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Femke Bol, un passage sur 800 m qui suscite beaucoup d'enthousiasme

Femke Bol après son titre mondial sur 400m haies à Tokyo en septembre dernier
Femke Bol après son titre mondial sur 400m haies à Tokyo en septembre dernierKunihiko Miura/The Yomiuri Shimbun via AFP

Femke Bol a annoncé passer sur 800m en vue des prochains Jeux olympiques en 2028. Une prise de risques bénéfique pour elle, mais aussi pour l'athlétisme.

Sydney McLaughlin-Levrone avait fait le tour du 400 m haies au propre comme au figuré alors, après les JO de Paris, l'Américaine a retiré les obstacles pour devenir championne du monde du 400 m plat, deuxième meilleur chrono de l'Histoire en finale. Sa rivale Femke Bol a "profité" de l'absence de la native du New Jersey pour conserver le titre mondial sur la distance. Mais, elle aussi, aspirait à autre chose. Alors, elle est montée de catégorie comme on dirait en boxe : la Néerlandaise passe sur 800 m. 

Objectif 1'55

En 1976 à Montréal, Alberto Juantorena a réalisé un doublé monumental 400-800. Référence du tour de piste, le Cubain a ajouté un tour supplémentaire pour écrire sa légende. Bol ne se lance pas un tel défi mais son passage sur 800 m est ambitieux et fait saliver. Recordwoman d'Europe du 400 m haies (2ᵉ meilleur chrono de l'Histoire), Bol brille aussi sur 400 plat : championne du monde en salle, recordwoman du monde en salle, détentrice du record des Pays-Bas en plein air, multiple médaillée mondiale et olympique en relais 4x400m féminin et mixte. 

À présent, il lui faudra valider cette réserve de vitesse dans une discipline particulière, très tactique et qui se court en peloton. C'est un nouvel apprentissage à assimiler mais, à 25 ans, c'est un risque calculé, surtout qu'elle se donne à la fois le temps de performer ou de revenir à sa discipline d'origine. 

"C'était dans la réflexion de son entraîneur Laurent Meuwly, qui a décidé avec Femke de cette orientation de carrière, explique Renaud Longuèvre, responsable du secteur sprint 100 m-200 m des Pays-Bas. Le 800 était dans les tuyaux pour tous les deux depuis plusieurs mois parce qu'à l'entraînement, elle pouvait faire un 600 m indoor à des vitesses très élevées". 

Pour une telle athlète, l'objectif sera de viser un podium à Los Angeles, ni plus ni moins. À Tokyo, les médailles se sont jouées sous les 1'55'', peu ou prou à 2''5 du vieux record du monde de la Tchèque Jarmila Kratochvilova à Munich en...1983. Son entraînement spécifique devra donc évoluer mais la Néerlandaise a déjà de sacrées bases : "elle est déjà très forte dans le secteur de la puissance lactique, c'est-à-dire des efforts entre 20 et 45-50 secondes, détaille Longuèvre. Sur 800 m, il faut s'étoffer sur la capacité lactique, c'est-à-dire la faculté à répéter des efforts à des intensités un peu moins élevées que sur 400 m mais avec plus de répétitions et de récupérations courtes". 

Au-delà de l'entraînement, Bol devra apprendre les rouages d'une discipline éminemment tactique, en peloton, et cela passera par des courses de haut niveau. Longuèvre explicite : "sur 800 m, il n'y a que 100 m en couloir. Il faut savoir courir au bon endroit, prendre des décisions dans des temps très courts, savoir réagir à des accélérations des adversaires, ne pas se faire enfermer. Sur 400 et 400 haies, il n'y a pas de telles considérations. Il faut les acquérir. Il ne faudra pas attendre d'elle d'exceller tout de suite, il lui faudra faire le métier. On ne s'improvise pas tacticien, il faut faire des erreurs et se tromper pour trouver les bonnes habiletés. Ça s'acquiert en pratiquant et elle le fera dans des meetings avec les meilleures". 

Des défis bénéfiques pour l'athlétisme

Un changement de discipline, c'est une chose qu'on a pu attendre d'Usain Bolt qu'on aurait adoré voir sur 400 m et encore plus à la longueur vu ses qualités intrinsèques de détente (le Jamaïcain sautait 2 m à la hauteur en survêtement et sans échauffement !). Bol, tout comme McLaughlin avant elle, donne de l'épaisseur à l'athlétisme. 

"Ce sont des challenges qui font du bien l'athlétisme, s'enthousiasme Longuèvre. On s'extasie devant Mondo Duplantis mais le travers de sa domination, c'est qu'on est déçu qu'il ne batte pas le record du monde quand bien même il a sauté 6,10 m. L'athlé a tout à gagner avec des athlètes qui s'exposent et tentent des aventures. Je me mets à la place du grand public : on a hâte de voir Femke sur 800 m".

Et si ça donnait des idées à d'autres ? Au-delà d'être le meilleur perchiste de tous les temps, Duplantis est aussi un sprinteur de très bon niveau et il a déjà participé à une exhibition sur 100 m avec Karsten Warholm, recordman du monde du 400 m haies, au Letzigrund de Zurich il y a un peu plus d'un an. "Voir Mondo faire un 100 m avec Warholm, c'est presque plus intéressant que de le voir gagner un meeting de Diamond League avec 6 m sans challenge et sans incertitude, constate Longuèvre. Et pourtant j'étais perchiste ! Moi je suis capable de me lever à 2 ou 3h du matin pour le voir faire 10''37 face à Warholm". 

De là à l'imaginer un jour sur le relais 4x100 m suédois ? "Il en est tout à fait capable". Mondo, si tu nous lis...