"Une équipe internationale basée dans les Alpes françaises": c'est l'appellation choisie auprès de l'AFP par Dominique Serieys, le patron de la formation historiquement implantée à Chambéry, lors de sa présentation, entièrement tenue en anglais, lundi au stade Pierre Mauroy à Lille, le fief de son principal sponsor.
Arrivé discrètement en juillet 2023, l'ancien directeur de Mitsubishi Motor Sports et de la Paris-Défense Arena a rapidement imposé sa patte sur l'équipe, au relais du manager fondateur, Vincent Lavenu, licencié dans la douleur l'été dernier.
Sur le plan sportif, le succès, pour la première année de Décathlon comme parraineur, a été immédiat en 2024 avec 30 victoires et une 6ᵉ place mondiale au classement UCI.
Dans les coulisses, la mue a été spectaculaire pour une équipe longtemps réputée pour son esprit familial et très français, en route pour devenir une multinationale du peloton.
Pour 2025, 14 des 30 coureurs de l'effectif World Tour (1re division) sont étrangers, avec les arrivées de coureurs comme le Norvégien Johannes Staune-Mittet, vainqueur du Giro espoirs en 2023, ou le Suisse Stefan Bissegger. Et l'encadrement aussi s'internationalise.
"Anglais primordial"
Cette transformation était indispensable selon Dominique Serieys pour vouloir rivaliser avec les superpuissances comme UAE et Visma.
"Je suis français et jamais, je ne trahirais ma nationalité. Mais c'est vraiment un handicap parfois. Il y a beaucoup de coureurs en 2023 qu'on voulait recruter, mais qui ne voulaient pas venir parce qu'on était trop Français et qu'il n'y avait pas d'encadrement étranger. Un garçon comme Staune-Mittet ne serait pas venu si on était resté dans ce schéma", assure-t-il.
Le grand espoir norvégien, débauché de Visma, assure auprès de l'AFP: "que l'équipe s'internationalise et développe un univers anglophone était primordial pour moi qui ne parle pas un mot de français".
Même son de cloche auprès du Gallois Luke Rowe, qui vient de raccrocher son vélo et entame une carrière de directeur sportif chez Decathlon-AG2R après avoir escorté pendant de longues années Chris Froome et Geraint Thomas chez Sky puis Ineos.
"Quand j'étais coureur, ma perception était celle d'une équipe old school et très française. J'avoue que c'était une inquiétude. Mais j'ai été très impressionné par leur discours. Se définir comme une équipe internationale basée dans les Alpes françaises, ça me parle."
Tous les coureurs et membres de l'encadrement français suivent donc des cours d'anglais – entre 2 et 6 heures par semaine – pour se mettre, si besoin, au niveau.
"Années ambition"
"J'ai fait spé anglais au lycée donc je suis plutôt à l'aise, mais ça illustre la voie que l'équipe prend. C'est impressionnant le virage opéré et les résultats sont là", souligne le prodige français Paul Seixas qui va découvrir le World Tour en 2025 comme plusieurs autres jeunes coureurs issus de la formation maison.
"Maintenant, toutes nos réunions se font en anglais. Dans les oreillettes, ça parle anglais, ajoute Benoît Cosnefroy. On a des sponsors qui ont un marché international avec Van Rysel et Decathlon, et ça nous rend beaucoup plus attractifs. On se doit de communiquer en anglais même si ça peut retirer selon moi un peu de familiarité."
Julien Jurdie, directeur sportif historique popularisé par la série Netflix sur le Tour de France, s'y est mis aussi.
"On avait tous des bases, mais nous sommes en train d'apprendre correctement l'anglais. C'est important avec 14 coureurs étrangers", dit celui dont le rôle "évolue" puisqu'il ne sera pas sur le Tour de France l'été prochain pour la première fois depuis vingt ans, focalisé sur les classiques flandriennes et ardennaises.
Avec un budget passant de 26 à 28 millions d'euros et qui a vocation à "grandir encore", l'objectif pour 2025 sera d'abord de "consolider" l'édifice et de terminer la "réorganisation", souligne Dominique Serieys.
Avant de passer aux "années ambitions", à partie de 2026, lorsqu'il s'agira de viser la victoire dans les plus grandes courses, Paris-Roubaix ainsi qu'un grand Tour, et si possible le Tour de France.