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Face au dopage, le cyclisme nage toujours dans un "climat de suspicion latent"

Pogacar est suspecté par l'opinion publique depuis ses performances historiques.
Pogacar est suspecté par l'opinion publique depuis ses performances historiques.JOSE JORDAN/AFP
Contrôles renforcés, interdiction du monoxyde de carbone, fraude technologique : alors que débute la saison cycliste, la lutte antidopage continue à traquer les tricheurs d'un sport toujours plongé dans un "climat de suspicion latent".

Vingt-sept ans après l'affaire Festina, douze ans après les aveux tardifs de Lance Armstrong, le cyclisme, même épargné par de gros scandales ces dernières saisons, continue à faire face à ce qui a longtemps été - et de loin - son problème numéro un.

"Le sport cycliste est un sport difficile, dur et donc l'un des sports qui peut être le plus soumis aux tentations", souligne le manager de l'équipe Groupama-FDJ Marc Madiot.

Ainsi, les performances en 2024 de Tadej Pogacar, comme celles de Jonas Vingegaard l'année précédente sur le Tour de France, ont suscité des doutes. Interrogés à plusieurs reprises, les deux ont nié avec force tout recours à une substance illicite.

"Il n'y a pas de confiance et je ne sais pas ce qu'on peut faire pour la regagner", a constaté Pogacar en octobre, disant espérer que "peut-être dans quelques générations les gens vont oublier le passé, oublier Armstrong et ce qu'ils faisaient à l'époque".

Pogacar et Vingegaard ont eu à se défendre de l'inhalation de monoxyde de carbone qui permet de mesurer les bienfaits des stages en altitude, mais pourrait avoir des effets dopants si son usage était détourné.

75 coureurs actuellement suspendus

"Polémique sensationnaliste", a fustigé Jeroen Swart, coordinateur de la performance chez UAE, l'équipe de Pogacar, expliquant que c'était une "technique très standardisée" que son équipe n'utilisait plus puisque les tests avaient été concluants.

Pour autant, l'Union cycliste internationale (UCI) a demandé à l'Agence mondiale antidopage (AMA) d'interdire l'inhalation de ce gaz létal, encouragée par le Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC) qui insiste sur la nécessité de garder "la lumière allumée" dans "un climat de suspicion latent".

Dans son dernier bulletin publié en septembre, le MPCC, qui regroupe sept équipes du World Tour (1ʳᵉ division) se voulant à la pointe de la lutte antidopage, a identifié 75 cyclistes sous licence professionnelle à être actuellement suspendus pour dopage, avec 15 à 20 nouveaux cas par an.

La moitié de ces cas évoluaient au moment de leur contrôle à l'échelon "Continental", soit la troisième division mondiale, où les coureurs, contrairement aux deux divisions supérieures, ne sont pas soumis à l'établissement d'un passeport biologique, "l'une des clés de voûte de la lutte antidopage", selon le MPCC.

La Colombie, avec 16 coureurs suspendus, est le pays le plus concerné. L'EPO, au cœur du scandale Festina, reste la première substance incriminée (25 %) devant les stéroïdes (13 %). Seuls 8 % appartiennent au World Tour masculin, celui qui regroupe l'essentiel des coureurs participant au Tour de France.

600 contrôles sur le Tour de France

Sur la plus grande course du monde, 600 échantillons de sang et d'urine ont été collectés en 2024, et 400 autres hors compétition pendant le mois précédant l'épreuve. Après chaque étape, le vainqueur et le maillot jaune ont systématiquement été testés par l'ITA (International Testing Agency). Depuis 2021, l'UCI, dont le budget consacré à la lutte antidopage s'élevait à dix millions d'euros fin 2024, délègue les activités opérationnelles à cette agence indépendante qui a collecté 15 200 échantillons au total en 2023.

Pour la première fois, un module endocrinien capable de détecter l'utilisation de l'hormone de croissance humaine a été inclus dans le dispositif.

Aucun cas positif n'a été signalé sur le Tour de France. Une sélection des échantillons sera conservée en vue d'une éventuelle réanalyse dans les dix ans.

En ce qui concerne la fraude technologique, l'UCI affirme qu'il est "impossible de passer à travers les mailles du filet" avec le contrôle des vélos à l'aide de tablettes magnétiques et de technologies d'inspection à rayons X. Fin septembre, plus de 8 000 vélos ont été contrôlés en 2024, selon l'UCI, et aucun cas de triche n'a été détecté.

L'UCI a aussi mis en place un "programme de récompenses" consistant à rétribuer financièrement des informateurs renseignant sur d'éventuels cas de fraude technologique.

Dans une course professionnelle, le seul cas prouvé d'un vélo aidé par un moteur dissimulé remonte à janvier 2016 aux Mondiaux de cyclo-cross espoirs. Il avait valu à la Belge Femke Van den Driessche, 19 ans, une suspension de six ans.


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