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Déclaré nul, le procès Maradona devra recommencer à une date incertaine

 Le procureur Patricio Ferrari
Le procureur Patricio Ferrari TOMAS CUESTA / AFP
Au bout de deux mois et demi d'audiences, le procès en Argentine sur les raisons de la mort en 2020 de l'icône du football Maradona a été déclaré nul jeudi, après la récusation d'une magistrate ayant participé à un documentaire non autorisé.

La conduite de cette juge a "engendré un préjudice pour les parties accusatrices comme pour la défense", a estimé Maximiliano Savarino, président du tribunal de San Isidro, dans la banlieue de Buenos Aires.

Il a en conséquence prononcé la "nullité du procès" et estimé que celui-ci devra reprendre "avec un autre tribunal", donc d'autres juges que lui-même et sa collègue Veronica di Tomasso. M. Savarino n'a pas avancé de date, mais le nouveau procès pourrait ne pas avoir lieu avant des mois.

Cette échéance, ont indiqué des avocats à l'issue de l'audience, est d'autant plus incertaine que certaines parties pourraient faire appel de la décision de nullité de jeudi.

Dans ce procès-phare qui fascine en Argentine et au-delà, sept professionnels de santé - médecins, psychiatre, psychologue, infirmiers - étaient jugés depuis début mars pour des négligences ayant potentiellement entraîné la mort de Diego Maradona. L'ex-joueur prodige était décédé en novembre 2020, après des heures d'agonie selon l'accusation, sur un lit de convalescence à Tigre (près de San Isidro), après une intervention neurochirurgicale qui s'était pourtant déroulée sans accroc.

"Sale odeur"

En d'autres termes, le Dieu du football argentin est-il décédé à 60 ans d'une crise cardiorespiratoire doublée d'un œdème pulmonaire - lorsqu'a lâché, inéluctablement, un corps usé par excès et addictions? Ou la mort était-elle évitable, et y a-t-il eu malveillance, éventuellement consciente? L'accusation a pour sa part dénoncé un "assassinat".

Mardi, le tribunal avait vécu un coup de théâtre, avec la récusation d'une des trois magistrates, Julieta Makintach, dont la position était devenue intenable après la révélation de sa participation - à l'insu de tous - à la préparation d'une mini-série documentaire dont elle était une protagoniste-clef.

"Une mort, une idole, une juge, un procès", promettait la bande-annonce, diffusée à l'audience dans la stupéfaction. Après cet épisode rocambolesque, des avocats de la défense - comme celui de Leopoldo Luque, médecin personnel de Maradona - avaient demandé la reprise du procès, mais avec un nouveau trio de magistrats, considérant celui-ci entaché.

Fernando Burlando, avocat des filles aînées de Maradona, estimait que le procès "avait une sale odeur, de rance. Pour cette raison, il faut nettoyer, tout changer". Le procureur Patricio Ferrari a appuyé ce changement d'équipe: "quelquefois il faut faire deux pas en arrière pour faire un pas en avant".

D'autres, tel l'avocat de la psychiatre de Maradona, ont réclamé la reprise des débats, avec seulement un nouveau juge pour remplacer Makintach. Un autre encore, l'avocat de l'entreprise privée prestataire de soins - qui devait fournir équipement médical et suivi pendant la convalescence - a réclamé purement et simplement la nullité.

Reprise cette année ? 

Vingt audiences en deux mois et demi, une quarantaine de témoins entendus, certains - comme les filles de Maradona - pendant de longues heures éprouvantes, et des perquisitions menées dans une clinique, se voient donc réduites à néant. L'une des filles de Maradona, Jana, a fait part de sa "colère", à l'issue de l'audience.

"C'est scandaleux", a également commenté Veronica Ojeda, ex-compagne de la star et mère d'un de ses enfants, qui s'est toutefois dite déterminée à revenir témoigner lors d'un nouveau procès si nécessaire.

Le calendrier de ce procès - qui, à raison de deux audiences par semaines, devait initialement s'étirer jusqu'en juillet - est désormais très incertain. Le procureur disait encore espérer mercredi qu'il puisse reprendre "cette année".