ekaterini Thanou, vice-championne olympique et du monde du 100 mètres, Athanasía Tsoumeléka, championne olympique du 20 km marche, Faní Halkiá, sacrée sur 400 mètres haies, ou encore Ekateríni Stefanídi, qui avait triomphé à la perche à Rio. Autant d'athlètes qui ont forcément été influencées par ce sacre incroyable. 

Ce n'est pas pour rien qu'elle était parmi les dernières relayeuses de la flamme olympique à Atlanta en 1996... et surtout à Athènes en 2004, après avoir longuement été envisagée comme celle qui allumerait la vasque. Et ce n'est pas pour rien que son nom est connu de tous les passionnés d'athlétisme : ce 6 août 1992, Voúla Patoulídou a peut-être réalisé la plus grande surprise de l'histoire de l'athlétisme mondial. Ce dont on se souvient encore 33 ans après. 


Mentions